Un vieux, un peu chauve, très bien, charmant, correct, galant — sait une foule de chansons du vieux temps — et jadis a dû avoir une petite réputation aux desserts. Il fait des gestes. Dans les passages pathétiques tend les bras, se penche, en avant, avance un pied, hésite, la voix tremblante, recule, les mains sur son cœur, les yeux levés et finit le couplet en écartant les bras, lentement, et levant la main droite comme pour donner la volée à un dernier soupir arraché du cœur — toujours découvert respectueusement. Une tête de femme paraît derrière une persienne, il fait un salut gracieux sa main grassouillette sur son cœur, un bon vieux de Béranger. On lui jette un sou — il s’incline, fait son geste et ramasse dignement- il n’est certes pas talonné par la faim, il n’a pas une famille qui demande du pain, il vient chanter pour se distraire et parce qu’il croit bien chanter et être encore aux succès de jeunesse — il a fini, il se retire, il remercie les dames en embrassant d’un beau geste les trois façades des maisons, et débite d’une voix chevrotante un compliment éteint qu’on devine aux gestes galants et aux sourires — Mesdames je vous chanterai bien autre chose encore, mais je suis un peu grippé, mon Dieu, oui ; je vais de ce pas acheter une boîte de réglisses. [...]
Voici venir le soir doux au vieillard lubrique. Mon chat Mürr, accroupi comme un sphinx héraldique, Contemple inquiet de sa prunelle fantastique Monter à l’horizon la lune chlorotique. [...]
Il fait nuit. Au dehors, à flots tombe la pluie. L’âtre aux vieux murs couverts d’une lèpre de suie, D’une résine en feu s’éclaire pauvrement. Tapi dans son coin noir, mélancoliquement, Un grillon solitaire, en son cri-cri sonore, [...]
Tout, paysage affligé de tuberculose, Bâillonné de glaçons au rire des écluses, Et la bise soufflant de sa pécore emphase Sur le soleil qui s’agonise En fichue braise... [...]