J’écarte mon rideau, j’étouffe un bâillement. Toujours cet horizon de hauts-fourneaux de brique Fumant dans le ciel gris d’un air mélancolique. — Comme la vie est triste et coule lentement ! [...]
Dans le spleen attardé d’un orgue aux grêles plaintes Les fiacres, les journaux, la réclame et ses cris, Les passants vont gelés, cognant inattendris, Des marchandes de fleurs aux grossesses mal feintes... [...]
L’horloge sonne gravement dans la nuit. Minuit. Un jour qui ne reviendra pas. Dans l’abîme où sont allés hier, avant-hier, les mois, les ans, les siècles — où donc est hier ? hier j’aimai ! je baisais de belles lèvres ! hier le cœur me battait de désirs — qu’ils sont loin ! J’ai versé des pleurs qui ne reviendront plus — tout ce qui remplit hier ne reviendra plus — c’est comme un rêve — oh comme tout s’en va ! Qu’est-ce que cet abîme où tout sombre, où nos appels, nos regrets, n’éveillent pas d’écho — comme ces enfants qui jettent des pierres dans un gouffre — Et voilà que l’horloge sonne minuit un quart. Oh.. comme le temps coule. Et nul ne peut le faire revenir ! Je veux jouir ! Je veux être heureux minute par minute — Oh ! que de temps j’ai laissé perdre dans ma vie — Que de longs jours de spleen à rêver tristement ! Que d’heures à causer banalement, à regretter, à désirer, à douter, hésiter. — [...]