La Pluie

Par les deux fenêtres qui sont en face de moi, les deux fenêtres qui sont à ma gauche et les deux fenêtres qui sont à ma droite, je vois, j’entends d’une oreille et de l’autre tomber immensément la pluie. Je pense qu’il est un quart d’heure après midi : autour de moi, tout est lumière et eau. Je porte ma plume à l’encrier, et, jouissant de la sécurité de mon emprisonnement, intérieur, aquatique, tel qu’un insecte dans le milieu d’une bulle d’air, j’écris ce poème.

[...]

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Tempête

Au matin, laissant une terre couleur de rose et de miel, notre navire entre dans la haute mer et les fumées de vapeurs basses et molles. Quand — m’étant éveillé de ce sombre songe, — je cherche le soleil, je vois derrière nous qu’il se couche : mais au devant de nous, limitant l’espace noir et mort de la mer, un long mont, tel qu’un talus de neige, barre, d’un bout à l’autre du ciel, le Nord ; rien ne manque à l’Alpe, ni l’hiver, ni la rigidité. Seul au milieu de la solitude, comme un combattant qui s’avance dans l’énorme arène, notre navire vers l’obstacle blanc qui grandit fend les eaux mélancoliques. Et tout à coup la nuée, comme une capote de voiture que l’on tire, nous dérobe le ciel : dans cette fente de jour qu’elle laisse à l’horizon postérieur, d’un regard je veux voir encore l’apparence du soleil, des îles éclairées comme d’un feu de lampe, trois jonques debout sur l’arête extrême de la mer. Nous fonçons maintenant au travers du cirque ravagé des nuages. La plaine oscille, et, selon le propre mouvement de l’abîme où participe notre planche, la proue, solennellement comme si elle saluait, ou comme un coq qui mesure l’adversaire, se lève et plonge. Voici la nuit ; du Nord avec âpreté sort un souffle plein d’horreur. D’une part, une lune rouge en marche par la nue désordonnée la fend d’un tranchant lenticulaire ; de l’autre Fanal la lampe au visage convexe de verre ridé est hissée à notre misaine. Cependant tout est calme encore ; la gerbe d’eau jaillit toujours devant nous avec égalité, et, traversée d’un feu obscur, comme un corps fait de larmes, se roule en ruisselant sur notre taillemer.
[...]

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Sur la cervelle

La cervelle est un organe. L’étudiant acquiert un principe solide s’il étreint fortement cette pensée que l’appareil nerveux est homogène dans son foyer et dans ses ramifications, et que la fonction en est telle, simplement, que la détermine son efficacité mécanique. Rien ne justifie l’excès qu’on impute à la matière blanche ou grise, accessoirement au rôle sensitif et moteur, de « sécréter » ainsi que bruit une apparence de paroles, l’intelligence et la volonté, comme le foie fait de la bile. La cervelle est un organe, au même titre que l’estomac et le cœur ; et, de même que les appareils digestif ou circulatoire ont leurs fonctions précises, le système nerveux a la sienne, qui est la production de la sensation et du mouvement.

[...]

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Ténèbres


 
Je suis ici, l’autre est ailleurs, et le silence est terrible :
Nous sommes des malheureux et Satan nous vanne dans son crible.
 
Je souffre, et l’autre souffre, et il n’y a point de chemin
Entre elle et moi, de l’autre à moi point de parole ni de main.
[...]

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