Renée Vivien

À l’heure des mains jointes, 1906


Ainsi je parlerai...


 
Si le Seigneur penchait son front sur mon trépas,
Je lui dirais : « Ô Christ, je ne te connais pas.
 
« Seigneur, ta stricte loi ne fut jamais la mienne,
Et je vécus ainsi qu’une simple païenne.
 
« Vois l’ingénuité de mon cœur pauvre et nu.
Je ne te connais point. Je ne t’ai point connu.
 
« J’ai passé comme l’eau, j’ai fui comme le sable.
Si j’ai péché, jamais je ne fus responsable.
 
« Le monde était autour de moi, tel un jardin.
Je buvais l’aube claire et le soir cristallin.
 
« Le soleil me ceignait de ses plus vives flammes,
Et l’amour m’inclina vers la beauté des femmes.
 
« Voici, le large ciel s’étalait comme un dais.
Une vierge parut sur mon seuil. J’attendais.
 
« La nuit tomba... Puis le matin nous a surprises
Maussadement, de ses maussades lueurs grises.
 
« Et dans mes bras qui la pressaient elle a dormi
Ainsi que dort l’amante aux bras de son ami.
 
« Depuis lors j’ai vécu dans le trouble du rêve,
Cherchant l’éternité dans la minute brève.
 
« Je ne vis point combien ces yeux clairs restaient froids,
Et j’aimai cette femme, au mépris de tes lois.
 
« Comme je ne cherchais que l’amour, obsédée
Par un regard, les gens de bien m’ont lapidée.
 
« Moi, je n’écoutai plus que la voix que j’aimais,
Ayant compris que nul ne comprendrait jamais.
 
« Pourtant, la nuit approche, et mon nom périssable
S’efface, tel un mot qu’on écrit sur le sable.
 
« L’ardeur des lendemains sait aussi décevoir :
Nul ne murmurera mes strophes, vers le soir.
 
« Vois, maintenant, Seigneur, juge-moi. Car nous sommes
Face à face, devant le silence des hommes.
 
« Autant que doux, l’amour me fut jadis amer,
Et je n’ai mérité ni le ciel ni l’enfer.
 
« Je n’ai point recueilli les cantiques des anges,
Pour avoir entendu jadis des chants étranges,
 
« Les chants de ce Lesbos dont les chants se sont tus.
Je n’ai point célébré comme il sied tes vertus.
 
« Mais je ne tentai point de révolte farouche :
Le baiser fut le seul blasphème de ma bouche.
 
« Laisse-moi, me hâtant vers le soir bienvenu,
Rejoindre celles-là qui ne t’ont point connu !
 
« Psappha, les doigts errants sur la lyre endormie,
S’étonnerait de la beauté de mon amie,
 
« Et la vierge de mon désir, pareille aux lys,
Lui semblerai plus belle et plus blanche qu’Atthis.
 
« Nous, le chœur, retenant notre commune haleine,
Écouterions la voix qu’entendit Mytilène,
 
« Et nous préparerions les fleurs et le flambeau,
Nous qui l’avons aimée en un siècle moins beau.
 
« Celle-là sut verser, parmi l’or et les soies
Des couches molles, le nectar rempli de joies.
 
« Elle nous chanterait, dans son langage clair,
Ce verger lesbien qui s’ouvre sur la mer,
 
« Ce doux verger plein de cigales, d’où s’échappe,
Vibrant comme une voix, le parfum de la grappe.
 
« Nos robes ondoieraient parmi les blancs péplos
D’Atthis et de Timas, d’Eranna de Télos,
 
« Et toutes celles-là dont le nom seul enchante
S’assembleraient autour de l’Aède qui chante !
 
« Voici, me sentant près de l’heure du trépas,
J’ose ainsi te parler, Toi qu’on ne connaît pas.
 
« Pardonne-moi, qui fus une simple païenne !
Laisse-moi retourner vers la splendeur ancienne
 
« Et, puisque enfin l’instant éternel est venu,
Rejoindre celles-là qui ne t’ont point connu. »
 

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