Villon


Épitre à Marie d’Orléans [Dit de la naissance de Marie d’Orléans]


 

    Jam nova progenies celo demittitur alto.
[Virgile, Églogues, IV, 7.]


Ô louéë conceptïon,
Envoyéë çà-jus des cieux,
Du noble lys digne scïon,
Don de Jésus très précieux,
Marië, nom très gracïeux,
Font de pitié, source de grâce,
La joië confort de mes yeux,
Qui notre paix bâtit et brasse !
 
La paix, c’est assavoir, des riches,
Des pauvres le sustentement,
Le rebours des félons et chiches,
Très nécessaire enfantement,
Conçu, porté honnêtement,
Hors le péché originel,
Que dire je puis saintement,
Souvrain bien de Dieu éternel !
 
Nom recouvré, joië de peuple,
Confort des bons, des maux retraite ;
Du doux Seigneur première et seule
Fille, de son clair sang extraite,
Du dêtre côté Clovis traite ;
Glorïeuse image en tous faits,
Au haut cïel créée et pourtraite,
Pour éjouïr et donner paix !
 
En l’amour et crainte de Dieu
Ès nobles flancs César conçue ;
Des petits et grands, en tout lieu,
À très grande joië reçue,
De l’amour Dieu traite, tissue,
Pour les discordés rallïer
Et aux enclos donner issue,
Leurs lïens et fers délïer.
 
Aucunes gens, qui bien peu sentent,
Nourris en simplesse et confis,
Contre le vouloir Dieu attentent,
Par ignorance déconfis,
Désirant que fussiez un fils ;
Mais qu’ainsi soit, ainsi m’aist Dieu,
Je crois que ce soit grands profits,
Raison : Dieu fait tout pour le mieux.
 
Du psalmiste je prends les dits :
Delectasti me, Domine,
In factura tua, si dis :
« Noble enfant, de bonne heure né,
À toute douceur destiné,
Manne du ciel, céleste don,
De tous bienfaits le guerdonné,
Et de nos maux le vrai pardon !
 
 

*


 
              [Double ballade]
 
Combien que j’ai lu en un dit :
Inimicum putes, y a,
Qui te presentem laudabit,
Toutefois, non obstant cela,
Oncques vrai homme ne cela
En son courage aucun grand bien,
Qui ne le montrât çà et là :
On doit dire du bien le bien.
 
Saint Jean Baptiste ainsi le fit,
Quand l’Agnel de Dieu décela.
En ce faisant, pas ne méfit,
Dont sa voix ès tourbes vola ;
De quoi saint André Dieu loua,
Qui de lui ci ne savait rien
Et au Fils de Dieu s’aloua :
On doit dire du bien le bien.
 
Envoyéë de Jésus-Christ,
Rappellez çà-jus par deçà,
Les pauvres que Rigueur proscrit
Et que Fortune bétourna.
Si sais bien comment il m’en va !
De Dieu, de vous, vië je tien...
Benoît celle qui vous porta !
On doit dire du bien le bien.
 
Ci, devant Dieu, fais connaissance,
Que créature fusse morte,
Ne fût votre douce naissance,
En charité puissante et forte,
Qui ressuscite et réconforte
Ce que Mort avait pris pour sien.
Votre présence me conforte :
On doit dire du bien le bien.
 
Ci vous rends toute obéissance,
À ce faire Raison m’exhorte,
De toute ma pauvre puissance ;
Plus n’est deuil qui me déconforte
N’autre ennui de quelconque sorte.
Vôtre je suis et non plus mien ;
À ce, Droit et Devoir m’enhorte :
On doit dire du bien le bien.
 
Ô grâce et pitié très immense,
L’entréë de paix et la porte,
Somme de bénigne clémence,
Qui nos fautes toult et supporte :
Së de vous louer me déporte,
Ingrat suis et je le maintien,
Dont en ce refrain me transporte :
On doit dire du bien le bien.
 
Princesse, ce los je vous porte,
Que sans vous je ne fusse rien.
À vous et à tous m’en rapporte :
On doit dire du bien le bien.
 
 

*


 
Œuvre de Dieu, digne, louée
Autant que nulle créature,
De tous biens et vertus douée,
Tant d’esperit que de nature,
Que de ceux qu’on dit d’aventure
Plus que rubis noble ou balais,
Selon de Caton l’écriture,
Patrem insequitur proles.
 
Port assuré, maintien rassis,
Plus que ne peut nature humaine,
Et eussiez des ans trente-six,
Enfance en rien ne vous démène :
Que jour ne le die et semaine.
Je ne sais qui le me défend...
À ce propos, un dit ramène :
De sage mère, sage enfant.
 
Dont résume ce que j’ai dit :
Nova progenies celo,
Car c’est du poète le dit,
Jamjam demittitur alto.
Sage Cassandre, belle Écho,
Digne Judith, caste Lucrèce,
Je vous connais, noble Dido,
À ma seule dame et maîtresse.
 
En priant Dieu, digne pucelle,
Que vous doint longue et bonne vie,
Qui vous aime, ma demoiselle,
Jà ne coure sur lui envie.
Entière dame et assouvie,
J’espoir de vous servir ainçois,
Certes, së Dieu plaît, que dévie,
Votre pauvre écolier François.
 

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