Théophile de Viau


Sur une tempête qui s’éleva comme il était prêt de s’embarquer pour aller en Angleterre


 

Ode


Parmi ces promenoirs sauvages
J’ois bruire les vents et les flots
Attendant que les matelots
M’emportent hors de ces rivages.
Ici les rochers blanchissants,
Du choc des vagues gémissants,
Hérissent leurs masses cornues
Contre la colère des airs,
Et présentent leurs têtes nues
À la menace des éclairs.
 
J’ois sans peur l’orage qui gronde,
Et fût-ce l’heure de ma mort,
Je suis prêt à quitter le port
En dépit du ciel et de l’onde.
Je meurs d’ennui dans ce loisir :
Car un impatient désir
De revoir les pompes du Louvre
Travaille tant mon souvenir
Que je brûle d’aller à Douvre
Tant j’ai hâte d’en revenir.
 
Dieu de l’onde, un peu de silence !
Un dieu fait mal de s’émouvoir.
Fais-moi paraître ton pouvoir
À corriger ta violence.
Mais à quoi sert de te parler,
Esclave du vent et de l’air,
Monstre confus qui, de nature
Vide de rage et de pitié,
Ne montres que par aventure
Ta haine ni ton amitié !
 
Nochers, qui par un long usage
Voyez les vagues sans effroi
Et qui connaissez mieux que moi
Leur bon et leur mauvais visage,
Dites-moi, ce ciel foudroyant,
Ce flot de tempête aboyant,
Les flancs de ces montagnes grosses,
Sont-ils mortels à nos vaisseaux ?
Et sans aplanir tant de bosses
Pourrai-je bien courir les eaux ?
 
Allons, pilote, où la Fortune
Pousse mon généreux dessein !
Je porte un dieu dedans le sein
Mille fois plus grand que Neptune :
Amour me force de partir.
Et dût Thétis pour m’engloutir
Ouvrir mieux ses moites entrailles,
Cloris m’a su trop enflammer
Pour craindre que mes funérailles
Se puissent faire dans la mer.
 
Ô mon ange ! Ô ma destinée !
Qu’ai-je fait à cet élément
Qu’il tienne si cruellement
Contre moi sa rage obstinée ?
Ma Cloris, ouvre ici tes yeux,
Tire un de tes regards aux cieux :
Ils dissiperont leurs nuages,
Et pour l’amour de ta beauté
Neptune n’aura plus de rage
Que pour punir sa cruauté.
 
Déjà ces montagnes s’abaissent,
Tous leurs sentiers sont aplanis ;
Et sur ces flots si bien unis
Je vois des alcyons qui naissent.
Cloris, que ton pouvoir est grand !
La fureur de l’onde se rend
À la faveur que tu m’as faite.
Que je vais passer doucement !
Et que la peur de la tempête
Me donne peu de pensement !
 
L’ancre est levée, et le zéphyre,
Avec un mouvement léger,
Enfle la voile et fait nager
Le lourd fardeau de la navire.
Mais quoi ! Le temps n’est plus si beau,
La tourmente revient dans l’eau.
Dieux, que la mer est infidèle !
Chère Cloris, si ton amour
N’avait plus de constance qu’elle,
Je mourrais avant mon retour.
 

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