Théophile de Viau



Approche, approche, ma driade !
Ici murmureront les eaux ;
Ici les amoureux oiseaux
Chanteront une sérénade ;
Les vents nous souffleront au sein,
Et afin qu’un chacun s’applique,
Je te mettrai mon vit en main,
Et tu me branleras la pique !
 
L’enfant dont avorta Semèle
Nous emplira le gobelet ;
Philis nous donnera du lait,
Et la plaintive Philomèle
Entonnera ses doux accords :
À l’air d’une chanson lyrique,
Je tirerai mon vit dehors,
Et tu me branleras la pique !
 
Ois le pinson et la linotte
À l’ombrage de ce laurier ;
Vois frémir leur petit gosier ;
Vois comme ils ont changé de note.
Tandis qu’ils font dormir les dieux
Au son de leur joyeux cantique,
J’éleverai mon vit aux cieux,
Et tu me branleras la pique !
 
Ici, Priape, à ta venue,
De ses trésors tous découverts
Te fera voir cent cons ouverts
Et cent vits à la tête nue.
Les plus beaux qu’homme jamais vit,
Et, pour sa dernière réplique,
Il te présentera mon vit,
Et tu me branleras la pique !
 
Avance cette main d’albâtre,
Fais semblant de me rebuter ;
J’essayerai de te lutter.
Ainsi savant à nous ébattre
Nous ferons envier les dieux,
Mais mon vit leur fera la nique :
Je le ferai cracher aux cieux,
Et tu me branleras la pique !
 
Que crains-tu plus, ma toute belle ?
Nous sommes seuls dans ces forêts,
Et seule de nos feux secrets
Phœbé sera la maquerelle.
Que si l’horreur d’un tel séjour
Te fait l’esprit mélancolique,
Mon vit mettra ses yeux au jour,
Et tu me branleras la pique !
 
Si nous changeons cette demeure
Aux prisons noires du trépas,
Ma belle, ne t’en fâche pas,
Pourvu que notre amour ne meure,
Car dans la glace de ces bords
Aussi chaud que sablons d’Afrique,
J’arresserai devant les morts,
Et tu me branleras la pique !
 

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