Verlaine


Des morts


 

2 juin 1832 et avril 1834


Ô cloître Saint-Merry funèbre ! sombres rues !
Je ne foule jamais votre morne pavé
Sans frissonner devant les affres apparues.
 
Toujours ton mur en vain recrépit et lavé,
Ô maison Transnonain, coin maudit, angle infâme,
Saignera, monstrueux, dans mon cœur soulevé.
 
Quelques-uns d’entre ceux de Juillet, que le blâme
De leurs frères repus ne décourage point,
Trouvent bon de montrer la candeur de leur âme.
 
Alors dupes ? — Eh bien ! ils l’étaient à ce point
De mourir pour leur œuvre incomplète et trahie.
Ils moururent contents, le drapeau rouge au poing.
 
Mort grotesque d’ailleurs, car la tourbe ébahie
Et pâle des bourgeois, leurs vainqueurs étonnés,
Ne comprit rien du tout à leur cause haïe.
 
C’était des jeunes gens francs qui riaient au nez
De tout intrigant comme au nez de tout despote,
Et de tout compromis désillusionnés.
 
Ils ne redoutaient pas pour la France la botte
Et l’éperon d’un Czar absolu, beaucoup plus
Que la molette d’un monarque en redingote.
 
Ils voulaient le devoir et le droit absolus,
Ils voulaient « la cavale indomptée et rebelle »,
Le soleil sans couchant, l’Océan sans reflux.
 
La République, ils la voulaient terrible et belle,
Rouge et non tricolore, et devenaient très froids
Quant à la liberté constitutionnelle...
 
Ils étaient peu nombreux, tout au plus deux ou trois
Centaines d’écoliers, ayant maîtresse et mère,
Faits hommes par la haine et le dégoût des Rois.

Ils savaient qu’ils allaient mourir pour leur chimère,
Et n’avaient pas l’espoir de vaincre, c’est pourquoi
Un orgueil douloureux crispait leur lèvre amère ;
 
Et c’est pourquoi leurs yeux réverbéraient la foi
Calme ironiquement des martyres stériles,
Quand ils tombèrent sous les balles et la loi.
 
Et tous, comme à Pharsale et comme aux Thermopyles,
Vendirent cher leur vie et tinrent en échec
Par deux fois les courroux des généraux habiles.
 
Aussi, quand sous le nombre ils fléchirent, avec
Quelle rage les bons bourgeois de la milice
Tuèrent les blessés indomptés à l’œil sec !
 
Et dans le sang sacré des morts où le pied glisse,
Barbotèrent, sauveurs tardifs et nasillards
Du nouveau Capitole et du Roi, leur complice.
 
— Jeunes morts, qui seriez aujourd’hui des vieillards,
Nous envions, hélas ! nous vos fils, nous la France,
Jusqu’au deuil qui suivit vos humbles corbillards.
 
Votre mort, en dépit des serments d’allégeance,
Fut-elle pas pleurée, admirée et plus tard
Vengée, et vos vengeurs sont-ils pas sans vengeance ?
 
Ils gisent, vos vengeurs, à Montmartre, à Clamart,
Ou sont devenus fous au soleil de Cayenne,
Ou vivent affamés et pauvres, à l’écart.
 
Oh ! oui, nous envions la fin stoïcienne
De ces calmes héros, et surtout jalousons
Leurs yeux clos, à propos, en une époque ancienne.
 
Car leurs yeux contemplant de lointains horizons
Se fermèrent parmi des visions sublimes,
Vierges de lâcheté comme de trahison,
 
Et ne virent jamais, jamais, ce que nous vîmes.
 

Commentaire (s)

Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Rоnsаrd : Dе l’Élесtiоn dе sоn Sépulсrе

Βаudеlаirе : Lеs Ρlаintеs d’un Ιсаrе

Βаnvillе : À Αdоlphе Gаïffе

Du Ρеrrоn : «Αu bоrd tristеmеnt dоuх dеs еаuх...»

Βlаisе Сеndrаrs

Rоnsаrd : Dе l’Élесtiоn dе sоn Sépulсrе

Νuуsеmеnt : «Lе vаutоur аffаmé qui du viеil Ρrоméthéе...»

Lа Сеppèdе : «Сеpеndаnt lе sоlеil fоurnissаnt sа јоurnéе...»

Τоulеt : «Dаns lе silеnсiеuх аutоmnе...»

Μussеt : À Αlf. Τ. : «Qu’il еst dоuх d’êtrе аu mоndе, еt quеl biеn quе lа viе !...»

Vеrlаinе : «Lа mеr еst plus bеllе...»

Jасоb : Lе Dépаrt

☆ ☆ ☆ ☆

Lаfоrguе : Lе Sаnglоt univеrsеl

Сrоs : Ρituitе

Jаmmеs : Lа sаllе à mаngеr

Régniеr : Lа Lunе јаunе

Rоdеnbасh : «Αllеluiа ! Сlосhеs dе Ρâquеs !...»

Lаfоrguе : Соmplаintе d’un аutrе dimаnсhе

Vеrlаinе : Lе Dеrniеr Dizаin

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur L’Αbrеuvоir (Αutrаn)

De Сосhоnfuсius sur Lе Grаnd Αrbrе (Μérаt)

De Сосhоnfuсius sur «Jе vоudrаis êtrе аinsi соmmе un Ρеnthéе...» (Gоdаrd)

De Dаmе dе flаmmе sur Vеrlаinе

De Сurаrе- sur Sur l’Hélènе dе Gustаvе Μоrеаu (Lаfоrguе)

De Dаmе dе flаmmе sur Οisеаuх dе pаssаgе (Riсhеpin)

De Сurаrе- sur «Ιl n’еst riеn dе si bеаu соmmе Саlistе еst bеllе...» (Μаlhеrbе)

De Xi’аn sur Lе Gigоt (Ρоnсhоn)

De Jаdis sur «Lе Sоlеil l’аutrе јоur sе mit еntrе nоus dеuх...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur «Qu’еst-се dе vоtrе viе ? unе bоutеillе mоllе...» (Сhаssignеt)

De Dаmе dе flаmmе sur À sоn lесtеur : «Lе vоilà сеt аutеur qui sаit pinсеr еt rirе...» (Dubоs)

De Yеаts sur Ρаul-Jеаn Τоulеt

De Ιо Kаnааn sur «Μаîtrеssе, quаnd је pеnsе аuх trаvеrsеs d’Αmоur...» (Rоnsаrd)

De Rоzès sur Μédесins (Siсаud)

De Dаmе dе flаmmе sur «Hélаs ! vоiсi lе јоur quе mоn mаîtrе оn еntеrrе...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur «J’аdоrе lа bаnliеuе аvес sеs сhаmps еn friсhе...» (Соppéе)

De Rоzès sur Lе Сhеmin dе sаblе (Siсаud)

De Sеzоr sur «Jе vоudrаis biеn êtrе vеnt quеlquеfоis...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De KUΝG Lоuisе sur Villе dе Frаnсе (Régniеr)

De Xi’аn sur Jеhаn Riсtus

De Xi’аn sur «Épоuvаntаblе Νuit, qui tеs сhеvеuх nоirсis...» (Dеspоrtеs)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе