Verhaeren

Les Flamandes


Marines


 
 

I


 
Au temps de froid humide et de vent nasillard,
Les flots clairs s’étamaient de gris et de brouillard,
Et traînaient à travers les champs de verdeur sale,
Leur cours se terminant en pieuvre colossale.
 
Les roseaux desséchés pendaient le long du bord,
Le ciel, muré de nuit, partout, du Sud au Nord,
Retentissait au loin d’un fracas d’avalanches ;
Les neiges vacillaient dans l’air, flammèches blanches.
 
Et sitôt qu’il gelait, des glaçons monstrueux
Descendaient en troupeau large et tumultueux,
S’écrasant, se heurtant comme un choc de montagnes.
 
Et lorsque les terreaux et les bois se taisaient,
Eux s’attaquaient l’un l’autre, et craquaient, et grinçaient,
Et d’un bruit de tonnerre ébranlaient les campagnes.
 
 
 

II


 
Au sortir des brouillards, des vents et des hivers,
Le site avait les tons mouillés des aquarelles ;
L’Escaut traînait son cours entre les iris verts
Et les saules courbant leurs branches en ombrelles ;
 
Il coulait clair et blanc dans les limpidités,
Et les oiseaux chantaient parmi les oseraies ;
Il coulait clair dans les splendeurs et les gaietés
Et mirait les hameaux, tête en bas, dans les baies.
 
Là, sous la chaleur neuve et la clarté d’éveil,
Des chalands goudronnés luisaient dans le soleil.
Des vapeurs ameutaient les flots lents de leurs roues,
 
Des mâts se relevaient : focs, misaines, beauprés,
Et les voiliers géants dressaient sur l’eau leurs proues,
Où des nymphes en bois bombaient leurs seins dorés.
 
 
 

III


 
Sur le fleuve, rempli de mâts et de voilures,
Un ciel incandescent tombait de tout son poids
Et gerçait et grillait le sol de ses brûlures,
En jetant tout son feu de sulfure et de poix.
 
Près des digues, bouillaient le limon et la vase ;
Les pointes des roseaux s’aiguisaient de clartés,
Et les vaisseaux craquaient du sommet à la base,
Sous l’accablant fardeau de ces torridités.
 
Plus loin, près d’une passe où le courant s’ensable,
Émergeaient, s’étiraient, de jaunes bancs de sable,
Que des oiseaux, l’aile au soleil, tachaient de blanc ;
 
Le site entier chauffait dans un air de fournaise
Et semblait menacé d’un embrasement lent,
Et les flots criblés d’or charriaient de la braise.
 
 
 

IV


 
En automne, saison des belles pourritures,
Quand au soir descendant le couchant est en feu,
On voit au bas du ciel, d’immenses balayures
De jaune, de carmin, de vert pomme et de bleu.
 
Les flots traînent ce grand horizon dans leurs moires,
Se vêtent de ses tons électriques et faux,
Et sur fond de soleil, des barques toutes noires,
Vont comme des cercueils d’ébène au fil des eaux,
 
Les voix du jour mourant, funèbres et lointaines,
Roulent encor dans l’air avec le vent des plaines
Et les sons d’angélus tintant de tour en tour ;
 
Mais tous bruits vont mourir, et mourir toutes flammes,
L’appel des passeurs d’eau va se taire à son tour...
Voici qu’on n’entend plus qu’un bruit tombant de rames.
 

Commentaire (s)
Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Lеvеу : Jаpоn — Νаgаsаki

Lеvеу : Сôtе d’Αzur — Νiсе

Hugо

Ρéguу : L’Αvеuglе

Rоllinаt : Rоndеаu du guillоtiné

Αuvrау : À unе lаidе аmоurеusе dе l’аutеur

Gоudеzki : Sоnnеt d’Αrt Vеrt

Sullу Ρrudhоmmе : Lеs Yеuх

Rimbаud : Lеs Εffаrés

Αrnаult : Lа Fеuillе

☆ ☆ ☆ ☆

Rоllinаt : L’Αmаntе mасаbrе

Vеrlаinе : «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...»

Rimbаud : Αlсhimiе du vеrbе

Hуspа : Lеs Éléphаnts

Lоrrаin : Débutаnt

Lе Fèvrе dе Lа Βоdеriе : «Diеu qui еst Un еn Τrоis, pаr pоids, nоmbrе, еt mеsurе...»

Hеrеdiа : Lе Ρrisоnniеr

Sаint-Αmаnt : «Αssis sur un fаgоt, unе pipе à lа mаin...»

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur «Lа vоiх qui rеtеntit dе l’un à l’аutrе Ρôlе...» (Gоmbаud)

De Jаdis sur Саuсhеmаr (Lаfоrguе)

De Сосhоnfuсius sur À lа mémоirе d’unе сhаttе nаinе quе ј’аvаis (Lаfоrguе)

De Jаdis sur «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...» (Vеrlаinе)

De Сосhоnfuсius sur «Νе vоisе аu bаl, qui n’аimеrа lа dаnsе...» (Ρibrас)

De Jаdis sur Lеs Βоuquins (Jаmmеs)

De Ρоéliсiеr sur «Αmоurs јumеаuх, d’unе flаmmе јumеllе...» (Ρаssеrаt)

De Сurаrе- sur «Un sоir, lе lоng dе l’еаu, еllе mаrсhаit pеnsivе...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De Βеn sur «Μаrgоt, еn vоus pеignаnt, је vоus pinсе sаns rirе...» (Sigоgnе)

De Lеbrun sur «Jе rêvе, tаnt Ρаris m’еst pаrfоis un еnfеr...» (Соppéе)

De Rоzès sur Lе Сinémа (Siсаud)

De GΟUUΑUX sur «J’étаis à tоi pеut-êtrе аvаnt dе t’аvоir vu...» (Dеsbоrdеs-Vаlmоrе)

De Rоzès sur Répétitiоn (Vаuсаirе)

De Xi’аn sur Sоnnеt : «Νоn, quаnd biеn mêmе unе аmèrе sоuffrаnсе...» (Μussеt)

De Rоzès sur Εsсlаvаgе (Τhаlу)

De Сurаrе- sur Lе Lаit dеs сhаts (Guérin)

De Ιо Kаnааn sur Сrоquis (Сrоs)

De Сurаrе- sur À un sоt аbbé dе quаlité (Sаint-Ρаvin)

De Τristаn Βеrnаrd sur Lеs Соnquérаnts (Hеrеdiа)

De Lа Μusérаntе sur Sоnnеt dе Ρоrсеlаinе (Viviеn)

De Dаmе dе flаmmе sur «Du tristе сœur vоudrаis lа flаmmе étеindrе...» (Sаint-Gеlаis)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе