Verhaeren

Les Soirs, 1887


Les Malades


 
Pâles, nerveux et seuls, les tragiques malades
Vivent avec leurs maux. Ils regardent le soir
Se faire sur la ville et grandir les façades.
Une église près d’eux lève son clocher noir.
 
Heure morte, là-bas, quelque part, en province,
En des quartiers perdus, au fond d’un clos désert,
Où s’endeuillent les murs et les porches dont grince
Le gond monumental, ainsi qu’un poing de fer.
 
Pâles et seuls les malades hiératiques,
Pareils à de vieux loups mornes, flairent la mort ;
Ils ont mâché la vie et ses jours identiques
Et ses mois et ses ans et leur haine et leur sort.
 
Mais aujourdhui, barricadés dans le cynisme
De leur dégoût, ils ont l’esprit inquiété :
« Si le bonheur régnait dans ce mâle égoïsme :
Souffrir pour soi, tout seul, mais par sa volonté ?
 
« Ils ont banalement aimé comme les autres
Les autres ; ils ont cru, bénévoles, aux deuils,
À la souffrance, à des gestes prêcheurs d’apôtres ;
Imbéciles, ils ont eu peur de leurs orgueils.
 
« Vides, les îles d’or, là-bas, dans l’or des brumes,
Où les rêves assis, sous leur manteau vermeil,
Avec de longs doigts d’or effeuillaient aux écumes
Les ors silencieux qui pleuvaient du soleil.
 
« Cassés, les mâts d’avant, flasques, les grandes voiles !
Laissez la barque aller et s’éteindre les ports :
Aucun phare ne tend vers les grandes étoiles
Son bras immensément en feu — les feux sont morts ! »
 
Nerveux et seuls, les malades hiératiques,
Pareils à de vieux loups mornes, flairent la mort ;
Ils ont mâché la vie et ses jours identiques
Et ses mois et ses ans et leur haine et leur sort.
 
Et maintenant, leur corps ? — cage d’os pour les fièvres ;
Et leurs ongles de bois heurtant leurs fronts ardents
Et leur hargne des yeux et leur minceur de lèvres
Et comme un sable amer, toujours, entre leurs dents.
 
Et le regret éveille en eux l’orgueil posthume
De s’en aller revivre en un monde nouveau
Dont le couchant, pareil à un trépied qui fume,
Dresse le Dieu féroce et noir en leur cerveau.
 
Nerveux et seuls, ils sont les tragiques malades
Aigus de tous leurs maux. Ils regardent les feux
S’épandre sur la ville et les pâles façades
Comme de grands linceuls venir au devant d’eux.
 

Commentaire (s)
Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Hugо : Βооz еndоrmi

Vignу : À Μаriе Dоrvаl

Соppéе : Αllоns, pоètе, il fаut еn prеndrе tоn pаrti !

Vоiturе : «Sоus un hаbit dе flеurs, lа Νуmphе quе ј’аdоrе...»

Соppéе : Lе Fils dе Lоuis XΙ

Hugо : «Jеunеs gеns, prеnеz gаrdе аuх сhоsеs quе vоus ditеs...»

Сhаrlу : Dеrniеr sоnnеt

Vаlléе dеs Βаrrеаuх : «Grаnd Diеu, tеs јugеmеnts sоnt rеmplis d’équité...»

Vеrlаinе : Vеrs dоrés

Ρоzzi : Νух

☆ ☆ ☆ ☆

Hugо : Βооz еndоrmi

Μussеt : Μimi Ρinsоn

Rimbаud : Lеs Ρоètеs dе sеpt аns

Vеrlаinе : «Εt ј’аi rеvu l’еnfаnt uniquе : il m’а sеmblé...»

Соppéе : Αu théâtrе

Соppéе : Lе Саbаrеt

Νоаillеs : Lа Νоstаlgiе

Μеуrеt : «Μоn bоnhеur durа quinzе јоurs à pеinе...»

Vеrmеrsсh : Соurbеt

Αpоllinаirе : Lе Rеpаs

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur «Vоуаnt сеs mоnts dе vuе аinsi lоintаinе...» (Sаint-Gеlаis)

De Сосhоnfuсius sur Lе Vаl hаrmоniеuх (Hеrоld)

De Сосhоnfuсius sur Sur l’оrаisоn, l’аgоniе, еt lа suеur dе sаng dе Jésus-Сhrist (Sеlvе)

De GΟUUΑUX sur «J’étаis à tоi pеut-êtrе аvаnt dе t’аvоir vu...» (Dеsbоrdеs-Vаlmоrе)

De Jаdis sur Lе Сhаt (Rоllinаt)

De Rоzès sur Répétitiоn (Vаuсаirе)

De Jаdis sur Lеs Αngéliquеs (Νеlligаn)

De Xi’аn sur Sоnnеt : «Νоn, quаnd biеn mêmе unе аmèrе sоuffrаnсе...» (Μussеt)

De Rоzès sur Εsсlаvаgе (Τhаlу)

De Jаdis sur Épitаphе d’un сhiеn (Μаllеvillе)

De Сurаrе- sur Lе Lаit dеs сhаts (Guérin)

De Ιо Kаnааn sur Сrоquis (Сrоs)

De Сurаrе- sur À un sоt аbbé dе quаlité (Sаint-Ρаvin)

De Τristаn Βеrnаrd sur Lеs Соnquérаnts (Hеrеdiа)

De Lа Μusérаntе sur Sоnnеt dе Ρоrсеlаinе (Viviеn)

De Dаmе dе flаmmе sur «Du tristе сœur vоudrаis lа flаmmе étеindrе...» (Sаint-Gеlаis)

De Сurаrе- sur «С’еst оrеs, mоn Vinеus, mоn сhеr Vinеus, с’еst оrе...» (Du Βеllау)

De Wеbmаstеr sur Lа Ρеtitе Ruе silеnсiеusе (Fоrt)

De Dаmе dе flаmmе sur «Τоi qui trоublеs lа pаiх dеs nоnсhаlаntеs еаuх...» (Βеrnаrd)

De Xi’аn sur Μirlitоn (Соrbièrе)

De Xi’аn sur «Αimеz-vоus l’оdеur viеillе...» (Μilоsz)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе