André Theuriet


Le Bûcheron


 
Dodo, l’enfant do ! — La forêt sommeille,
Assis près d’un feu clair et réchauffant,
Un vieux bûcheron endort un enfant.
L’enfant a l’œil bleu, la lèvre vermeille ;
Le vieux est courbé, ridé, grisonnant...
— Dors, mon doux mignon ! la forêt sommeille.
 
Dors, le plus beau temps est l’âge où l’on dort ! —
Une étoile luit, un vent léger passe.
L’aïeul se souvient qu’à la même place
Il berça le père... — Ah ! d’un meilleur sort
Que Dieu ; mon enfant, te fasse la grâce !
Dors, le plus beau temps est l’âge où l’on dort.
 
Ton père était beau comme un jeune chêne,
Souple, agile et prompt comme un écureuil ;
Il avait la voix fraîche du bouvreuil
Lorsque la saison d’amour est prochaine ;
La force et l’ardeur brillaient dans son œil.
Ton père était beau comme un jeune chêne.
 
Bien qu’il n’eût ni champ, ni toit, ni denier,
Plus d’un laboureur l’eût voulu pour gendre.
Il aimait ailleurs, il s’en alla prendre...
— Dodo, l’enfant do ! — chez un charbonnier
Une pauvre enfant belle, douce et tendre,
Bien qu’il n’eût ni champ, ni toit, ni denier.
 
Comme le vin vieux, l’amour nous enivre ;
C’était au printemps, dans les chemins creux ;
Les pommiers neigeaient sur les amoureux...
Mais, avec l’hiver, la pluie et le givre,
La misère vint s’abattre sur eux...
Comme le vin vieux, l’amour nous enivre !
 
Quand tu vins au monde, ô cher orphelin,
Les murs étaient nus, la huche était vide ;
Ta mère pressait sa mamelle aride,
Tu pleurais ; que faire ? où trouver du pain ?
Les murs étaient nus, la huche était vide,
Quand tu vins au monde, ô cher orphelin !
 
Ton père partit avec sa cognée.
— Dodo ! l’enfant do ! — « Du pain ! Dans les bois,
J’en saurai trouver, dit-il, pour vous trois.
Grands chênes, sapins, futaie épargnée,
Tombez en dépit du garde et des lois !... »
Ton père partit avec sa cognée.
 
Mais un jour le deuil emplit la maison,
Le garde accourut, tremblant de colère.
— Dors, mon doux mignon ! — Et l’on prit ton père.
Aux gens de justice il criait : « Pardon !
L’enfant meurt de faim, l’enfant et la mère ! »
Ce jour-là, le deuil emplit la maison.
 
Ton père en prison est mort à la peine,
Hier on a mis ta mère au cercueil.
Nous voilà tous deux restés sur le seuil,
Moi le tronc brisé, toi le gland de chêne.
Où chercher asile ? où trouver accueil ?
Ton père en prison est mort à la peine.
 
Dodo ! L’enfant dort mollement bercé,
Au-dessus du bois la lune se lève ;
Le vieux tremble et pleure, un sanglot soulève
Et fait soupirer son sein oppressé ;
Ses pleurs vont tomber sur l’enfant qui rêve,
Sur l’enfant qui dort mollement bercé.
 
L’orphelin s’éveille ; il sourit et joue,
Et tend ses deux bras au vieux larmoyeur ;
L’aïeul se ranime : adieu la douleur !
Les pleurs répandus sèchent sur sa joue,
Un espoir nouveau réjouit son cœur.
L’orphelin s’éveille, il sourit et joue.
 

Les Voix du Printemps, 1860

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