Constance de Salm


Épître aux femmes


 
Ô femmes, c’est pour vous que j’accorde ma lyre !
Ô femmes, c’est pour vous qu’en mon brûlant délire,
D’un usage orgueilleux, bravant les vains efforts,
Je laisse enfin ma voix exprimer mes transports.
Assez et trop longtemps la honteuse ignorance
A jusqu’en vos vieux jours prolongé votre enfance ;
Assez et trop longtemps les hommes, égarés,
Ont craint de voir en vous des censeurs éclairés :
Un siècle de justice à nos yeux vient de naître ;
Femmes, soyez aussi ce que vous devez être.
 
Si la nature a fait deux sexes différents,
Elle a changé la forme, et non les éléments.
Même loi, même erreur, même ivresse les guide ;
L’un et l’autre propose, exécute ou décide ;
Les charges, les pouvoirs entre eux deux compensés,
Par un ordre immuable y restent balancés ;
Tous deux pensent régner, et tous deux obéissent ;
Ensemble ils sont heureux, séparés ils languissent ;
Tout à tout l’un de l’autre enfin guide et soutien,
Même en se donnant tout ils ne se doivent rien.
 
[...]
 
Mais déjà mille voix ont blâmé notre audace ;
On s’étonne, on murmure, on s’agite, on menace ;
On veut nous arracher la plume et les pinceaux ;
Chacun a contre nous sa chanson, ses bons mots ;
L’un, ignorant et sot, vient, avec ironie,
Nous citer de Molière un vers qu’il estropie ;
L’autre, vain par système et jaloux par métier,
Dit d’un air dédaigneux : Elle a son teinturier.
De jeunes gens à peine échappés du collège
Discutent hardiment nos droits, leur privilège ;
Et les arrêts, dictés par la frivolité,
La mode, l’ignorance, ou la futilité,
Répétés en écho par ces juges imberbes,
Après deux ou trois jours sont passés en proverbes.
En vain, l’homme de bien, qui toujours nous défend,
Contre eux, dans sa justice, éclate hautement,
Leur prouve de nos cœurs la force, le courage,
Leur montre nos lauriers conservés d’âge en âge,
Leur dit qu’on peut unir grâces, talents, vertus ;
Que Minerve était femme aussi bien que Vénus ;
Rien ne peut ramener cette foule en délire ;
L’honnête homme se tait, nous regarde et soupire.
Mais, ô dieux, qu’il soupire et qu’il gémit bien plus
Quand il voit les effets de ce cruel abus !
Quand il voit le besoin de distraire nos âmes
Se porter, malgré nous, sur de coupables flammes !
Quand il voit ces transports que réclamaient les arts
Dans un monde pervers offenser ses regards,
Et sur un front terni la licence funeste
Remplacer les lauriers du mérite modeste !
Ah ! détournons les yeux de cet affreux tableau !
Ô femmes ! reprenez la plume et le pinceau.
Laissez le moraliste, en sa folle colère,
Restreindre nos talents au talent de lui plaire ;
Laissez-le, tourmentant des mots insidieux,
Dégrader notre sexe et vanter nos beaux yeux ;
Laissons l’anatomiste, aveugle en sa science,
D’une fibre avec art calculer la puissance,
Et du plus et du moins inférer, sans appel,
Que sa femme lui doit un respect éternel.
La nature a des droits qu’il ignore lui-même :
On ne la courbe pas sous le poids d’un système ;
Aux mains de la faiblesse elle met la valeur ;
Sur le front du superbe, elle écrit la terreur ;
Et, dédaignant les mots de sexe et d’apparence,
Pèse dans sa grandeur les dons qu’elle dispense.
 
[...]
 

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