Hier j’ai vu la main rude et folle arracher
Les pendeloques d’or aux oreilles des vignes,
L’âpre squelette Hiver demain va nous joncher
De son linceul taillé dans le trépas des cygnes.
 
Une grêle canaille a lapidé la fleur,
Le papillon se fane et se fane la lèvre,
Les romances du ciel pleurent chez l’oiseleur,
Déjà vieille la Vie a pris sa voix de chèvre.
 
Le temps ayant éteint le serment allumé,
Je n’ai pu t’enlacer, pourtant ton cœur esclave
Avait jeté cet astre en mon écrin pâmé :
« Je viendrai près de toi cueillir l’avril suave. »
 
Or, le vallon s’ouvrit aux gloires du baiser,
L’azur se cisela de retours d’hirondelles,
Et j’aimais le miroir et laissais se griser
La fraise de mes seins quand me frôlaient deux ailes.
 
Mais tu n’es pas venu dénouer les moissons
Où se blottit mon rêve, alouette farouche,
Et transformer mon être en lyre de frissons,
Ta caresse agrafée à celle de ma bouche.
 
Mon âme est en haillons ! mon âme a les pieds nus !
Elle défaille au seuil de l’absence abhorrée,
Tendant sa mendiance aux matins revenus :
Les ducats de tes yeux sont l’aumône implorée.
 
Parmi la feuille que les vents font écureuil,
Oh viens tarir l’amère solitude à boire
D’une citerne obscure à forme de cercueil,
Je veux sabler le Paradis en ton ciboire !
 
Hier j’ai vu la main rude et folle arracher
Les pendeloques d’or aux oreilles des vignes,
L’âpre squelette Hiver demain va nous joncher
De son linceul taillé dans le trépas des cygnes.