Rimbaud


L’Homme juste


 
[ .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  ]
 
Le Juste restait droit sur ses hanches solides :
Un rayon lui dorait l’épaule ; des sueurs
Me prirent : « Tu veux voir rutiler les bolides ?
Et, debout, écouter bourdonner les flueurs
D’astres lactés, et les essaims d’astéroïdes ?
 
« Par des farces de nuit ton front est épié,
Ô Juste ! Il faut gagner un toit. Dis ta prière,
La bouche dans ton drap doucement expié ;
Et si quelque égaré choque ton ostiaire,
Dis : Frère, va plus loin, je suis estropié ! »
 
Et le Juste restait debout, dans l’épouvante
Bleuâtre des gazons après le soleil mort :
« Alors, mettrais-tu tes genouillères en vente,
Ô vieillard ? Pèlerin sacré ! Barde d’Armor !
Pleureur des Oliviers ! Main que la pitié gante !
 
« Barbe de la famille et poing de la cité,
Croyant très doux : ô cœur tombé dans les calices,
Majestés et vertus, amour et cécité,
Juste ! plus bête et plus dégoûtant que les lices !
Je suis celui qui souffre et qui s’est révolté !
 
« Et ça me fait pleurer sur mon ventre, ô stupide,
Et bien rire, l’espoir fameux de ton pardon !
Je suis maudit, tu sais ! Je suis soûl, fou, livide,
Ce que tu veux ! Mais va te coucher, voyons donc,
Juste ! Je ne veux rien à ton cerveau torpide !
 
« C’est toi le Juste, enfin, le Juste ! C’est assez !
C’est vrai que ta tendresse et ta raison sereines
Reniflent dans la nuit comme des cétacés !
Que tu te fais proscrire, et dégoises des thrènes
Sur d’effroyables becs de canne fracassés !
 
« Et c’est toi l’œil de Dieu ! le lâche ! Quand les plantes
Froides des pieds divins passeraient sur mon cou,
Tu es lâche ! Ô ton front qui fourmille de lentes !
Socrates et Jésus, Saints et Justes, dégoût !
Respectez le Maudit suprême aux nuits sanglantes ! »
 
J’avais crié cela sur la terre, et la nuit
Calme et blanche occupait les Cieux pendant ma fièvre.
Je relevai mon front : le fantôme avait fui,
Emportant l’ironie atroce de ma lèvre...
— Vents nocturnes, venez au Maudit ! Parlez-lui !
 
Cependant que, silencieux sous les pilastres
D’azur, allongeant les comètes et les nœuds
D’univers, remuement énorme sans désastres,
L’ordre, éternel veilleur, rame aux cieux lumineux
Et de sa drague en feu laisse filer les astres !
 
Ah ! qu’il s’en aille, lui, la gorge cravatée
De honte, ruminant toujours mon ennui, doux
Comme le sucre sur la denture gâtée.
— Tel que la chienne après l’assaut des fiers toutous,
Léchant son flanc d’où pend une entraille emportée,
 
Qu’il dise charités crasseuses et progrès...
— J’exècre tous ces yeux de Chinois à bedaines,
Mais qui chante : nana, comme un tas d’enfants près
De mourir, idiots doux aux chansons soudaines :
Ô Justes, nous chierons dans vos ventres de grès !
 
 

Commentaire (s)

Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Du Βеllау : «Αprès аvоir lоngtеmps еrré sur lе rivаgе...»

Hugо : Βооz еndоrmi

Μаllаrmé : Αmiеs

Μilоsz : Sоlitudе

Lаmаndé : Βаtifоlаgе

Lеvеу : Jаpоn — Νаgаsаki

Lеvеу : Сôtе d’Αzur — Νiсе

Hugо

Ρéguу : L’Αvеuglе

Rоllinаt : Rоndеаu du guillоtiné

☆ ☆ ☆ ☆

Rеnаrd : Lе Суgnе

Νеlligаn : Lе Viоlоn brisé

Εlskаmp : «À présеnt с’еst еnсоr Dimаnсhе...»

Vеrlаinе : Fаdаisеs

Vеrlаinе : Unе grаndе dаmе

Lесоntе dе Lislе : Sûrуâ

Rоllinаt : L’Αmаntе mасаbrе

Vеrlаinе : «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...»

Rimbаud : Αlсhimiе du vеrbе

Hуspа : Lеs Éléphаnts

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur Du Rоi Hеnri аu соmmеnсеmеnt dе sоn règnе (Sаint-Gеlаis)

De Jаdis sur Ιl fеrа lоngtеmps сlаir се sоir... (Νоаillеs)

De Сосhоnfuсius sur À Μаdаmе *** : «Jеunе аngе аuх dоuх rеgаrds, à lа dоuсе pаrоlе...» (Μussеt)

De Jаdis sur L’Αmоur (Νоаillеs)

De Сurаrе- sur «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...» (Vеrlаinе)

De Jаdis sur Rеmоntrаnсе à un Ρоètе buvеur d’еаu (Соllеtеt)

De Сосhоnfuсius sur À unе Dаmе сréоlе (Βаudеlаirе)

De Ρоéliсiеr sur «Αmоurs јumеаuх, d’unе flаmmе јumеllе...» (Ρаssеrаt)

De Сurаrе- sur «Un sоir, lе lоng dе l’еаu, еllе mаrсhаit pеnsivе...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De Βеn sur «Μаrgоt, еn vоus pеignаnt, је vоus pinсе sаns rirе...» (Sigоgnе)

De Lеbrun sur «Jе rêvе, tаnt Ρаris m’еst pаrfоis un еnfеr...» (Соppéе)

De Rоzès sur Lе Сinémа (Siсаud)

De GΟUUΑUX sur «J’étаis à tоi pеut-êtrе аvаnt dе t’аvоir vu...» (Dеsbоrdеs-Vаlmоrе)

De Rоzès sur Répétitiоn (Vаuсаirе)

De Xi’аn sur Sоnnеt : «Νоn, quаnd biеn mêmе unе аmèrе sоuffrаnсе...» (Μussеt)

De Rоzès sur Εsсlаvаgе (Τhаlу)

De Сurаrе- sur Lе Lаit dеs сhаts (Guérin)

De Ιо Kаnааn sur Сrоquis (Сrоs)

De Τristаn Βеrnаrd sur Lеs Соnquérаnts (Hеrеdiа)

De Lа Μusérаntе sur Sоnnеt dе Ρоrсеlаinе (Viviеn)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе