Honorat de Bueil de Racan



 

Ode


Vous qui riez de mes douleurs,
Beaux yeux qui voulez que mes pleurs
Ne finissent qu’avec ma vie,
Voyez l’excès de mon tourment
Depuis que cet éloignement
M’a votre présence ravie.
 
Pour combler mon adversité
De tout ce que la pauvreté
A de rude, et d’insupportable.
Je suis dans un logis désert,
Où partout le plancher y sert
De lit, de buffet et de table.
 
Notre hôte avec ses serviteurs
Nous croyant des réformateurs
S’enfuit au travers de la crotte,
Emportant ployé sous ses bras
Son pot, son chaudron et ses draps
Et ses enfants dans une hotte.
 
Ainsi plus niais qu’un oison,
Je me vois dans une maison
Sans y voir ni valet ni maître ;
Et ce spectacle de malheurs,
Pour faire la nique aux voleurs,
N’a plus ni porte ni fenêtre.
 
D’autant que l’orage est si fort
Qu’on voit les navires du port
Sauter comme un chat que l’on berne.
Pour sauver la lampe du vent,
Mon valet a fait en rêvant
D’un couvre-chef une lanterne.
 
Après maint tour et maint retour,
Notre hôte s’en revient tout court
En assez mauvais équipage,
Le poil crasseux et mal peigné
Et le front aussi renfrogné
Qu’un Écuyer qui tance un page.
 
Quand ce vieillard, déjà cassé,
D’un compliment du temps passé
À nous bienveigner s’évertue,
Il me semble que son nez tors
Se ploie et s’allonge à ressors
Comme le col d’une tortue.
 
Force vieux Soldats affamés,
Mal habillés et mal armés,
Sont ici couchés sur du chaume,
Qui racontent les grands exploits
Qu’ils ont faits depuis peu de mois
Avecque monsieur de Bapaume.
 
Ainsi nous nous entretenons
Sur le cul comme des guenons,
Pour soulager notre misère :
Chacun y parle en liberté,
L’un de la prise de Paté,
L’autre du siège de Fougère.
 
Notre hôte, qui n’a rien gardé,
Voyant notre souper fondé
Sur d’assez faibles espérances,
Sans autrement se tourmenter,
Est résolu de nous traiter
D’excuses et de révérences ;
 
Et moi que le sort a réduit
À passer une longue nuit
Au milieu de cette canaille,
Regardant le Ciel de travers,
J’écris mon infortune en vers,
D’un tison contre une muraille.
 
Ô beau soleil, le seul flambeau
Qui conduit mes jours au tombeau !
Quand vous saurez ce qui se passe,
Je vous assure, sur ma foi,
Si vous n’avez pitié de moi.
Que je n’espère plus de grâce.
 



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