Raoul Ponchon


L’Exposition d’horticulture


 
Ô délicieux jardiniers,
Qu’il est heureux que vous veniez
Chaque année, aux mois printaniers,
 
Secouer vos lys et vos roses.
Sur nos misérables névroses,
Sur nos ténèbres et nos proses !
 
Vous nous dites : « Tenez, voilà
Des fleurs qu’aucun art n’égala,
Qu’avez-vous à dire à cela ?
 
» Laissez pour un temps vos ordures,
Vos politiques, vos peintures ;
Venez à nos horticultures.
 
» Vous chercheriez en vain ailleurs
Les belles formes et couleurs
Qui se rencontrent dans ces fleurs.
 
» Regardez comme elles sont braves ;
Nous en avons fait nos esclaves,
Nous, les chefs des odeurs suaves.
 
» Robert même de Montesquiou
Qui les chanta sur son biniou
N’en vit pas de telles à Kiew.
 
» Il n’est que la chair de la femme
Qui soit de plus subtile trame,
Encor le jardinier. réclame...
 
» Il n’est que la flore des yeux
Qui puisse lutter sous les cieux
Avec ces joyaux précieux.
 
» Leur vue est bonne et salutaire
Elles sont un peu du mystère
Qui s’agite entre ciel et terre.
 
» Ne les touchez qu’avec égard,
Elles parlent d’amour et d’art,
Elles façonnent le regard.
 
» Toutes me causent des surprises.
Que voulez-vous que je vous dise ?...
Rien qu’à les nommer, je me grise.
 
» Ces pivoines flambant d’orgueil
Sont-elles pour vous salir l’œil
Et pour vous mettre l’âme en deuil ?
 
» Ces iris sont-ils sans répliques ?
Bien sûr ! ces lys hyperboliques,
Séraphiques, archangéliques ?
 
» Ne voilà-t-il pas des pavots
Vastes, magnifiques, nouveaux ?
Sur eux, je crois, rien ne prévaut.
 
» Ces œillets fous, ces azalées,
Ces primevères étoilées
Défient toutes langues parlées...
 
» Où trouver de plus fabuleux
Que ceux-ci hortensias bleus
Ô Montesquiou ! toi seul en pleus.
 
» Eh bien ! et, qu’est-ce que vous dites
De ces exquises clématites ?
Moi, je leur crois tous les mérites ;
 
» Sont-elles pas, en vérité,
Des miracles de pureté
De grâce et de fragilité !
 
» Voici le lot des orchidées
Que l’on croit d’abord possédées
De Belzébuths et d’Asmodées.
 
» Plus d’une d’elles marque mal ;
Son effort hésite, anormal,
Vers la fleur ou vers l’animal ;
 
» Mais ces plantes bien que toquées,
Paradoxales, compliquées,
N’ont pas besoin d’être expliquées...
 
» Et puis... que vous dirai-je, moi ?
Les fleurs, ça n’a rien d’iroquoi
Pour ceux qui possèdent la foi.
 
» Eh bien ! c’est à nos grosses pattes
Que vous devez ces délicates
Fleurs. Hein ! c’est ça qui vous épate ?
 
» Oui, c’est avec ces rudes mains
Que, pour parfumer vos chemins,
Nous sublimâmes ces jasmins ;
 
» Que ces roses les avons faites
Plus suaves et plus parfaites
Pour vos femmes et pour vos fêtes ;
 
» Les avons faites à loisir
Et selon notre bon plaisir.
Et selon notre beau désir.
 
» Nous majorâmes les délices
De leurs voluptueux calices,
Les parfums comme les mélisses.
 
» Et maintenant, mes chers enfants,
Que si vous n’êtes pas contents
Repassez au prochain printemps. »
 
 

*
* *


 
« Hélas ! voici des fleurs coupées,
Oui, mais qu’artistement groupées
Par de japonaises poupées ! »
 

  Mme Marimoto, Japonaise, a obtenu une médaille d’or pour ses bouquets. On ne saurait rien voir, en effet, de plus ingénieux. Nos plus célèbres fleuristes pourraient lui demander des leçons. — R. P.


in Le Journal, 7 juin 1897

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