Siméon Pécontal

(1802-1872)

 

 

Siméon Pécontal


Le Drack, légende du Quercy


 
Un jeune enfant, à la vesprée,
S’en allait jouant dans le val ;
Sur la pelouse diaprée
Un guerrier survient à cheval.
 
— Où vas-tu si tard dans la plaine,
Tout seul ainsi, petit enfant ?
Viens au bois pour reprendre haleine.
— Non ; ma mère me le défend.
 
— Tu n’en diras rien. — Oh ! ma mère
Sait ce que je fais sans le voir.
— Quel est son métier ? — Lavandière ;
Entendez d’ici son lavoir.
 
— Mais ne crains-tu pas, mon bel ange,
Le loup qui rôde par les champs ?
— Beau cavalier, le loup ne mange
Que les petits qui sont méchants.
 
— Cependant, si tu veux m’en croire,
Il ne faut pas trop s’y fier :
On dit que quand la nuit est noire.....
— Que dit-on, seigneur cavalier ?
 
— Qu’il est plus sûr d’aller ensemble ;
Avec moi ne crains aucun mal ;
Tu dois être las, il me semble :
Veux-tu monter sur mon cheval ?
 
— J’en ai peur : il a l’œil si rouge !
Il est noir, noir comme la nuit !
Et puis, voyez ! toujours il bouge,
Et ses pieds ne fout aucun bruit !
 
— C’est que, sur le sol qu’il effleure,
Il a peine à se contenir :
Il peut aller, en moins d’une heure,
Au bout du monde et revenir.
 
— Alors, oh ! que de belles choses
On pourrait voir en un moment !
— Plus qu’au printemps il n’est de roses,
Et d’étoiles au firmament !
 
Ce sont les fleurs les plus étranges,
Et des fruits d’un goût sans pareil ;
Des orangers tout plein d’oranges
Dans des champs tout pleins de soleil.
 
Ce sont des rois, ce sont des reines,
Assis au milieu de leur cour ;
Ce sont des villes si sereines
Que dans la nuit il y fait jour.
 
On voit tout ce qui peut surprendre :
Des hommes de toutes couleurs ;
Des oiseaux qui se laissent prendre
Avec la main comme des fleurs.
 
Ici, dans des forêts sauvages,
Paissent des troupeaux d’éléphants ;
Là, les perles, sur les rivages,
Servent de jouet aux enfants.
 
On voit les monts, on voit les plaines
Où l’or se trouve par monceaux ;
La mer, où nagent des baleines
Aussi grandes que des vaisseaux !
 
Eh bien ! ce merveilleux spectacle,
L’univers ! va s’offrir à toi,
En un moment et par miracle,
Si tu veux venir avec moi.
 
Et l’enfant, que le charme enivre,
Près du cavalier vient s’asseoir :
— Vous dites, si je veux vous suivre,
Que je peux revenir ce soir ?
 
— Oui, ce soir même, enfant ; mais songe
Qu’il est déjà tard ; tu m’entends.
Partons : vois l’ombre qui s’allonge !
Bientôt il ne serait plus temps.
 
Et son œil, plein d’inquiétude,
Suit du val le sentier battu ;
Rien ne trouble la solitude,
Mais l’écho du lavoir s’est tu !
 
L’enfant alors : — Pour que, je monte,
Approchez-vous de l’escalier
Que cette croix ici surmonte.
La voyez-vous, beau cavalier ?
 
Le cheval recule et se cabre...
— Comme il a frémi tout à coup
Votre cheval ! Tirez le sabre,
Peut-être qu’il a vu le loup !
 
— Il l’a vu, sans doute ; et je tremble :
Que deviendrais-tu là, tout seul ?
Viens, cher enfant ; allons ensemble
Derrière cet épais tilleul.
 
Et l’enfant, tendant sa main blanche,
Suit le cheval, cède à l’attrait...
Le cavalier vers lui se penche,
Le jette en croupe et disparaît.
 
Un long cri traversa la plaine !...
La mère accourt ; soins superflus :
Pour l’aller voir à la fontaine,
Son pauvre enfant ne revint plus.
 
__________
(*) Le Drack est le ravisseur d’enfants, le roi des aulnes du Quercy.

Commentaire (s)
Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Rоnsаrd : Dе l’Élесtiоn dе sоn Sépulсrе

Βаudеlаirе : Lеs Ρlаintеs d’un Ιсаrе

Βаnvillе : À Αdоlphе Gаïffе

Du Ρеrrоn : «Αu bоrd tristеmеnt dоuх dеs еаuх...»

Βlаisе Сеndrаrs

Rоnsаrd : Dе l’Élесtiоn dе sоn Sépulсrе

Νuуsеmеnt : «Lе vаutоur аffаmé qui du viеil Ρrоméthéе...»

Lа Сеppèdе : «Сеpеndаnt lе sоlеil fоurnissаnt sа јоurnéе...»

Τоulеt : «Dаns lе silеnсiеuх аutоmnе...»

Μussеt : À Αlf. Τ. : «Qu’il еst dоuх d’êtrе аu mоndе, еt quеl biеn quе lа viе !...»

Vеrlаinе : «Lа mеr еst plus bеllе...»

Jасоb : Lе Dépаrt

☆ ☆ ☆ ☆

Lаfоrguе : Lе Sаnglоt univеrsеl

Сrоs : Ρituitе

Jаmmеs : Lа sаllе à mаngеr

Régniеr : Lа Lunе јаunе

Rоdеnbасh : «Αllеluiа ! Сlосhеs dе Ρâquеs !...»

Lаfоrguе : Соmplаintе d’un аutrе dimаnсhе

Vеrlаinе : Lе Dеrniеr Dizаin

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur L’Αbrеuvоir (Αutrаn)

De Сосhоnfuсius sur Lе Grаnd Αrbrе (Μérаt)

De Сосhоnfuсius sur «Jе vоudrаis êtrе аinsi соmmе un Ρеnthéе...» (Gоdаrd)

De Dаmе dе flаmmе sur Vеrlаinе

De Сurаrе- sur Sur l’Hélènе dе Gustаvе Μоrеаu (Lаfоrguе)

De Dаmе dе flаmmе sur Οisеаuх dе pаssаgе (Riсhеpin)

De Сurаrе- sur «Ιl n’еst riеn dе si bеаu соmmе Саlistе еst bеllе...» (Μаlhеrbе)

De Xi’аn sur Lе Gigоt (Ρоnсhоn)

De Jаdis sur «Lе Sоlеil l’аutrе јоur sе mit еntrе nоus dеuх...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur «Qu’еst-се dе vоtrе viе ? unе bоutеillе mоllе...» (Сhаssignеt)

De Dаmе dе flаmmе sur À sоn lесtеur : «Lе vоilà сеt аutеur qui sаit pinсеr еt rirе...» (Dubоs)

De Yеаts sur Ρаul-Jеаn Τоulеt

De Ιо Kаnааn sur «Μаîtrеssе, quаnd је pеnsе аuх trаvеrsеs d’Αmоur...» (Rоnsаrd)

De Rоzès sur Μédесins (Siсаud)

De Dаmе dе flаmmе sur «Hélаs ! vоiсi lе јоur quе mоn mаîtrе оn еntеrrе...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur «J’аdоrе lа bаnliеuе аvес sеs сhаmps еn friсhе...» (Соppéе)

De Rоzès sur Lе Сhеmin dе sаblе (Siсаud)

De Sеzоr sur «Jе vоudrаis biеn êtrе vеnt quеlquеfоis...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De KUΝG Lоuisе sur Villе dе Frаnсе (Régniеr)

De Xi’аn sur Jеhаn Riсtus

De Xi’аn sur «Épоuvаntаblе Νuit, qui tеs сhеvеuх nоirсis...» (Dеspоrtеs)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе

 



Photo d'après : Hans Stieglitz