Philothée O’Neddy

Feu et Flamme, 1833


Spleen


 

MANFRED — La patience ! toujours la patience !... Ce mot a été créé pour les animaux serviles et non pas pour l’oiseau de proie ! Prêche la patience aux êtres formés de ta vile poussière ! moi, je suis d’une autre espèce !
LE CHASSEUR DES ALPES — Merci Dieu ! je ne voudrais pas être de la tienne pour toute la gloire de Guillaume Tell !...
Lord Byron.



Oh ! combien de mes jours le cercle monotone
Effare ma pensée et d’ennuis la couronne !
Que faire de mon âme et de ses saints transports,
Dans cet air étouffant qui pèse sur la ville,
Au milieu d’une foule insouciante et vile,
Où dort l’enthousiasme, où tous les cœurs sont morts !
 
Que faire, dites-moi, de ce culte funeste
Pour tout ce qui dans l’homme est grand, noble, céleste,
De ces fougues d’amour, de ces élans d’orgueil,
De ces bouillonnements, de cet intime orage,
Qui, de mes nerfs brûlés dévorant le courage,
Me font déjà rêver le repos du cercueil !
 
Est-ce éternellement que le sort me condamne
À dépérir ainsi dans ce climat profane ?
Oh ! ne pourrai-je donc libéré de mes fers,
Pèlerin vagabond sur de nouvelles rives,
Promener quelque jour mes passions actives,
À travers l’Océan, à travers les déserts ?
 
Où donc est le vaisseau qui, dédaignant la côte,
Doit chercher avec moi la mer profonde et haute ?
Quand, nouveau Child-Harold, sur la poupe monté,
À l’heure du départ, libre, sauvage et sombre,
D’un sourire pareil au sourire d’une ombre
Enverrai-je l’insulte à ce bord détesté ?
 
Le bercement lascif de l’onde aventureuse
Peut-être assoupirait la fièvre sulfureuse
Qui m’arrache des pleurs et me tarit le sang :
Peut-être, avec l’aspect du sol que je renie,
S’en irait cet amour dont ma pâle atonie
Divulgue le pouvoir morbide et flétrissant.
 
Peut-être j’oublierais jusqu’à ce nom magique
Que tant de fois mon cœur, lyre mélancolique,
A modulé tout bas loin des cœurs importuns :
Et, je ne verrais plus, dans mon sommeil morose,
Un fantôme trop cher, de sa main blanche et rose,
À ses cheveux d’ébène immiscer des parfums.
 
Toi l’oublier, esclave ? — Oh ! non, je t’en défie,
— Un charme trop puissant fut jeté sur ta vie. —
Tant que de sa lueur un reste de raison
Éclaircira la nuit de ton âme déserte,
Toujours, dans ta pensée aux noirs chagrins ouverte,
Une voix sarcastique épellera ce nom !
 
Eh bien ! donc, si jamais, dans son pèlerinage,
Mon brick aventurier rencontrait une plage
Où s’ouvrît des combats le drame redouté :
Jetez l’ancre, dirai-je, allons ! qu’on prenne terre !
J’aime le sang, la mort, le jeu du cimeterre,
Et je réclame ici ma part de volupté !
 
Un cheval, un cheval !... et qu’à bride abattue
Je tombe au plus épais de ces rangs où l’on tue !
— Reçois, bruyant chaos, celui qui veut mourir...
Oh ! l’éclair des cimiers ! le spasme du courage !
La strideur des clairons, l’arôme du carnage ! —
Quelle sublime fête à mon dernier soupir ! !
 
Certes, jeune insensé, voilà d’orgueilleux songes.
Ta muse n’a jamais, pour d’aussi beaux mensonges,
Sur le clavier de l’âme improvisé des airs.
Mais ils sont vains les cris de ta bouillante audace !
Au conseil du Destin tu n’as pas trouvé grâce :
Sur son trône de bronze il rit de tes concerts.
 
— Pleure : il faut te résoudre à languir dans les villes.
Adieu l’enthousiasme. — En des travaux serviles
On t’ensevelira, comme en un froid linceul.
Ah ! pleure — mais tout bas, de peur que l’ironie
De misère et d’orgueil n’accuse ton génie.
— Et point d’amis encore ! — Il te faut pleurer seul.
 
 

1829

Commentaire (s)
Déposé par Muraközy Nóra le 21 janvier 2015 à 16h53

Une question :
Je traduis des homélies de Christain de Chergé.
Il fait allusion dans une homélie (9 avril 1995. Dimanche des Rameaux) á Marie-Noël...
"Pere, dans Tes mains je remets mon esprit.... Cela commence avec des hommes : repas
... et s’acheve avec des femmes: grand repas de la compassion et de l’espérance.(Cf Marie-Noël)"

J’aimerais bien expliquer aux lecteur hongrois, de quel texte de Marie Noël s’agit-il. Mais... je ne sais pas.

Voulez-Vous bien m’aider ?
merci,

Nóra

[Lien vers ce commentaire]

Déposé par Thunderbird le 22 janvier 2015 à 10h29

Je n’ai pas trouvé cela, mais voir pourtant

http://leblogdumesnil.unblog.fr/2014/12/25/2014-116-le-noel-de-celui-qui-nest-pas-venu/

qui est un peu dans le même esprit.

[Lien vers ce commentaire]

Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Τhаlу : L’Îlе lоintаinе

Τristаn L’Hеrmitе : Épitаphе d’un pеtit сhiеn

Lаmаrtinе : Lеs Étоilеs

Μаllаrmé : «Ρаrсе quе dе lа viаndе...»

Соrbièrе : À lа mémоirе dе Zulmа

Νаvаrrе : «Μоn sеul Sаuvеur, quе vоus pоurrаis-је dirе...»

Ρаul Νаpоléоn Rоinаrd

Vоltаirе : «Si vоus vоulеz quе ј’аimе еnсоrе...»

Τоulеt : Sоuffrаnсе

Glаtignу : Βаllаdе dеs Εnfаnts sаns sоuсi

☆ ☆ ☆ ☆

Glаtignу : Ρаrtiе dе саmpаgnе

Μаllаrmé : «Ρаrсе quе dе lа viаndе...»

Hеrvillу : À lа Lоusiаnе

Vеrlаinе : Βаllаdе еn l’hоnnеur dе Lоuisе Μiсhеl

Jаmmеs : Jе pаrlе dе Diеu

Vеrlаinе : L’Αubеrgе

Соppéе : «Lе Grаnd-Μоntrоugе еst lоin, еt lе dur сhаrrеtiеr...»

Rimbаud : «L’еnfаnt qui rаmаssа lеs bаllеs...»

Ρrivаt d’Αnglеmоnt : «Соmbiеn durеrоnt nоs аmоurs ?...»

Cоmmеntaires récеnts

De Jаdis sur Τаblеаu rurаl (Соppéе)

De Сосhоnfuсius sur «J’аimе lе vеrt lаuriеr, dоnt l’hivеr ni lа glасе...» (Jоdеllе)

De Gеоrgеs sur À lа mémоirе dе Zulmа (Соrbièrе)

De Сосhоnfuсius sur «Lе viеil prоvеrbе dit quе du mоinе еt du prêtrе...» (Sаblе)

De Сосhоnfuсius sur «Qu’еst-се dе vоtrе viе ? unе bоutеillе mоllе...» (Сhаssignеt)

De Guillеmеttе. sur «Lе bеаu Ρrintеmps n’а pоint tаnt dе fеuillаgеs vеrts...» (Lа Сеppèdе)

De Guillаumе sur Αbаndоnnéе (Lоrrаin)

De Lа Μusérаntе sur Hоmmаgе : «Lе silеnсе déјà funèbrе d’unе mоirе...» (Μаllаrmé)

De Сurаrе- sur Αdiеuх à lа pоésiе (Gаutiеr)

De Сurаrе- sur «J’еntrеvоуаis sоus un vêtеmеnt nоir...» (Μаgnу)

De Сurаrе- sur «Се соrps défiguré, bâti d’оs еt dе nеrfs...» (Sigоgnе)

De Jаdis sur «Viсtоriеusеmеnt fui lе suiсidе bеаu...» (Μаllаrmé)

De Gеоrgеs Lеmаîtrе sur «Lе sоir, аu соin du fеu, ј’аi pеnsé biеn dеs fоis...» (Соppéе)

De Jаdis sur Lе Vœu suprêmе (Lесоntе dе Lislе)

De Сhristiаn sur «J’еntrаis сhеz lе mаrсhаnd dе mеublеs, еt là, tristе...» (Νоuvеаu)

De Ρépé Hаsh sur «Сеpеndаnt qu’аu pаlаis dе prосès tu dеvisеs...» (Du Βеllау)

De Сurаrе_ sur Sоnnеt : «Quаnd је rеpоsеrаi dаns lа fоssе, trаnquillе...» (Gоudеаu)

De Vinсеnt sur Τоmbеаu du Ρоètе (Dеubеl)

De Xi’аn sur «Μоn âmе pаisiblе étаit pаrеillе аutrеfоis...» (Τоulеt)

De Сhristiаn sur Соntrе Ligurinus : «Τоut lе mоndе tе fuit...» (Dubоs)

De Vinсеnt sur «Un sоir, lе lоng dе l’еаu, еllе mаrсhаit pеnsivе...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе

 



Photo d'après : Hans Stieglitz