|
Valentines, 1887
Depuis longtemps, je voudrais faire
Son portrait, en pied, suis-moi bien :
Quand elle prend son air sévère,
Elle ne bouge et ne dit rien.
Ne croyez pas qu’Elle ne rie
Assez souvent ; alors, je vois
Luire un peu de sorcellerie
Dans les arcanes de sa voix.
Impérieuse, à n’y pas croire !
Pour le moment, pour son portrait,
(Encadré d’or pur, sur ivoire)
Plus sérieuse... qu’un décret.
Suivez-moi bien : son Âme est belle
Autant que son visage est beau,
Un peu plus... si je me rappelle
Que Psyché se rit du Tombeau.
Tout le Ciel est dans ses prunelles
Dont l’éclat... efface le jour,
Et qu’emplissent les éternelles
Magnificences de l’Amour ;
Et ses paupières sont ouvertes
Sur le vague de leur azur,
Toutes grandes et bien mieux, certes,
Que le firmament le plus pur.
L’arc brun de ses grands sourcils, digne
De la flèche d’amours rieurs,
Est presque un demi-cercle, signe
De sentiments supérieurs.
Sans ride morose ou vulgaire,
Son front, couronné... de mes vœux,
En fait de nuages n’a guère
Que l’ombre douce des cheveux.
Quand elle a dénoué sa tresse
Où flottent de légers parfums,
Sa chevelure la caresse
Par cascades de baisers bruns,
Qui se terminent en fumée
À l’autre bout de la maison,
Et quand sa natte est refermée
C’est la plus étroite prison,
Le nez aquilin est la marque
D’une âme prompte à la fureur,
Le sien serait donc d’un monarque
Ou d’une fille d’empereur ;
Ses deux narines frémissantes
Disent tout un trésor voilé
De délicatesses puissantes
Au fond duquel nul est allé.
Ses lèvres ont toutes les grâces
Comme ses yeux ont tout l’Amour,
Elles sont roses, point trop grasses,
Et d’un spirituel contour.
Ho, çà ! Monsieur, prenez bien garde
À tous les mots que vous jetez,
Son oreille fine les garde
Longtemps, comme des vérités.
L’ensemble vit, pense, palpite ;
L’ovale est fait de doux raccords ;
Et la tête est plutôt petite,
Proportionnée à son corps.
Esquissons sous sa nuque brune
Son cou qui semble... oh ! yes, indeed !
La Tour d’ivoire, sous la lune
Qui baigne la Tour de David ;
Laquelle, loin que je badine,
Existe encor, nous la voyons
Sur l’album de la Palestine,
Chez les gros marchands de crayons.
Je voudrais faire... les épaules.
Ici, madame, permettez
Que j’écarte l’ombre des saules
Que sur ces belles vous jetez...
Non ? vous aimez mieux cette robe
Teinte de la pourpre que Tyr
À ses coquillages dérobe
Dont son art vient de vous vêtir ;
Vous préférez à la nature
D’avant la pomme ou le péché,
Cette lâche et noble ceinture
Où votre pouce s’est caché.
Mais votre peintre aime l’éloge,
Et... l’on est le premier venu
Fort indigne d’entrer en loge,
Si l’on ne sait rendre le nu ;
S’il ne peut fondre avec noblesse
Cette indifférence d’acier
Où sa réflexion vous laisse,
Comment fera-t-il votre pied ?
Vos mains mignonnes, encor passe ;
Mais votre pied d’enfant de rois
Dont la cambrure se prélasse
Ainsi qu’un pont sur les cinq doigts,
Qu’on ne peut toucher sans qu’il parte
Avec un vif frémissement
Des doigts dont le pouce s’écarte,
Comme pour un... commandement...
Vous persistez, c’est votre affaire,
Faites, faites, ça m’est égal !
Je barbouille tout, de colère...
Et tant pis pour mon madrigal !
Commentaire (s)
Déposé par Cochonfucius le 10 juillet 2016 à 11h42Deux lords
-----------
Ces lords ne savent pas quoi faire :
Plutôt le mal? plutôt le bien ?
On leur a dit d’être sévères ;
Ça, vraiment, ça ne leur dit rien.
Or, faut-il que le peuple en rie ?
Le berger sourit, s’il les voit ;
Il pourrait, par sorcellerie,
Rendre autoritaire leur voix.
Pour qu’en eux-mêmes ils puissent croire,
Le curé a fait leur portrait :
Entre eux, un talisman d’ivoire
Devenu sacré, par décret. [Lien vers ce commentaire]
Votre commentaire :
|
Mon florilège
(Tоuriste)
(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)
Compte lecteur
Se connecter
Créer un compte
Agora
Évаluations récеntes☆ ☆ ☆ ☆ ☆Νоаillеs : Οffrаndе
Sсаrrоn : Épitаphе
Fоurеst : Sоuvеnir оu аutrе rеpаs dе fаmillе
Μаrоt : Αnnе, pаr јеu, mе јеtа dе lа nеigе
Vеrlаinе : «Βоn сhеvаliеr mаsqué qui сhеvаuсhе еn silеnсе...»
Vеrlаinе : Соlоmbinе
Vеrlаinе : «Μаlhеurеuх ! Τоus lеs dоns, lа glоirе du bаptêmе...»
Vеrlаinе : «Βеаuté dеs fеmmеs, lеur fаiblеssе, еt сеs mаins pâlеs...»
Rоnsаrd : À un аubépin
Du Βеllау : Épitаphе d’un pеtit сhiеn ☆ ☆ ☆ ☆Rimbаud : «L’еnfаnt qui rаmаssа lеs bаllеs...»
Ρrivаt d’Αnglеmоnt : «Соmbiеn durеrоnt nоs аmоurs ?...»
Vеrlаinе : Lеs Lоups
Αpоllinаirе : Μаi
Ρеllеrin : L’Αutоbus ivrе
Rоnsаrd : «Yеuх, qui vеrsеz еn l’âmе, аinsi quе dеuх Ρlаnètеs...»
Fоrt : Lе Diаblе dаns lа nuit
Τоulеt : «Ιl plеuvаit. Lеs tristеs étоilеs...»
Cоmmеntaires récеnts
De Lа Μusérаntе sur Hоmmаgе : «Lе silеnсе déјà funèbrе d’unе mоirе...» (Μаllаrmé) De Сосhоnfuсius sur Lеs Étоilеs blеuеs (Rоllinаt) De Сurаrе- sur Αdiеuх à lа pоésiе (Gаutiеr) De Сurаrе- sur «J’еntrеvоуаis sоus un vêtеmеnt nоir...» (Μаgnу) De Сurаrе- sur «Се соrps défiguré, bâti d’оs еt dе nеrfs...» (Sigоgnе) De Сосhоnfuсius sur «Quаnd lе grаnd œil du Сiеl tоurnоуаnt l’hоrizоn...» (Νuуsеmеnt) De Сосhоnfuсius sur Sоnnеt ivrе (Riсhеpin) De Jаdis sur «Viсtоriеusеmеnt fui lе suiсidе bеаu...» (Μаllаrmé) De Gеоrgеs Lеmаîtrе sur «Lе sоir, аu соin du fеu, ј’аi pеnsé biеn dеs fоis...» (Соppéе) De Jаdis sur Lе Vœu suprêmе (Lесоntе dе Lislе) De Jаdis sur Sоnnеt d’Αutоmnе (Βаudеlаirе) De Сhristiаn sur «J’еntrаis сhеz lе mаrсhаnd dе mеublеs, еt là, tristе...» (Νоuvеаu) De Ρépé Hаsh sur «Сеpеndаnt qu’аu pаlаis dе prосès tu dеvisеs...» (Du Βеllау) De Сurаrе_ sur Sоnnеt : «Quаnd је rеpоsеrаi dаns lа fоssе, trаnquillе...» (Gоudеаu) De Сurаrе_ sur Lе Τоmbеаu dе Сhаrlеs Βаudеlаirе (Μаllаrmé) De Vinсеnt sur Τоmbеаu du Ρоètе (Dеubеl) De Xi’аn sur «Μоn âmе pаisiblе étаit pаrеillе аutrеfоis...» (Τоulеt) De Сhristiаn sur Соntrе Ligurinus : «Τоut lе mоndе tе fuit...» (Dubоs) De Vinсеnt sur «Un sоir, lе lоng dе l’еаu, еllе mаrсhаit pеnsivе...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе) De Xi’аn sur Lе Суgnе (Rеnаrd) De Rоzès sur Lе Сinémа (Siсаud)
Flux RSS...
Ce site
Présеntаtion
Acсuеil
À prоpos
Cоntact
Signaler une errеur
Un pеtit mоt ?
Sоutien
Fаirе un dоn
Librairiе pоétique en lignе

|