Anna de Noailles

L’ombre des jours, 1902


Apaisement


 
C’est vrai que ce jour fut intolérablement
Inquiet, désolant, aigu, luisant, aride ;
Mais le soir vient, un soir si tendre et si clément,
Un peu tremblant, un peu glissant, un peu humide.
 
Le ciel d’un gris de lin a la fraîcheur de l’eau,
Sans plus rien qui tourmente et sans plus rien qui pèse,
Un vent harmonieux, dans le soir lent et beau
Éparpille une odeur de mouillure et de fraise.
 
Je vais aller m’asseoir dans le jardin mielleux
Qu’emplit le bruit léger d’une cloche qui tinte,
À l’endroit où s’étend l’ombre du sapin bleu,
En ce soir clair qui fait chaque feuille distincte.
 
Ah ! comme cette allée endormante me plaît,
Avec ses graviers blancs, sa verdure moelleuse,
Ses calmes fuchsias rouges et violets,
Son pré, ses moucherons et leur ronde sableuse.
 
Maintenant je le sens, moi dont le cœur est tel
Qu’aucun désir n’y peut demeurer long et grave,
Je garde pour vous seule un désir immortel
Ô beauté des jardins, indolente et suave !
 
Je le vois, malgré tout ce que les jours m’ont fait.
Malgré celte épuisante et déchirante année
Je me retrouve auprès de vous comme j’étais,
Belle heure déclinante et sage des journées.
 
— Ah ! le mal irritant ou languissant que font
Le cri, l’oppression, la douloureuse entrée
Des regrets, des désirs dans un cœur si profond !
— Douceur des champs je suis par vous désaltérée,
 
Je ne veux plus aimer que le champêtre Amour,
Cet Amour immobile aux ailes recroisées,
Dont le carquois serait plein d’épis roux et lourds
Trempés de suc, de miel, de baume et de rosée.
 
Je lui dirai : c’est vous que j’ai tant désiré,
Même aux heures de joie avide et violente
Je rêvais de cet arc puéril et doré
Que vous faites avec une avoine pliante
 
Je lui dirai : puisque vous n’êtes pas cruel
Que de vous ni les champs ni les eaux ne se plaignent,
Que vous jouez avec de la sève et du miel
Assis sur l’herbe molle et sous l’arbre à châtaignes,
 
Laissez qu’auprès de vous, dans le gazon roussi,
Comme le ruisseau clair qui coule au pied des aulnes,
Je m’étende, au milieu du nard et des soucis
Où glisse obliquement un peu de soleil jaune,
 
Je resterai ainsi, le cœur lent et lassé,
Les mains traînant au chaud feuillage des verveines,
Je ne chercherai pas à revoir le passé
Dont le trop vif poison brûle encor dans mes veines,
 
Le merveilleux passé d’ardeur et de douleur,
Qui rit si doucement dans sa brume lointaine
Que quelquefois, malgré tant d’ombre et tant de pleurs,
Sa face a la fraîcheur des eaux de la fontaine...
 

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