|
Les Syrtes, 1884
Dans l’âtre brûlent les tisons,
Les tisons noirs aux flammes roses ;
Dehors hurlent les vents moroses,
Les vents des vilaines saisons.
Contre les chenets roux de rouille,
Mon chat frotte son maigre dos.
En les ramages des rideaux,
On dirait un essaim qui grouille :
C’est le passé, c’est le passé
Qui pleure la tendresse morte ;
C’est le bonheur que l’heure emporte
Qui chante sur un ton lassé.
I
Là-bas, où, sous les ciels attiques,
Les crépuscules radieux
Teignent d’améthyste les dieux
Sculptés aux frises des portiques ;
Où, dans le feuillage argenté
Des peupliers aux torses maigres,
Crépitent les cigales aigres
Ivres des coupes de l’été ;
Là-bas, où d’or fin sont les sables
Et d’azur rythmique les mers,
Où pendent les citrons amers
Dans les bosquets impérissables,
La vierge aux seins inapaisés
Plus belle que la Tyndaride,
Fit couler sur ma lèvre aride
Le dictame de ses baisers.
II
D’où vient cette aubade câline
Chantée — on eût dit — en bateau,
Où se mêle un pizzicato
De guitare et de mandoline ?
Pourquoi cette chaleur de plomb
Où passent des senteurs d’orange,
Et pourquoi la séquelle étrange
De ces pèlerins à froc blond ?
Et cette dame quelle est-elle,
Cette dame que l’on dirait
Peinte par le vieux Tintoret
Dans sa robe de brocatelle ?
Je me souviens, je me souviens :
Ce sont des défuntes années,
Ce sont des guirlandes fanées
Et ce sont des rêves anciens !
III
Parmi des chênes, accoudée
Sur la colline au vert gazon,
Se dresse la blanche maison,
De chèvrefeuille enguirlandée.
À la fenêtre, où dans des pots,
Fleurit la pâle marguerite,
Soupire une autre Marguerite :
Mon cœur a perdu son repos...
Le lin moule sa gorge plate
Riche de candides aveux,
Et la splendeur de ses cheveux
Ainsi qu’un orbe d’or éclate.
Va-t-elle murmurer mon nom ?
Irons-nous encor sous les graves
Porches du vieux burg des burgraves ?
Songe éteint, renaîtras-tu ? — non !
IV
Hautes sierras aux gorges nues,
Lacs d’émeraude, lacs glacés,
Isards sur les crêtes dressés,
Aigles qui planez par les nues ;
Sapins sombres aux larges troncs,
Fondrières de l’Entécade
Où chante la fraîche cascade
Derrière les rhododendrons ;
Et vous, talus plantés d’yeuses,
Irai-je encor par les sentiers
Mêlant les rouges églantiers
À la pâleur des scabieuses ?
Dans les massifs emplis de geais
Mènerai-je encore à la brune
La jeune belle à la peau brune,
Au pied mignon, à l’œil de jais ?
V
En jupe de peluche noire,
Avec des chapeaux tout fleuris,
Mes folles amours de Paris
Chantent autour de ma mémoire.
Elles ont des cheveux d’or pur,
Et, sous les blanches cascatelles
Des guipures et des dentelles,
Des seins de lys veinés d’azur.
Avec une audace espagnole,
Ma gourmande caresse n’a-
T-elle aux genoux de Rosina
Moqué les verrous de Barthole ?
N’ai-je pas promené ma main,
Avec des luxures d’artiste,
Sous des chemises de batiste
Embaumant l’ambre et le jasmin ?
Contre les chenets roux de rouille
Le chat ne frotte plus son dos.
En les ramages des rideaux
On n’entend plus d’essaim qui grouille.
Dans l’âtre plein de noirs tisons,
Éteintes sont les flammes roses ;
Et seuls hurlent les vents moroses,
Les vents des vilaines saisons.
Commentaire (s)
Déposé par Cochonfucius le 30 janvier 2013 à 10h34L’existence est peu de chose,
Ce n’est qu’un pauvre débris
Qu’on ramasse et qu’on repose.
C’est du soleil presque gris,
Un oiseau dans la souffrance,
Un discours trop mal écrit,
Une phrase qu’on commence
Et qu’on ne termine pas,
D’un ami la défaillance...
On fait avec ce qu’on a. [Lien vers ce commentaire] Déposé par Christian le 30 janvier 2013 à 10h39On ne peut mieux dire...
Ou alors « On n’est qu’un pauvre débris » ? [Lien vers ce commentaire]
Votre commentaire :
|
Mon florilège
(Tоuriste)
(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)
Compte lecteur
Se connecter
Créer un compte
Agora
Évаluations récеntes☆ ☆ ☆ ☆ ☆Jаmmеs : Lеs Dimаnсhеs
Ρrivаt d’Αnglеmоnt : À unе јеunе Sаltimbаnquе
Τоulеt : «Νаnе, аs-tu gаrdé sоuvеnir...»
Ρеllеrin : L’Αutоbus ivrе
Hаrаuсоurt : «Ιl plеut sur lа mеr, lеntеmеnt...»
Νuуsеmеnt : «Lа Νаturе а dоnné lеs соrnеs аuх Τаurеаuх...»
Du Βеllау : «Quiсоnquе, mоn Βаillеul, fаit lоnguеmеnt séјоur...»
Μussеt : Αu lесtеur dеs dеuх vоlumеs dе vеrs dе l’аutеur
Lе Vаvаssеur : Lеs Сhаts
Vеrlаinе : «Lеs pаssаgеs Сhоisеul аuх оdеurs dе јаdis...» ☆ ☆ ☆ ☆Jаmmеs : Lеs Dimаnсhеs
Jаmmеs : Αvес lеs pistоlеts
Dеsbоrdеs-Vаlmоrе : Lоin du mоndе
Rimbаud : Jеunе ménаgе
Jаmmеs : Lа fеrmе étаit luisаntе
Μаеtеrlinсk : Rоndе d’еnnui
Αllаis : Lе Jеunе Hоmmе sаns sоin еt, dе plus, irrеspесtuеuх
Βаudеlаirе : Lе Vin dеs Сhiffоnniеrs
Cоmmеntaires récеnts
De Сurаrе- sur «Сеpеndаnt qu’аu pаlаis dе prосès tu dеvisеs...» (Du Βеllау) De Сосhоnfuсius sur Αllégоriе : «Un très viеuх tеmplе аntiquе s’éсrоulаnt...» (Vеrlаinе) De Сосhоnfuсius sur «J’аimе lе vеrt lаuriеr, dоnt l’hivеr ni lа glасе...» (Jоdеllе) De Jаdis sur «Jе nе suis pоint се Diеu qui plеin dе fоllе rаgе...» (Νuуsеmеnt) De Сосhоnfuсius sur Lа Rimе riсhе (Αutrаn) De Jаdis sur Lеs Сhаts (Lе Vаvаssеur) De Сurаrе_ sur Sоnnеt : «Quаnd је rеpоsеrаi dаns lа fоssе, trаnquillе...» (Gоudеаu) De Сurаrе_ sur Lе Τоmbеаu dе Сhаrlеs Βаudеlаirе (Μаllаrmé) De Jаdis sur «Lеs pаssаgеs Сhоisеul аuх оdеurs dе јаdis...» (Vеrlаinе) De Vinсеnt sur Τоmbеаu du Ρоètе (Dеubеl) De Xi’аn sur «Μоn âmе pаisiblе étаit pаrеillе аutrеfоis...» (Τоulеt) De Lа Μusеrаntе sur Соntrе Ligurinus : «Τоut lе mоndе tе fuit...» (Dubоs) De Vinсеnt sur «Un sоir, lе lоng dе l’еаu, еllе mаrсhаit pеnsivе...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе) De Xi’аn sur Lе Суgnе (Rеnаrd) De Сurаrе- sur «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...» (Vеrlаinе) De Ρоéliсiеr sur «Αmоurs јumеаuх, d’unе flаmmе јumеllе...» (Ρаssеrаt) De Βеn sur «Μаrgоt, еn vоus pеignаnt, је vоus pinсе sаns rirе...» (Sigоgnе) De Lеbrun sur «Jе rêvе, tаnt Ρаris m’еst pаrfоis un еnfеr...» (Соppéе) De Rоzès sur Lе Сinémа (Siсаud) De GΟUUΑUX sur «J’étаis à tоi pеut-êtrе аvаnt dе t’аvоir vu...» (Dеsbоrdеs-Vаlmоrе) De Rоzès sur Répétitiоn (Vаuсаirе)
Flux RSS...
Ce site
Présеntаtion
Acсuеil
À prоpos
Cоntact
Signaler une errеur
Un pеtit mоt ?
Sоutien
Fаirе un dоn
Librairiе pоétique en lignе

|