Mallarmé

Poésies, 1899


Tristesse d’été


 
Le soleil, sur le sable, ô lutteuse endormie,
En l’or de tes cheveux chauffe un bain langoureux
Et, consumant l’encens sur ta joue ennemie,
Il mêle avec les pleurs un breuvage amoureux.
 
De ce blanc flamboiement l’immuable accalmie
T’a fait dire, attristée, ô mes baisers peureux,
« Nous ne serons jamais une seule momie
Sous l’antique désert et les palmiers heureux ! »
 
Mais ta chevelure est une rivière tiède,
Où noyer sans frissons l’âme qui nous obsède
Et trouver ce Néant que tu ne connais pas !
 
Je goûterai le fard pleuré par tes paupières,
Pour voir s’il sait donner au cœur que tu frappas
L’insensibilité de l’azur et des pierres.
 

Commentaire (s)
Déposé par Cochonfucius le 22 novembre 2012 à 14h53


Quand ma plume au matin est par trop endormie,
Je relis Mallarmé dont le ton langoureux
Peut vite dissiper la tristesse ennemie.
Lorsque j’avais quinze ans, j’en étais amoureux.

Et si, dans mes travaux, s’opère une accalmie,
J’ouvre ce petit livre, et, sans être peureux,
Je participe au grand défilé de momies
Qui furent autrefois des citoyens heureux.

Au bureau, sans un bruit, respirant un air tiède,
Je parcours jusqu’au bout ce texte qui m’obsède,
Où figurent des mots que je ne connais pas.

Je sens une lourdeur accabler mes paupières :
Barde qui tant de fois ce tendre coeur frappas,
En as-tu transformé la fine écorce en pierre ?

[Lien vers ce commentaire]

Déposé par Cochonfucius le 8 juin 2024 à 11h46

Fontaine tiède
------------

Cette ville est presque endormie,
Sauf quatre pigeons langoureux ;
La fontaine est leur grande amie,
Dont le bruit leur est savoureux.

Le temps s’est mis à l’accalmie,
L’air est doux dans les coins ombreux ;
Ici nul tort, nulle infamie,
C’est assez simple d’être heureux.

Chante ton chant, fontaine tiède,
Ta rengaine qui nous obsède ;
J’écoute et je n’écoute pas.

Je vois, à travers mes paupières,
Le rouge soleil du trépas ;
Mon coeur est froid comme une pierre.

[Lien vers ce commentaire]

Déposé par Cochonfucius le 23 janvier 2025 à 12h34

Un feu tiède
--------

Je suis une flamme endormie,
Un brasier presque ténébreux ;
La nuit d’hiver est mon amie,
Don j’aime les replis ombreux.

Je suis presque en hypothermie,
Moi qui fus un feu valeureux ;
J’ai le tonus d’une momie
Mais je m’efforce d’être heureux.

Il est plus sage d’être tiède
Que trop combatif et trop raide ;
Un grand orgueil,  je n’en veux pas.

Je brûle sur mon tas de pierres,
M’acheminant vers mon trépas :
Sereine est mon heure dernière.

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