François Malherbe

Les Larmes de saint Pierre, 1587


Les Larmes de Saint-Pierre

IMITÉES DU TANSILLE

 

AU ROI HENRI III


 

1587


 
Ce n’est pas en mes vers qu’une amante abusée
Des appas enchanteurs d’un parjure Thésée,
Après l’honneur ravi de sa pudicité,
Laissée ingratement en un bord solitaire,
Fait de tous les assauts que la rage peut faire
Une fidèle preuve à l’infidélité.
 
Les ondes que j’épands d’une éternelle veine
Dans un courage saint ont leur sainte fontaine ;
Où l’amour de la terre et le soin de la chair
Aux fragiles pensers ayant ouvert la porte,
Une plus belle amour se rendit la plus forte,
Et le fit repentir aussitôt que pécher.
 
Henri, de qui les yeux et l’image sacrée
Font un visage d’or à cette âge ferrée,
Ne refuse à mes vœux un favorable appui ;
Et si pour ton autel ce n’est chose assez grande,
Pense qu’il est si grand, qu’il n’aurait point d’offrande
S’il n’en recevait point que d’égales à lui.
 
La foi qui fut au cœur d’où sortirent ces larmes
Est le premier essai de tes premières armes,
Pour qui tant d’ennemis à tes pieds abattus,
Pâles ombres d’enfer, poussière de la terre,
Ont connu ta fortune, et que l’art de la guerre
A moins d’enseignements que tu n’as de vertus.
 
De son nom de rocher, comme d’un bon augure,
Un éternel état l’Église se figure ;
Et croit, par le destin de tes justes combats,
Que ta main relevant son épaule courbée,
Un jour, qui n’est pas loin, elle verra tombée
La troupe qui l’assaut et la veut mettre bas.
 
Mais le coq a chanté pendant que je m’arrête
À l’ombre des lauriers qui t’embrassent la tête,
Et la source déjà commençant à s’ouvrir,
A lâché les ruisseaux qui font bruire leur trace,
Entre tant de malheurs estimant une grâce,
Qu’un Monarque si grand les regarde courir.
 
Ce miracle d’amour, ce courage invincible,
Qui n’espérait jamais une chose possible
Que rien finît sa foi que le même trépas,
De vaillant fait couard, de fidèle fait traître,
Aux portes de la peur abandonne son maître,
Et jure impudemment qu’il ne le connaît pas.
 
À peine la parole avait quitté sa bouche,
Qu’un regret aussi prompt en son âme le touche ;
Et mesurant sa faute à la peine d’autrui,
Voulant faire beaucoup, il ne peut davantage
Que soupirer tout bas, et se mettre au visage
Sur le feu de sa honte une cendre d’ennui.
 
Les arcs qui de plus près sa poitrine joignirent,
Les traits qui plus avant dans le sein l’atteignirent,
Ce fut quand du Sauveur il se vit regardé ;
Les yeux furent les arcs, les œillades les flèches
Qui percèrent son âme, et remplirent de brèches
Le rempart qu’il avait si lâchement gardé.
 
Cet assaut, comparable à l’éclat d’une foudre,
Pousse et jette d’un coup ses défenses en poudre ;
Ne laissant rien chez lui que le même penser
D’un homme qui, tout nu de glaive et de courage,
Voit de ses ennemis la menace et la rage,
Qui le fer en la main le viennent offenser.
 
Ces beaux yeux souverains qui traversent la terre
Mieux que les yeux mortels ne traversent le verre,
Et qui n’ont rien de clos à leur juste courroux,
Entrent victorieux en son âme étonnée,
Comme dans une place au pillage donnée,
Et lui font recevoir plus de morts que de coups.
 
La mer a dans le sein moins de vagues courantes
Qu’il n’a dans le cerveau de formes différentes,
Et n’a rien toutefois qui le mette en repos ;
Car aux flots de la peur sa navire qui tremble
Ne trouve point de port, et toujours il lui semble
Que des yeux de son maître il entend ce propos :
 
Eh bien ! où maintenant est ce brave langage ?
Cette roche de foi ? cet acier de courage ?
Qu’est le feu de ton zèle au besoin devenu ?
Où sont tant de serments qui juraient une fable ?
Comme tu fus menteur, suis-je pas véritable ?
Et que t’ai-je promis qui ne soit avenu ?
 
Toutes les cruautés de ces mains qui m’attachent,
Le mépris effronté que ces bourreaux me crachent,
Les preuves que je fais de leur impiété,
Pleines également de fureur et d’ordure,
Ne me sont une pointe aux entrailles si dure,
Comme le souvenir de ta déloyauté.
 
Je sais bien qu’au danger les autres de ma suite
Ont eu peur de la mort et se sont mis en fuite ;
Mais toi, que plus que tous j’aimai parfaitement,
Pour rendre en me niant ton offense plus grande,
Tu suis mes ennemis, t’assembles à leur bande,
Et des maux qu’ils me font prends ton ébattement.
 
Le nombre est infini des paroles empreintes
Que regarde l’Apôtre en ces lumières saintes ;
Et celui seulement que sous une beauté
Les feux d’un œil humain ont rendu tributaire
Jugera sans mentir quel effet a pu faire
Des rayons immortels l’immortelle clarté.
 
Il est bien assuré que l’angoisse qu’il porte
Ne s’emprisonne pas sous les clefs d’une porte,
Et que de tous côtés elle suivra ses pas ;
Mais pour ce qu’il la voit dans les yeux de son maître,
Il se veut absenter, espérant que peut-être
Il la sentira moins en ne la voyant pas.
 
La place lui déplaît, où la troupe maudite
Son Seigneur attaché par outrages dépite ;
Et craint tant de tomber en un autre forfait,
Qu’il estime déjà ses oreilles coupables
D’entendre ce qui sort de leurs bouches damnables,
Et ses yeux d’assister aux tourments qu’on lui fait.
 
Il part, et la douleur qui d’un morne silence
Entre les ennemis couvrait sa violence,
Comme il se voit dehors, a si peu de compas,
Qu’il demande tout haut que le sort favorable,
Lui fasse rencontrer un ami secourable,
Qui touché de pitié lui donne le trépas.
 
En ce piteux état il n’a rien de fidèle
Que sa main qui le guide où l’orage l’appelle ;
Ses pieds, comme ses yeux, ont perdu la vigueur ;
Il a de tout conseil son âme dépourvue,
Et dit, en soupirant, que la nuit de sa vue
Ne l’empêche pas tant que la nuit de son cœur.
 
Sa vie, auparavant si chèrement gardée,
Lui semble trop longtemps ici bas retardée ;
C’est elle qui le fâche et le fait consumer ;
Il la nomme parjure, il la nomme cruelle,
Et, toujours se plaignant que sa faute vient d’elle,
Il n’en veut faire compte et ne la peut aimer.
 
Va, laisse-moi, dit-il, va, déloyale vie ;
Si de te retenir autrefois j’eus l’envie,
Et si j’ai désiré que tu fusses chez moi,
Puisque tu m’as été si mauvaise compagne,
Ton infidèle foi maintenant je dédagne ;
Quitte-moi, je te quitte, je ne veux plus de toi.
 
Sont-ce tes beaux desseins, mensongère et méchante,
Qu’une seconde fois ta malice m’enchante,
Et que pour retarder une heure seulement
La nuit déjà prochaine à ta courte journée,
Je demeure en danger que l’âme, qui est née
Pour ne mourir jamais, meure éternellement ?
 
Non, ne m’abuse plus d’une lâche pensée ;
Le coup encore frais de ma chute passée
Me doit avoir appris à me tenir debout,
Et savoir discerner de la trêve la guerre,
Des richesses du ciel les fanges de la terre,
Et d’un bien qui s’envole un qui n’a point de bout.
 
Si quelqu’un d’aventure en délices abonde,
Il se perd aussi tôt et déloge du monde ;
Qui te porte amitié, c’est à lui que tu nuis ;
Ceux qui te veulent mal sont ceux que tu conserves ;
Tu vas à qui te fuit, et toujours le réserves
À souffrir, en vivant, davantage d’ennuis.
 
On voit par ta rigueur tant de blondes jeunesses,
Tant de riches grandeurs, tant d’heureuses vieillesses,
En fuyant le trépas, au trépas arriver :
Et celui qui chétif aux misères succombe,
Sans vouloir autre bien que celui de la tombe,
N’ayant qu’un jour à vivre, il ne peut l’achever !
 
Que d’hommes fortunés en leur âge première,
Trompés de l’inconstance à nos ans coutumière,
Du depuis se sont vus en étrange langueur ;
Qui fussent morts contents, si le ciel amiable,
Ne les abusant pas en ton sein variable,
Au temps de leur repos eût coupé ta longueur !
 
Quiconque de plaisir a son âme assouvie,
Plein d’honneur et de bien, non sujet à l’envie,
Sans jamais en son aise un malaise éprouver,
S’il demande à ses jours davantage de terme,
Que fait-il, ignorant, qu’attendre de pied ferme
De voir à son beau temps un orage arriver ?
 
Et moi, si de mes jours l’importune durée
Ne m’eût en vieillissant la cervelle empirée,
Ne devais-je être sage, et me ressouvenir
D’avoir vu la lumière aux aveugles rendue,
Rebailler aux muets la parole perdue,
Et faire dans les corps les âmes revenir ?
 
De ces faits non communs la merveille profonde,
Qui par la main d’un seul étonnait tout le monde,
Et tant d’autres encor, me devaient avertir
Que, si pour leur auteur j’endurais de l’outrage,
Le même qui les fit, en faisant davantage,
Quand on m’offenserait me pouvait garantir.
 
Mais, troublé par les ans, j’ai souffert que la crainte
Loin encore du mal, ait découvert ma feinte,
Et sortant promptement de mon sens et de moi,
Ne me suis aperçu qu’un destin favorable
M’offrait en ce danger un sujet honorable
D’acquérir par ma perte un triomphe à ma foi.
 
Que je porte d’envie à la troupe innocente
De ceux qui, massacrés d’une main violente,
Virent dès le matin leur beau jour accourci !
Le fer qui les tua leur donna cette grâce,
Que si de faire bien ils n’eurent pas l’espace,
Ils n’eurent pas le temps de faire mal aussi.
 
De ces jeunes guerriers la flotte vagabonde
Allait courre fortune aux orages du monde,
Et déjà pour voguer abandonnait le bord,
Quand l’aguet d’un pirate arrêta leur voyage ;
Mais leur sort fut si bon que d’un même naufrage
Ils se virent sous l’onde et se virent au port.
 
Ce furent de beaux lys qui, mieux que la nature,
Mêlant à leur blancheur l’incarnate peinture
Que tira de leur sein le couteau criminel,
Devant que d’un hiver la tempête et l’orage
À leur teint délicat pussent faire dommage,
S’en allèrent fleurir au printemps éternel.
 
Ces enfants bienheureux (créatures parfaites,
Sans l’imperfection de leurs bouches muettes)
Ayant Dieu dans le cœur ne le purent louer,
Mais leur sang leur en fut un témoin véritable ;
Et moi, pouvant parler, j’ai parlé, misérable,
Pour lui faire vergogne et le désavouer.
 
Le peu qu’ils ont vécu leur fut grand avantage,
Et le trop que je vis ne me fait que dommage ;
Cruelle occasion du souci qui me nuit !
Quand j’avais de ma foi l’innocence première,
Si la nuit de la mort m’eût privé de lumière,
Je n’aurais pas la peur d’une éternelle nuit.
 
Ce fut en ce troupeau que, venant à la guerre
Pour combattre l’enfer et défendre la terre,
Le Sauveur inconnu sa grandeur abaissa ;
Par eux il commença la première mêlée ;
Et furent eux aussi que la rage aveuglée
Du contraire parti les premiers offensa.
 
Qui voudra se vanter avec eux se compare,
D’avoir reçu la mort par un glaive barbare,
Et d’être allé soi-même au martyre s’offrir ;
L’honneur leur appartient d’avoir ouvert la porte
À quiconque osera, d’une âme belle et forte,
Pour vivre dans le ciel en la terre mourir.
 
Ô désirable fin de leurs peines passées !
Leurs pieds, qui n’ont jamais les ordures pressées,
Un superbe plancher des étoiles se font ;
Leur salaire payé les services précède ;
Premier que d’avoir mal ils trouvent le remède,
Et devant le combat ont les palmes au front.
 
Que d’applaudissements, de rumeur et de presse,
Que de feux, que de jeux, que de traits de caresse,
Quand là-haut en ce point on les vit arriver !
Et quel plaisir encore à leur courage tendre,
Voyant Dieu devant eux en ses bras les attendre,
Et pour leur faire honneur les Anges se lever !
 
Et vous femmes, trois fois, quatre fois bienheureuses,
De ces jeunes Amours les mères amoureuses,
Que faites-vous pour eux, si vous les regrettez ?
Vous fâchez leur repos, et vous rendez coupables,
Ou de n’estimer pas leurs trépas honorables,
Ou de porter envie à leurs félicités.
 
Le soir fut avancé de leurs belles journées ;
Mais qu’eussent-ils gagné par un siècle d’années ?
Ou que leur avint-il en ce vite départ,
Que laisser promptement une basse demeure,
Qui n’a rien que du mal, pour avoir de bonne heure
Aux plaisirs éternels une éternelle part ?
 
Si vos yeux pénétrant jusqu’aux choses futures
Vous pouvaient enseigner leurs belles aventures,
Vous auriez tant de bien en si peu de malheurs,
Que vous ne voudriez pas pour l’empire du monde
N’avoir eu dans le sein la racine féconde
D’où naquit entre nous ce miracle de fleurs.
 
Mais moi, puisque les lois me défendent l’outrage
Qu’entre tant de langueurs me commande la rage,
Et qu’il ne faut soi-même éteindre son flambeau ;
Que m’est-il demeuré pour conseil et pour armes,
Que d’écouler ma vie en un fleuve de larmes,
Et la chassant de moi l’envoyer au tombeau ?
 
Je sais bien que ma langue ayant commis l’offense,
Mon cœur incontinent en a fait pénitence.
Mais quoi ! Si peu de cas ne me rend satisfait.
Mon regret est si grand, et ma faute si grande,
Qu’une mer éternelle à mes yeux je demande
Pour pleurer à jamais le péché que j’ai fait.
 
Pendant que le chétif en ce point se lamente,
S’arrache les cheveux, se bat et se tourmente,
En tant d’extrémités cruellement réduit,
Il chemine toujours ; mais rêvant à sa peine,
Sans donner à ses pas une règle certaine,
Il erre vagabond où le pied le conduit.
 
À la fin égaré (car la nuit qui le trouble
Par les eaux de ses pleurs son ombrage redouble),
Soit un cas d’aventure, ou que Dieu l’ait permis,
Il arrive au jardin, où la bouche du traître,
Profanant d’un baiser la bouche de son maître,
Pour en priver les bons aux méchants l’a remis.
 
Comme un homme dolent, que le glaive contraire
A privé de son fils et du titre de père,
Plaignant deçà, delà, son malheur avenu,
S’il arrive en la place où s’est fait le dommage,
L’ennui renouvelé plus rudement l’outrage
En voyant le sujet à ses yeux revenu :
 
Le vieillard, qui n’attend une telle rencontre,
Sitôt qu’au dépourvu sa fortune lui montre
Le lieu qui fut témoin d’un si lâche méfait,
De nouvelles fureurs se déchire et s’entame,
Et de tous les pensers qui travaillent son âme
L’extrême cruauté plus cruelle se fait.
 
Toutefois il n’a rien qu’une tristesse peinte ;
Ses ennuis sont des jeux, son angoisse une feinte,
Son malheur un bonheur, et ses larmes un ris,
Au prix de ce qu’il sent, quand sa vue abaissée
Remarque les endroits où la terre pressée
A des pieds du Sauveur les vestiges écrits.
 
C’est alors que ses cris en tonnerres s’éclatent,
Ses soupirs se font vents, qui les chênes combattent,
Et ses pleurs, qui tantôt descendaient mollement,
Ressemblent un torrent qui, des hautes montagnes,
Ravageant et noyant les voisines campagnes,
Veut que tout l’univers ne soit qu’un élément.
 
Il y fiche ses yeux, il les baigne, il les baise,
Il se couche dessus, et serait à son aise,
S’il pouvait avec eux à jamais s’attacher.
Il demeure muet du respect qu’il leur porte :
Mais enfin la douleur, se rendant la plus forte,
Lui fait encore un coup une plainte arracher.
 
Pas adorés de moi quand par accoutumance
Je n’aurais, comme j’ai, de vous la connaissance,
Tant de perfections vous découvrent assez ;
Vous avez une odeur de parfums d’Assyrie ;
Les autres ne l’ont pas, et la terre flétrie
Est belle seulement où vous êtes passés.
 
Beaux pas de ces seuls pieds que les astres connaissent,
Comme ores à mes yeux vos marques apparaissent !
Telle autrefois de vous la merveille me prit,
Quand, déjà demi-clos sous la vague profonde,
Vous ayant appelés, vous affermîtes l’onde,
Et m’assurant les pieds m’étonnâtes l’esprit.
 
Mais, ô de tant de biens indigne récompense !
Ô dessus les sablons inutile semence !
Une peur, ô Seigneur ! m’a séparé de toi ;
Et d’une âme semblable à la mienne parjure,
Tous ceux qui furent tiens, s’ils ne t’ont fait injure,
Ont laissé ta présence et t’ont manqué de foi.
 
De douze, deux fois cinq étonnés de courage,
Par une lâche fuite évitèrent l’orage,
Et tournèrent le dos quand tu fus assailli ;
L’autre qui fut gagné d’une sale avarice,
Fit un prix de ta vie à l’injuste supplice ;
Et l’autre, en te niant, plus que tous a failli.
 
C’est chose à mon esprit impossible à comprendre,
Et nul autre que toi ne me la peut apprendre,
Comme a pu ta bonté nos outrages souffrir.
Et qu’attend plus de nous ta longue patience,
Sinon qu’à l’homme ingrat la seule conscience
Doive être le couteau qui le fasse mourir ?
 
Toutefois tu sais tout, tu connais qui nous sommes,
Tu vois quelle inconstance accompagne les hommes,
Faciles à fléchir quand il faut endurer.
Si j’ai fait, comme un homme, en faisant une offense,
Tu feras, comme Dieu, d’en laisser la vengeance,
Et m’ôter un sujet de me désespérer.
 
Au moins, si les regrets de ma faute avenue
M’ont de ton amitié quelque part retenue,
Pendant que je me trouve au milieu de tes pas,
Désireux de l’honneur d’une si belle tombe,
Afin qu’en autre part ma dépouille ne tombe,
Puisque ma fin est près, ne la recule pas.
 
En ces propos mourants ses complaintes se meurent :
Mais vivantes sans fin ses angoisses demeurent,
Pour le faire en langueur à jamais consumer.
Tandis la nuit s’en va, ses lumières s’éteignent,
Et déjà devant lui les campagnes se peignent
Du safran que le jour apporte de la mer.
 
L’aurore d’une main, en sortant de ses portes,
Tient un vase de fleurs languissantes et mortes,
Elle verse de l’autre une cruche de pleurs ;
Et d’un voile tissu de vapeur et d’orage
Couvrant ses cheveux d’or, découvre en son visage
Tout ce qu’une âme sent de cruelles douleurs.
 
Le soleil, qui dédaigne une telle carrière,
Puisqu’il faut qu’il déloge, éloigne sa barrière ;
Mais comme un criminel qui chemine au trépas,
Montrant que dans le cœur ce voyage le fâche,
Il marche lentement, et désire qu’on sache
Que, si ce n’était force, il ne le ferait pas.
 
Ses yeux par un dépit en ce monde regardent,
Ses chevaux tantôt vont, et tantôt se retardent,
Eux-mêmes ignorants de la course qu’ils font ;
Sa lumière pâlit, sa couronne se cache ;
Aussi ne veut-il pas, cependant qu’on attache
À celui qui l’a fait des épines au front.
 
Au point accoutumé les oiseaux qui sommeillent,
Apprêtés à chanter dans les bois se réveillent ;
Mais voyant ce matin des autres différent,
Remplis d’étonnement ils ne daignent paraître,
Et font à qui les voit ouvertement connaître
De leur peine secrète un regret apparent.
 
Le jour est déjà grand, et la honte plus claire
De l’Apôtre ennuyé l’avertit de se taire,
Sa parole se lasse, et le quitte au besoin ;
Il voit de tous côtés qu’il n’est vu de personne ;
Toutefois le remords que son âme lui donne,
Témoigne assez le mal qui n’a point de témoin.
 
Aussi l’homme qui porte une âme belle et haute,
Quand seul en une part il a fait une faute,
S’il n’a de jugement son esprit dépourvu,
Il rougit de lui-même ; et, combien qu’il ne sente
Rien que le ciel présent et la terre présente,
Pense qu’en se voyant tout le monde l’a vu.
 

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