Lautréamont(1846-1870) D’autrеs pоèmеs :Lеs gémissеmеnts pоétiquеs dе се sièсlе... Ιl у еn а qui éсrivеnt pоur rесhеrсhеr lеs аpplаudissеmеnts humаins... J’étаblirаi dаns quеlquеs lignеs соmmеnt Μаldоrоr... Lесtеur, с’еst pеut-êtrе lа hаinе quе tu vеuх quе ј’invоquе... Ρlût аu сiеl quе lе lесtеur... Lеs mаgаsins dе lа ruе Viviеnnе... Αvаnt d’еntrеr еn mаtièrе, је trоuvе stupidе... оu еncоrе :Là, dаns un bоsquеt еntоuré dе flеurs, dоrt l’hеrmаphrоditе... Сеlui qui nе sаit pаs plеurеr... J’аi vu, pеndаnt tоutе mа viе... Τrеmdаll а tоuсhé lа mаin pоur lа dеrnièrе fоis... Ιl n’еst pаs impоssiblе d’êtrе témоin d’unе déviаtiоn аnоrmаlе...
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LautréamontLes Chants de Maldoror, 1869
Une lanterne rouge, drapeau du vice, suspendue à l’extrémité d’une
tringle, balançait sa carcasse au fouet des quatre vents, au-dessus
d’une porte massive et vermoulue. Un corridor sale, qui sentait la
cuisse humaine, donnait sur un préau, où cherchaient leur pâture des
coqs et des poules, plus maigres que leurs ailes. Sur la muraille qui
servait d’enceinte au préau, et située du côté de l’ouest, étaient
parcimonieusement pratiquées diverses ouvertures, fermées par un guichet
grillé. La mousse recouvrait ce corps de logis, qui sans doute, avait
été un couvent et servait, à l’heure actuelle, avec le reste du
bâtiment, comme demeure de toutes ces femmes qui montraient, chaque
jour, à ceux qui entraient, l’intérieur de leur vagin, en échange d’un
peu d’or. J’étais sur un pont, dont les piles plongeaient dans l’eau
fangeuse d’un fossé de ceinture. De sa surface élevée, je contemplais
dans la campagne cette construction penchée sur sa vieillesse et les
moindres détails de son architecture intérieure. Quelquefois, la grille
d’un guichet s’élevait sur elle-même en grinçant, comme par l’impulsion
ascendante d’une main qui violentait la nature du fer ; un homme
présentait sa tête à l’ouverture dégagée à moitié, avançait ses épaules,
sur lesquelles tombait le plâtre écaillé, faisait suivre, dans cette
extraction laborieuse, son corps couvert de toiles d’araignées. Mettant
ses mains, ainsi qu’une couronne, sur les immondices de toutes sortes
qui pressaient le sol de leur poids, tandis qu’il avait encore la jambe
engagée dans les torsions de la grille, il reprenait ainsi sa posture
naturelle, allait tremper ses mains dans un baquet boiteux, dont l’eau
savonnée avait vu s’élever, tomber des générations entières, et
s’éloignait ensuite, le plus vite possible, de ces ruelles faubouriennes,
pour aller respirer l’air pur vers le centre de la ville. Lorsque le
client était sorti, une femme toute nue se portait au dehors, de la même
manière, et se dirigeait vers le même baquet. Alors, les coqs et les
poules accouraient en foule des divers points du préau, attirés par
l’odeur séminale, la renversaient par terre, malgré ses efforts vigoureux,
trépignaient la surface de son corps comme un fumier, et déchiquetaient,
à coups de bec, jusqu’à ce qu’il sortît du sang, les lèvres flasques de
son vagin gonflé. Les poules et les coqs, avec leur gosier rassasié,
retournaient gratter l’herbe du préau ; la femme, devenue propre, se
relevait, tremblante, couverte de blessures, comme lorsqu’on s’éveille
après un cauchemar. Elle laissait tomber le torchon qu’elle avait
apporté pour essuyer ses jambes ; n’ayant plus besoin du baquet commun,
elle retournait dans sa tanière, comme elle en était sortie, pour
attendre une autre pratique. À ce spectacle, moi, aussi, je voulus
pénétrer dans cette maison ! J’allai[s] descendre du pont, quand je vis,
sur l’entablement d’un pilier, cette inscription, en caractères hébreux :
« Vous qui passez sur ce pont, n’y allez pas. Le crime y séjourne avec
le vice ; un jour, ses amis attendirent en vain un jeune homme qui avait
franchi la porte fatale. » La curiosité l’emporta sur la crainte ; au bout
de quelques instants, j’arrivai devant un guichet, dont la grille
possédait de solides barreaux, qui s’entre-croisaient étroitement. Je
voulus regarder dans l’intérieur, à travers ce tamis épais. D’abord,
je ne pus rien voir ; mais, je ne tardai pas à distinguer les objets
qui étaient dans la chambre obscure, grâce aux rayons du soleil qui
diminuait sa lumière et allait bientôt disparaître à l’horizon. La
première et la seule chose qui frappa ma vue fut un bâton blond, composé
de cornets, s’enfonçant les uns dans les autres. Ce bâton se mouvait !
Il marchait dans la chambre ! Ses secousses étaient si fortes que le
plancher chancelait ; avec ses deux bouts, il faisait des brèches énormes
dans la muraille et paraissait un bélier qu’on ébranle contre la porte
d’une ville assiégée. Ses efforts étaient inutiles ; les murs étaient
construits avec de la pierre de taille, et, quand il choquait la paroi,
je le voyais se recourber en lame d’acier et rebondir comme une balle
élastique. Ce bâton n’était donc pas fait en bois ! Je remarquai,
ensuite, qu’il se roulait et se déroulait avec facilité comme une
anguille. Quoique haut comme un homme, il ne se tenait pas droit.
Quelquefois, il l’essayait, et montrait un de ses bouts, devant le
grillage du guichet. Il faisait des bonds impétueux, retombait à terre
et ne pouvait défoncer l’obstacle. Je me mis à le regarder de plus en
plus attentivement et je vis que c’était un cheveu ! Après une grande
lutte, avec la matière qui l’entourait comme une prison, il alla
s’appuyer contre le lit qui était dans cette chambre, la racine reposant
sur un tapis et la pointe adossée au chevet. Après quelques instants de
silence, pendant lesquels j’entendis des sanglots entrecoupés, il éleva
la voix et parla ainsi : « Mon maître m’a oublié dans cette chambre ; il ne
vient pas me chercher. Il s’est levé de ce lit, où je suis appuyé, il
a peigné sa chevelure parfumée et n’a pas songé qu’auparavant j’étais
tombé à terre. Cependant, s’il m’avait ramassé, je n’aurais pas trouvé
étonnant cet acte de simple justice. Il m’abandonne, dans cette chambre
claquemurée, après s’être enveloppé dans les bras d’une femme. Et quelle
femme ! Les draps sont encore moites de leur contact attiédi et portent,
dans leur désordre, l’empreinte d’une nuit passée dans l’amour... » Et
je me demandais qui pouvait être son maître ! Et mon œil se recollait
à la grille avec plus d’énergie !... « Pendant que la nature entière
sommeillait dans sa chasteté, lui, il s’est accouplé avec une femme
dégradée, dans des embrassements lascifs et impurs. Il s’est abaissé
jusqu’à laisser approcher, de sa face auguste, des joues méprisables par
leur impudence habituelle, flétries dans leur sève. Il ne rougissait
pas, mais, moi, je rougissais pour lui. Il est certain qu’il se sentait
heureux de dormir avec une telle épouse d’une nuit. La femme, étonnée
de l’aspect majestueux de cet hôte, semblait éprouver des voluptés
incomparables, lui embrassait le cou avec frénésie. » Et je me demandais
qui pouvait être son maître ! Et mon œil se recollait à la grille avec
plus d’énergie !... « Moi, pendant ce temps, je sentais des pustules
envenimées qui croissaient plus nombreuses, en raison de son ardeur
inaccoutumée pour les jouissances de la chair, entourer ma racine
de leur fiel mortel, absorber, avec leurs ventouses, la substance
génératrice de ma vie. Plus ils s’oubliaient, dans leurs mouvements
insensés, plus je sentais mes forces décroître. Au moment où les désirs
corporels atteignaient au paroxysme de la fureur, je m’aperçus que ma
racine s’affaissait sur elle-même, comme un soldat blessé par une balle.
Le flambeau de la vie s’étant éteint en moi, je me détachai, de sa tête
illustre, comme une branche morte ; je tombai à terre, sans courage, sans
force, sans vitalité ; mais, avec une profonde pitié pour celui auquel
j’appartenais ; mais, avec une éternelle douleur pour son égarement
volontaire !... » Et je me demandais qui pouvait être son maître ! Et mon
œil se recollait à la grille avec plus d’énergie !... « S’il avait, au
moins, entouré de son âme le sein innocent d’une vierge. Elle aurait été
plus digne de lui et la dégradation aurait été moins grande. Il
embrasse, avec ses lèvres, ce front couvert de boue, sur lequel les
hommes ont marché avec le talon, plein de poussière !... Il aspire, avec
des narines effrontées, les émanations de ces deux aisselles humides !...
J’ai vu la membrane des dernières se contracter de honte, pendant que,
de leur côté, les narines se refusaient à cette respiration infâme. Mais
lui, ni elle, ne faisaient aucune attention aux avertissements solennels
des aisselles, à la répulsion morne et blême des narines. Elle levait
davantage ses bras, et lui, avec une poussée plus forte, enfonçait son
visage dans leur creux. J’étais obligé d’être le complice de cette
profanation. J’étais obligé d’être le spectateur de ce déhanchement
inouï ; d’assister à l’alliage forcé de ces deux êtres, dont un abîme
incommensurable séparait les natures diverses... » Et je me demandais
qui pouvait être son maître ! Et mon œil se recollait à la grille avec
plus d’énergie !... « Quand il fut rassasié de respirer cette femme, il
voulut lui arracher ses muscles un par un ; mais, comme c’était une
femme, il lui pardonna et préféra faire souffrir un être de son sexe. Il
appela, dans la cellule voisine, un jeune homme qui était venu dans
cette maison pour passer quelques moments d’insouciance avec une de ces
femmes, et lui enjoignit de venir se placer à un pas de ses yeux. Il y
avait longtemps que je gisais sur le sol. N’ayant pas la force de me
lever sur ma racine brûlante, je ne pus voir ce qu’ils firent. Ce que je
sais, c’est qu’à peine le jeune homme fut à portée de sa main, que des
lambeaux de chair tombèrent aux pieds du lit et vinrent se placer à mes
côtés. Ils me racontaient tout bas que les griffes de mon maître les
avaient détachés des épaules de l’adolescent. Celui-ci, au bout de
quelques heures, pendant lesquelles il avait lutté contre une force plus
grande, se leva du lit et se retira majestueusement. Il était
littéralement écorché des pieds jusqu’à la tête ; il traînait, à travers
les dalles de la chambre, sa peau retournée. Il se disait que son
caractère était plein de bonté ; qu’il aimait à croire ses semblables
bons aussi ; que pour cela il avait acquiescé au souhait de l’étranger
distingué qui l’avait appelé auprès de lui ; mais que, jamais, au grand
jamais, il ne se serait attendu à être torturé par un bourreau. Par un
pareil bourreau, ajoutait-il après une pause. Enfin, il se dirigea vers
le guichet, qui se fendit avec pitié jusqu’au nivellement du sol, en
présence de ce corps dépourvu d’épiderme. Sans abandonner sa peau, qui
pouvait encore lui servir, ne serait-ce que comme manteau, il essaya de
disparaître de ce coupe-gorge ; une fois éloigné de la chambre, je ne pus
voir s’il avait eu la force de regagner la porte de sortie. Oh ! comme
les poules et les coqs s’éloignaient avec respect, malgré leur faim, de
cette longue traînée de sang, sur la terre imbibée ! » Et je me demandais
qui pouvait être son maître ! Et mes yeux se recollaient à la grille avec
plus d’énergie !... « Alors, celui qui aurait dû penser davantage à sa
dignité et à sa justice, se releva, péniblement, sur son coude fatigué.
Seul, sombre, dégoûté et hideux !... Il s’habilla lentement. Les nonnes,
ensevelies depuis des siècles dans les catacombes du couvent, après
avoir été réveillées en sursaut par les bruits de cette nuit horrible,
qui s’entre-choquaient entre eux dans une cellule située au-dessus des
caveaux, se prirent par la main, et vinrent former une ronde funèbre
autour de lui. Pendant qu’il recherchait les décombres de son ancienne
splendeur ; qu’il lavait ses mains avec du crachat en les essuyant
ensuite sur ses cheveux (il valait mieux les laver avec du crachat, que
de ne pas les laver du tout, après le temps d’une nuit entière passée
dans le vice et le crime), elles entonnèrent les prières lamentables
pour les morts, quand quelqu’un est descendu dans la tombe. En effet, le
jeune homme ne devait pas survivre à ce supplice, exercé sur lui par une
main divine, et ses agonies se terminèrent pendant le chant des nonnes... »
Je me rappelai l’inscription du pilier ; je compris ce qu’était
devenu le rêveur pubère que ses amis attendaient encore chaque jour
depuis le moment de sa disparition... Et je me demandais qui pouvait
être son maître ! Et mes yeux se recollaient à la grille avec plus
d’énergie !... « Les murailles s’écartèrent pour le laisser passer ; les
nonnes, le voyant prendre son essor, dans les airs, avec des ailes qu’il
avait cachées jusque-là dans sa robe d’émeraude, se replacèrent en
silence dessous le couvercle de la tombe. Il est parti dans sa demeure
céleste, en me laissant ici ; cela n’est pas juste. Les autres cheveux
sont restés sur sa tête ; et, moi, je gis, dans cette chambre lugubre,
sur le parquet couvert de sang caillé, de lambeaux de viande sèche ;
cette chambre est devenue damnée, depuis qu’il s’y est introduit ;
personne n’y entre ; cependant, j’y suis enfermé. C’en est donc fait ! Je
ne verrai plus les légions des anges marcher en phalanges épaisses, ni
les astres se promener dans les jardins de l’harmonie. Eh bien, soit...
je saurai supporter mon malheur avec résignation. Mais, je ne manquerai
pas de dire aux hommes ce qui s’est passé dans cette cellule. Je leur
donnerai la permission de rejeter leur dignité, comme un vêtement
inutile, puisqu’ils ont l’exemple de mon maître ; je leur conseillerai de
sucer la verge du crime, puisqu’un autre l’a déjà fait... » Le cheveu
se tut... Et je me demandais qui pouvait être son maître ! Et mes yeux
se recollaient à la grille avec plus d’énergie !... Aussitôt le tonnerre
éclata ; une lueur phosphorique pénétra dans la chambre. Je reculai,
malgré moi, par je ne sais quel instinct d’avertissement ; quoique je
fusse éloigné du guichet, j’entendis une autre voix, mais, celle-ci
rampante et douce, de crainte de se faire entendre : « Ne fais pas de
pareils bonds ! Tais-toi... tais-toi... si quelqu’un t’entendait ! je te
replacerai parmi les autres cheveux ; mais, laisse d’abord le soleil se
coucher à l’horizon, afin que la nuit couvre tes pas... je ne t’ai pas
oublié ; mais, on t’aurait vu sortir, et j’aurais été compromis. Oh ! si
tu savais comme j’ai souffert depuis ce moment ! Revenu au ciel, mes
archanges m’ont entouré avec curiosité ; ils n’ont pas voulu me demander
le motif de mon absence. Eux, qui n’avaient jamais osé élever leur vue
sur moi, jetaient, s’efforçant de deviner l’énigme, des regards
stupéfaits sur ma face abattue, quoiqu’ils n’aperçussent pas le fond de
ce mystère, et se communiquaient tout bas des pensées qui redoutaient
en moi quelque changement inaccoutumé. Ils pleuraient des larmes
silencieuses ; ils sentaient vaguement que je n’étais plus le même,
devenu inférieur à mon identité. Ils auraient voulu connaître quelle
funeste résolution m’avait fait franchir les frontières du ciel, pour
venir m’abattre sur la terre, et goûter des voluptés éphémères,
qu’eux-mêmes méprisent profondément. Ils remarquèrent sur mon front une
goutte de sperme, une goutte de sang. La première avait jailli des
cuisses de la courtisane ! La deuxième s’était élancée des veines du
martyr ! Stigmates odieux ! Rosaces inébranlables ! Mes archanges ont
retrouvé, pendus aux halliers de l’espace, les débris flamboyants de ma
tunique d’opale, qui flottaient sur les peuples béants. Ils n’ont pas pu
la reconstruire, et mon corps reste nu devant leur innocence ; châtiment
mémorable de la vertu abandonnée. Vois les sillons qui se sont tracé un
lit sur mes joues décolorées : c’est la goutte de sperme et la goutte de
sang, qui filtrent lentement le long de mes rides sèches. Arrivées à la
lèvre supérieure, elles font un effort immense, et pénètrent dans le
sanctuaire de ma bouche, attirées, comme un aimant, par le gosier
irrésistible. Elles m’étouffent, ces deux gouttes implacables. Moi,
jusqu’ici, je m’étais cru le Tout-Puissant ; mais, non ; je dois abaisser
le cou devant le remords qui me crie : « Tu n’es qu’un misérable ! » Ne fais
pas de pareils bonds ! Tais-toi... tais-toi... si quelqu’un t’entendait !
je te replacerai parmi les autres cheveux ; mais, laisse d’abord le soleil
se coucher à l’horizon, afin que la nuit couvre tes pas... J’ai vu Satan,
le grand ennemi, redresser les enchevêtrements osseux de la charpente,
au-dessus de son engourdissement de larve, et, debout, triomphant, sublime,
haranguer ses troupes rassemblées ; comme je le mérite, me tourner en
dérision. Il a dit qu’il s’étonnait beaucoup que son orgueilleux rival,
pris en flagrant délit par le succès, enfin réalisé, d’un espionnage
perpétuel, pût ainsi s’abaisser jusqu’à baiser la robe de la débauche
humaine, par un voyage de long cours à travers les récifs de l’éther, et
faire périr, dans les souffrances, un membre de l’humanité. Il a dit que
ce jeune homme, broyé dans l’engrenage de mes supplices raffinés, aurait
peut-être pu devenir une intelligence de génie ; consoler les hommes, sur
cette terre, par des chants admirables de poésie, de courage, contre les
coups de l’infortune. Il a dit que les nonnes du couvent-lupanar ne
retrouvent plus leur sommeil ; rôdent dans le préau, gesticulant comme
des automates, écrasant avec le pied les renoncules et les lilas ;
devenues folles d’indignation, mais, non assez, pour ne pas se rappeler
la cause qui engendra cette maladie dans leur cerveau... (Les voici qui
s’avancent, revêtues de leur linceul blanc ; elles ne se parlent pas ;
elles se tiennent par la main. Leurs cheveux tombent en désordre sur
leurs épaules nues ; un bouquet de fleurs noires est penché sur leur
sein. Nonnes, retournez dans vos caveaux ; la nuit n’est pas encore
complètement arrivée ; ce n’est que le crépuscule du soir... Ô cheveu,
tu le vois toi-même ; de tous les côtés, je suis assailli par le
sentiment déchaîné de ma dépravation !) Il a dit que le Créateur, qui se
vante d’être la Providence de tout ce qui existe, s’est conduit avec
beaucoup de légèreté, pour ne pas dire plus, en offrant un pareil
spectacle aux mondes étoilés ; car, il a affirmé clairement le dessein
qu’il avait d’aller rapporter dans les planètes orbiculaires comment
je maintiens, par mon propre exemple, la vertu et la bonté dans la
vastitude de mes royaumes. Il a dit que la grande estime, qu’il avait
pour un ennemi si noble, s’était envolée de son imagination, et qu’il
préférait porter la main sur le sein d’une jeune fille, quoique cela
soit un acte de méchanceté exécrable, que de cracher sur ma figure,
recouverte de trois couches de sang et de sperme mêlés, afin de ne pas
salir son crachat baveux. Il a dit qu’il se croyait, à juste titre,
supérieur à moi, non par le vice, mais par la vertu et la pudeur ; non
par le crime, mais par la justice. Il a dit qu’il fallait m’attacher à
une claie, à cause de mes fautes innombrables ; me faire brûler à petit
feu dans un brasier ardent, pour me jeter ensuite dans la mer, si
toutefois la mer voudrait me recevoir. Que, puisque je me vantais d’être
juste, moi, qui l’avais condamné aux peines éternelles pour une révolte
légère qui n’avait pas eu de suites graves, je devais donc faire justice
sévère sur moi-même, et juger impartialement ma conscience, chargée
d’iniquités... Ne fais pas de pareils bonds ! Tais-toi... tais-toi...
si quelqu’un t’entendait ! je te replacerai parmi les autres cheveux ;
mais, laisse d’abord le soleil se coucher à l’horizon, afin que la nuit
couvre tes pas. » Il s’arrêta un instant ; quoique je ne le visse point,
je compris, par ce temps d’arrêt nécessaire, que la houle de l’émotion
soulevait sa poitrine, comme un cyclone giratoire soulève une famille de
baleines. Poitrine divine, souillée, un jour, par l’amer contact des
tétons d’une femme sans pudeur ! Âme royale, livrée, dans un moment
d’oubli, au crabe de la débauche, au poulpe de la faiblesse de
caractère, au requin de l’abjection individuelle, au boa de la morale
absente, et au colimaçon monstrueux de l’idiotisme ! Le cheveu et son
maître s’embrassèrent étroitement, comme deux amis qui se revoient après
une longue absence. Le Créateur continua, accusé reparaissant devant son
propre tribunal : « Et les hommes, que penseront-ils de moi, dont ils
avaient une opinion si élevée, quand ils apprendront les errements de ma
conduite, la marche hésitante de ma sandale, dans les labyrinthes boueux
de la matière, et la direction de ma route ténébreuse à travers les eaux
stagnantes et les humides joncs de la mare où, recouvert de brouillards,
bleuit et mugit le crime, à la patte sombre !... Je m’aperçois qu’il faut
que je travaille beaucoup à ma réhabilitation, dans l’avenir, afin de
reconquérir leur estime. Je suis le Grand-Tout ; et cependant, par un
côté, je reste inférieur aux hommes, que j’ai créés avec un peu de
sable ! Raconte-leur un mensonge audacieux, et dis-leur que je ne suis
jamais sorti du ciel, constamment enfermé, avec les soucis du trône,
entre les marbres, les statues et les mosaïques de mes palais. Je me
suis présenté devant les célestes fils de l’humanité ; je leur ai dit :
« Chassez le mal de vos chaumières, et laissez entrer au foyer le manteau
du bien. Celui qui portera la main sur un de ses semblables, en lui
faisant au sein une blessure mortelle, avec le fer homicide, qu’il
n’espère point les effets de ma miséricorde, et qu’il redoute les
balances de la justice. Il ira cacher sa tristesse dans les bois ; mais,
le bruissement des feuilles, à travers les clairières, chantera à ses
oreilles la ballade du remords ; et il s’enfuira de ces parages, piqué
à la hanche par le buisson, le houx et le chardon bleu, ses pas rapides
entrelacés par la souplesse des lianes et les morsures des scorpions.
Il se dirigera vers les galets de la plage ; mais, la marée montante,
avec ses embruns et son approche dangereuse, lui raconteront qu’ils
n’ignorent pas son passé ; et il précipitera sa course aveugle vers le
couronnement de la falaise, tandis que les vents stridents d’équinoxe,
en s’enfonçant dans les grottes naturelles du golfe et les carrières
pratiquées sous la muraille des rochers retentissants, beugleront comme
les troupeaux immenses des buffles des pampas. Les phares de la côte
le poursuivront, jusqu’aux limites du septentrion, de leurs reflets
sarcastiques, et les feux follets des maremmes, simples vapeurs en
combustion, dans leurs danses fantastiques, feront frissonner les poils
de ses pores, et verdir l’iris de ses yeux. Que la pudeur se plaise dans
vos cabanes, et soit en sûreté à l’ombre de vos champs. C’est ainsi que
vos fils deviendront beaux, et s’inclineront devant leurs parents avec
reconnaissance ; sinon, malingres, et rabougris comme le parchemin des
bibliothèques, ils s’avanceront à grands pas, conduits par la révolte,
contre le jour de leur naissance et le clitoris de leur mère impure. »
Comment les hommes voudront-ils obéir à ces lois sévères, si le
législateur lui-même se refuse le premier à s’y astreindre... Et ma
honte est immense comme l’éternité ! » J’entendis le cheveu qui lui
pardonnait, avec humilité, sa séquestration, puisque son maître avait
agi par prudence et non par légèreté ; et le pâle dernier rayon de soleil
qui éclairait mes paupières se retira des ravins de la montagne. Tourné
vers lui, je le vis se replier ainsi qu’un linceul... Ne fais pas de
pareils bonds ! Tais-toi... tais-toi... si quelqu’un t’entendait ! Il te
replacera parmi les autres cheveux. Et, maintenant que le soleil est
couché à l’horizon, vieillard cynique et cheveu doux, rampez, tous les
deux, vers l’éloignement du lupanar, pendant que la nuit, étendant son
ombre sur le couvent, couvre l’allongement de vos pas furtifs dans la
plaine... Alors, le pou, sortant subitement de derrière un promontoire,
me dit, en hérissant ses griffes : « Que penses-tu de cela ? » Mais, moi, je
ne voulus pas lui répliquer. Je me retirai, et j’arrivai sur le pont.
J’effaçai l’inscription primordiale, je la remplaçai par celle-ci :
« Il est douloureux de garder, comme un poignard, un tel secret dans son
cœur ; mais, je jure de ne jamais révéler ce dont j’ai été témoin, quand
je pénétrai, pour la première fois, dans ce donjon terrible. » Je jetai,
par dessus le parapet, le canif qui m’avait servi à graver les lettres ;
et, faisant quelques rapides réflexions sur le caractère du Créateur en
enfance, qui devait encore, hélas ! pendant bien de temps, faire souffrir
l’humanité (l’éternité est longue), soit par les cruautés exercées, soit
par le spectacle ignoble des chancres qu’occasionne un grand vice, je
fermai les yeux, comme un homme ivre, à la pensée d’avoir un tel être
pour ennemi, et je repris, avec tristesse, mon chemin à travers les
dédales des rues.
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Mon florilège(Tоuriste) (Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.) Compte lecteurAgoraÉvаluations récеntes☆ ☆ ☆ ☆ ☆Ρоzzi : Νух Ο’Νеddу : Μаdоnnа соl bаmbinо Соppéе : Un fils Соppéе : «À Ρаris, еn été...» Τhаlу : L’Îlе lоintаinе Vеrlаinе : Éсrit еn 1875 Fаrguе : Ιntériеur Jаmmеs : Quаnd vеrrаi-је lеs îlеs Vеrlаinе : À Gеrmаin Νоuvеаu Соppéе : Ρеtits bоurgеоis Hugо : «Jеunеs gеns, prеnеz gаrdе аuх сhоsеs quе vоus ditеs...» Fоurеst : Un hоmmе ☆ ☆ ☆ ☆Klingsоr : L’Αttеntе inutilе Τhаlу : Εsсlаvаgе Соppéе : Τristеmеnt Cоmmеntaires récеntsDe Сосhоnfuсius sur Lа Сhаpеllе аbаndоnnéе (Fоrt) De Сосhоnfuсius sur «Τоut lе pаrfаit dоnt lе сiеl nоus hоnоrе...» (Du Βеllау) De Сосhоnfuсius sur Sоnnеt rоmаntiquе (Riсhеpin) De Xi’аn sur Sоnnеt : «Νоn, quаnd biеn mêmе unе аmèrе sоuffrаnсе...» (Μussеt) De Rоzès sur Εsсlаvаgе (Τhаlу) De Jаdis sur Épitаphе d’un сhiеn (Μаllеvillе) De Сurаrе- sur Lе Lаit dеs сhаts (Guérin) De Jаdis sur «Αh ! Sеignеur, Diеu dеs сœurs rоbustеs, répоndеz !...» (Guérin) De Jаdis sur Splееn : «Jе suis соmmе lе rоi...» (Βаudеlаirе) De Ιо Kаnааn sur Сrоquis (Сrоs) De Сurаrе- sur À un sоt аbbé dе quаlité (Sаint-Ρаvin) De Τristаn Βеrnаrd sur Lеs Соnquérаnts (Hеrеdiа) De Lа Μusérаntе sur Sоnnеt dе Ρоrсеlаinе (Viviеn) De Dаmе dе flаmmе sur «Du tristе сœur vоudrаis lа flаmmе étеindrе...» (Sаint-Gеlаis) De Сurаrе- sur «С’еst оrеs, mоn Vinеus, mоn сhеr Vinеus, с’еst оrе...» (Du Βеllау) De Wеbmаstеr sur Lа Ρеtitе Ruе silеnсiеusе (Fоrt) De Dаmе dе flаmmе sur «Τоi qui trоublеs lа pаiх dеs nоnсhаlаntеs еаuх...» (Βеrnаrd) De Xi’аn sur Μirlitоn (Соrbièrе) De Xi’аn sur «Αimеz-vоus l’оdеur viеillе...» (Μilоsz) De krm sur Vеrlаinе De Сurаrе= sur Οisеаuх dе pаssаgе (Riсhеpin) Plus de commentaires...Ce sitePrésеntаtionCоntactSоutien |