Lautréamont(1846-1870) D’autrеs pоèmеs :Lеs gémissеmеnts pоétiquеs dе се sièсlе... Ιl у еn а qui éсrivеnt pоur rесhеrсhеr lеs аpplаudissеmеnts humаins... J’étаblirаi dаns quеlquеs lignеs соmmеnt Μаldоrоr... Lесtеur, с’еst pеut-êtrе lа hаinе quе tu vеuх quе ј’invоquе... Ρlût аu сiеl quе lе lесtеur... Lеs mаgаsins dе lа ruе Viviеnnе... Αvаnt d’еntrеr еn mаtièrе, је trоuvе stupidе... оu еncоrе :Unе lаntеrnе rоugе, drаpеаu du viсе... Jе m’étаis еndоrmi sur lа fаlаisе... Lа Sеinе еntrаînе un соrps humаin... Silеnсе ! il pаssе un соrtègе funérаirе à сôté dе vоus...
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LautréamontLes Chants de Maldoror, 1869 FIN DU DEUXIÈME CHANTChant troisième
Rappelons les noms de ces êtres imaginaires, à la nature d’ange, que ma
plume, pendant le deuxième chant, a tirés d’un cerveau, brillant d’une
lueur émanée d’eux-mêmes. Ils meurent, dès leur naissance, comme ces
étincelles dont l’œil a de la peine à suivre l’effacement rapide, sur
du papier brûlé. Léman !... Lohengrin !... Lombano !... Holzer !... un
instant, vous apparûtes, recouverts des insignes de la jeunesse, à mon
horizon charmé ; mais, je vous ai laissés retomber dans le chaos,
comme des cloches de plongeur. Vous n’en sortirez plus.
Il me suffit que j’aie gardé votre souvenir ; vous devez céder la place à
d’autres substances, peut-être moins belles, qu’enfantera le débordement
orageux d’un amour qui a résolu de ne pas apaiser sa soif auprès de la
race humaine. Amour affamé, qui se dévorerait lui-même, s’il ne
cherchait sa nourriture dans des fictions célestes : créant, à la longue,
une pyramide de séraphins, plus nombreux que les insectes qui
fourmillent dans une goutte d’eau, il les entrelacera dans une ellipse
qu’il fera tourbillonner autour de lui. Pendant ce temps, le voyageur,
arrêté contre l’aspect d’une cataracte, s’il relève le visage, verra,
dans le lointain, un être humain, emporté vers la cave de l’enfer par
une guirlande de camélias vivants ! Mais... silence ! l’image flottante
du cinquième idéal se dessine lentement, comme les replis indécis d’une
aurore boréale, sur le plan vaporeux de mon intelligence, et prend de
plus en plus une consistance déterminée... Mario et moi nous longions
la grève. Nos chevaux, le cou tendu, fendaient les membranes de
l’espace, et arrachaient des étincelles aux galets de la plage. La bise,
qui nous frappait en plein visage, s’engouffrait dans nos manteaux, et
faisait voltiger en arrière les cheveux de nos têtes jumelles. La
mouette, par ses cris et ses mouvements d’aile, s’efforçait en vain de
nous avertir de la proximité possible de la tempête, et s’écriait : « Où
s’en vont-ils, de ce galop insensé ? » Nous ne disions rien ; plongés dans
la rêverie, nous nous laissions emporter sur les ailes de cette course
furieuse ; le pêcheur, nous voyant passer, rapides comme l’albatros, et
croyant apercevoir, fuyant devant lui, les deux frères mystérieux,
comme on les avait ainsi appelés, parce qu’ils étaient toujours
ensemble, s’empressait de faire le signe de la croix, et se cachait,
avec son chien paralysé, sous quelque roche profonde. Les habitants
de la côte avaient entendu raconter des choses étranges sur ces deux
personnages, qui apparaissaient sur la terre, au milieu des nuages,
aux grandes époques de calamité, quand une guerre affreuse menaçait
de planter son harpon sur la poitrine de deux pays ennemis, ou que le
choléra s’apprêtait à lancer, avec sa fronde, la pourriture et la mort
dans des cités entières. Les plus vieux pilleurs d’épaves fronçaient le
sourcil, d’un air grave, affirmant que les deux fantômes, dont chacun
avait remarqué la vaste envergure des ailes noires, pendant les
ouragans, au-dessus des bancs de sable et des écueils, étaient le génie
de la terre et le génie de la mer, qui promenaient leur majesté, au
milieu des airs, pendant les grandes révolutions de la nature, unis
ensemble par une amitié éternelle, dont la rareté et la gloire ont
enfanté l’étonnement du câble indéfini des générations. On disait que,
volant côte à côte comme deux condors des Andes, ils aimaient à planer,
en cercles concentriques, parmi les couches d’atmosphères qui avoisinent
le soleil ; qu’ils se nourrissaient, dans ces parages, des plus pures
essences de la lumière ; mais, qu’ils ne se décidaient qu’avec peine à
rabattre l’inclinaison de leur vol vertical, vers l’orbite épouvanté où
tourne le globe humain en délire, habité par des esprits cruels qui se
massacrent entre eux dans les champs où rugit la bataille (quand ils ne
se tuent pas perfidement, en secret, dans le centre des villes, avec le
poignard de la haine ou de l’ambition), et qui se nourrissent d’êtres
pleins de vie comme eux et placés quelques degrés plus bas dans
l’échelle des existences. Ou bien, quand ils prenaient la ferme
résolution, afin d’exciter les hommes au repentir par les strophes de
leurs prophéties, de nager, en se dirigeant à grandes brassées, vers les
régions sidérales où une planète se mouvait au milieu des exhalaisons
épaisses d’avarice, d’orgueil, d’imprécation et de ricanement qui se
dégageaient, comme des vapeurs pestilentielles, de sa surface hideuse et
paraissait petite comme une boule, étant presque invisible, à cause de
la distance, ils ne manquaient pas de trouver des occasions où ils se
repentaient amèrement de leur bienveillance, méconnue et conspuée, et
allaient se cacher au fond des volcans, pour converser avec le feu
vivace qui bouillonne dans les cuves des souterrains centraux, ou au
fond de la mer, pour reposer agréablement leur vue désillusionnée sur
les monstres les plus féroces de l’abîme, qui leur paraissaient des
modèles de douceur, en comparaison des bâtards de l’humanité. La nuit
venue, avec son obscurité propice, ils s’élançaient des cratères, à la
crête de porphyre, des courants sous-marins et laissaient, bien loin
derrière eux, le pot de chambre rocailleux où se démène l’anus constipé
des kakatoès humains, jusqu’à ce qu’ils ne pussent plus distinguer la
silhouette suspendue de la planète immonde. Alors, chagrinés de leur
tentative infructueuse, au milieu des étoiles qui compatissaient à leur
douleur et sous l’œil de Dieu, s’embrassaient, en pleurant, l’ange de
la terre et l’ange de la mer !... Mario et celui qui galopait auprès de
lui n’ignoraient pas les bruits vagues et superstitieux que racontaient,
dans les veillées, les pêcheurs de la côte, en chuchotant autour de
l’âtre, portes et fenêtres fermées ; pendant que le vent de la nuit, qui
désire se réchauffer, fait entendre ses sifflements autour de la cabane
de paille, et ébranle, par sa vigueur, ces frêles murailles, entourées à
la base de fragments de coquillage, apportés par les replis mourants des
vagues. Nous ne parlions pas. Que se disent deux cœurs qui s’aiment ?
Rien. Mais nos yeux exprimaient tout. Je l’avertis de serrer davantage
son manteau autour de lui, et lui me fait observer que mon cheval
s’éloigne trop du sien : chacun prend autant d’intérêt à la vie de
l’autre qu’à sa propre vie ; nous ne rions pas. Il s’efforce de me
sourire ; mais, j’aperçois que son visage porte le poids des terribles
impressions qu’y a gravées la réflexion, constamment penchée sur les
sphynx qui déroutent, avec un œil oblique, les grandes angoisses de
l’intelligence des mortels. Voyant ses manœuvres inutiles, il détourne
les yeux, mord son frein terrestre avec la bave de la rage, et regarde
l’horizon, qui s’enfuit à notre approche. À mon tour, je m’efforce de
lui rappeler sa jeunesse dorée, qui ne demande qu’à s’avancer dans les
palais des plaisirs, comme une reine ; mais, il remarque que mes paroles
sortent difficilement de ma bouche amaigrie, et que les années de mon
propre printemps ont passé, tristes et glaciales, comme un rêve
implacable qui promène sur les tables des banquets, et sur les lits de
satin, où sommeille la pâle prêtresse d’amour, payée avec les
miroitements de l’or, les voluptés amères du désenchantement, les rides
pestilentielles de la vieillesse, les effarements de la solitude et les
flambeaux de la douleur. Voyant mes manœuvres inutiles, je ne m’étonne
pas de ne pas pouvoir le rendre heureux ; le Tout-Puissant m’apparaît revêtu
de ses instruments de torture, dans toute l’auréole resplendissante de
son horreur ; je détourne les yeux et regarde l’horizon qui s’enfuit à
notre approche... Nos chevaux galopaient le long du rivage, comme s’ils
fuyaient l’œil humain... Mario est plus jeune que moi ; l’humidité du
temps et l’écume salée qui rejaillit jusqu’à nous amènent le contact du
froid sur ses lèvres. Je lui dis : « Prends garde !... prends garde !...
ferme tes lèvres, les unes contre les autres ; ne vois-tu pas les griffes
aiguës de la gerçure, qui sillonne ta peau de blessures cuisantes ? » Il
fixe mon front, et me réplique, avec les mouvements de sa langue : « Oui,
je les vois, ces griffes vertes ; mais, je ne dérangerai pas la situation
naturelle de ma bouche pour les faire fuir. Regarde, si je mens.
Puisqu’il paraît que c’est la volonté de la Providence, je veux m’y
conformer. Sa volonté aurait pu être meilleure. » Et moi, je m’écriai :
« J’admire cette vengeance noble. » Je voulus m’arracher les cheveux ;
mais, il me le défendit avec un regard sévère, et je lui obéis avec
respect. Il se faisait tard, et l’aigle regagnait son nid, creusé dans
les anfractuosités de la roche. Il me dit : « Je vais te prêter mon
manteau, pour te garantir du froid ; je n’en ai pas besoin. » Je lui
répliquai : « Malheur à toi, si tu fais ce que tu dis. Je ne veux pas
qu’un autre souffre à ma place, et surtout toi. » Il ne répondit pas,
parce que j’avais raison ; mais, moi, je me mis à le consoler, à cause de
l’accent trop impétueux de mes paroles... Nos chevaux galopaient le
long du rivage, comme s’ils fuyaient l’œil humain... Je relevai la
tête, comme la proue d’un vaisseau soulevée par une vague énorme, et je
lui dis : « Est-ce que tu pleures ? Je te le demande, roi des neiges et des
brouillards. Je ne vois pas des larmes sur ton visage, beau comme la
fleur du cactus, et tes paupières sont sèches, comme le lit du torrent ;
mais, je distingue, au fond de tes yeux, une cuve pleine de sang, où
bout ton innocence mordue au cou par un scorpion de la grande espèce. Un
vent violent s’abat sur le feu qui réchauffe la chaudière, et en répand
les flammes obscures jusqu’en dehors de ton orbite sacré. J’ai approché
mes cheveux de ton front rosé, et j’ai senti une odeur de roussi, parce
qu’ils se brûlèrent. Ferme tes yeux ; car, sinon, ton visage, calciné
comme la lave du volcan, tombera en cendres sur le creux de ma main. »
Et, lui, se retournait vers moi, sans faire attention aux rênes qu’il
tenait dans la main, et me contemplait avec attendrissement, tandis que
lentement il baissait et relevait ses paupières de lis, comme le flux et
le reflux de la mer. Il voulut bien répondre à ma question audacieuse,
et voici comme il le fit : « Ne fais pas attention à moi. De même que les
vapeurs des fleuves rampent le long des flancs de la colline, et, une
fois arrivées au sommet, s’élancent dans l’atmosphère, en formant des
nuages ; de même, tes inquiétudes sur mon compte se sont insensiblement
accrues, sans motif raisonnable, et forment au-dessus de ton
imagination, le corps trompeur d’un mirage désolé. Je t’assure qu’il n’y
a pas de feu dans mes yeux, quoique j’y ressente la même impression que
si mon crâne était plongé dans un casque de charbons ardents. Comment
veux-tu que les chairs de mon innocence bouillent dans la cuve, puisque
je n’entends que des cris très faibles et confus, qui, pour moi, ne sont
que les gémissements du vent qui passe au-dessus de nos têtes ? Il est
impossible qu’un scorpion ait fixé sa résidence et ses pinces aiguës au
fond de mon orbite haché ; je crois plutôt que ce sont des tenailles
vigoureuses qui broient les nerfs optiques. Cependant, je suis d’avis,
avec toi, que le sang, qui remplit la cuve, a été extrait de mes veines
par un bourreau invisible, pendant le sommeil de la dernière nuit. Je
t’ai attendu longtemps, fils aimé de l’océan ; et mes bras assoupis ont
engagé un vain combat avec Celui qui s’était introduit dans le vestibule
de ma maison... Oui, je sens que mon âme est cadenassée dans le verrou
de mon corps, et qu’elle ne peut se dégager, pour fuir loin des rivages
que frappe la mer humaine, et n’être plus témoin du spectacle de la
meute livide des malheurs, poursuivant sans relâche, à travers les
fondrières et les gouffres de l’abattement immense, les isards humains.
Mais, je ne me plaindrai pas. J’ai reçu la vie comme une blessure, et
j’ai défendu au suicide de guérir la cicatrice. Je veux que le Créateur
en contemple, à chaque heure de son éternité, la crevasse béante. C’est
le châtiment que je lui inflige. Nos coursiers ralentissent la vitesse
de leurs pieds d’airain ; leurs corps tremblent, comme le chasseur
surpris par un troupeau de peccaris. Il ne faut pas qu’ils se mettent
à écouter ce que nous disons. À force d’attention, leur intelligence
grandirait, et ils pourraient peut-être nous comprendre. Malheur à eux ;
car, ils souffriraient davantage ! En effet, ne pense qu’aux marcassins
de l’humanité : le degré d’intelligence qui les sépare des autres êtres
de la création ne semble-t-il pas ne leur être accordé qu’au prix
irrémédiable de souffrances incalculables ? Imite mon exemple, et que ton
éperon d’argent s’enfonce dans les flancs de ton coursier... » Nos
chevaux galopaient le long du rivage, comme s’ils fuyaient l’œil
humain.
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