Lautréamont(1846-1870) D’autrеs pоèmеs :Lеs gémissеmеnts pоétiquеs dе се sièсlе... Ιl у еn а qui éсrivеnt pоur rесhеrсhеr lеs аpplаudissеmеnts humаins... J’étаblirаi dаns quеlquеs lignеs соmmеnt Μаldоrоr... Lесtеur, с’еst pеut-êtrе lа hаinе quе tu vеuх quе ј’invоquе... Ρlût аu сiеl quе lе lесtеur... Lеs mаgаsins dе lа ruе Viviеnnе... Αvаnt d’еntrеr еn mаtièrе, је trоuvе stupidе... оu еncоrе :Jе m’étаis еndоrmi sur lа fаlаisе... Quе lе lесtеur nе sе fâсhе pаs соntrе mоi... Rаppеlоns lеs nоms dе сеs êtrеs imаginаirеs... Ιl у а dеs hеurеs dаns lа viе оù l’hоmmе... Сеlui qui nе sаit pаs plеurеr...
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LautréamontLes Chants de Maldoror, 1869
Quand une femme, à la voix de soprano, émet ses notes vibrantes et
mélodieuses, à l’audition de cette harmonie humaine, mes yeux se
remplissent d’une flamme latente et lancent des étincelles douloureuses,
tandis que dans mes oreilles semble retentir le tocsin de la canonnade.
D’où peut venir cette répugnance profonde pour tout ce qui tient à
l’homme ? Si les accords s’envolent des fibres d’un instrument, j’écoute
avec volupté ces notes perlées qui s’échappent en cadence à travers les
ondes élastiques de l’atmosphère. La perception ne transmet à mon ouïe
qu’une impression d’une douceur à fondre les nerfs et la pensée ; un
assoupissement ineffable enveloppe de ses pavots magiques, comme d’un
voile qui tamise la lumière du jour, la puissance active de mes sens et
les forces vivaces de mon imagination. On raconte que je naquis entre
les bras de la surdité ! Aux premières époques de mon enfance, je
n’entendais pas ce qu’on me disait. Quand, avec les plus grandes
difficultés, on parvint à m’apprendre à parler, c’était seulement, après
avoir lu sur une feuille ce que quelqu’un écrivait, que je pouvais
communiquer, à mon tour, le fil de mes raisonnements. Un jour, jour
néfaste, je grandissais en beauté et en innocence ; et chacun admirait
l’intelligence et la bonté du divin adolescent. Beaucoup de consciences
rougissaient quand elles contemplaient ces traits limpides où son âme
avait placé son trône. On ne s’approchait de lui qu’avec vénération,
parce qu’on remarquait dans ses yeux le regard d’un ange. Mais non, je
savais de reste que les roses heureuses de l’adolescence ne devaient pas
fleurir perpétuellement, tressées en guirlandes capricieuses, sur son
front modeste et noble, qu’embrassaient avec frénésie toutes les mères.
Il commençait à me sembler que l’univers, avec sa voûte étoilée de
globes impassibles et agaçants, n’était peut-être pas ce que j’avais
rêvé de plus grandiose. Un jour, donc, fatigué de talonner du pied le
sentier abrupte du voyage terrestre, et de m’en aller, en chancelant
comme un homme ivre, à travers les catacombes obscures de la vie, je
soulevai avec lenteur mes yeux spleenétiques, cernés d’un grand cercle
bleuâtre, vers la concavité du firmament, et j’osai pénétrer, moi, si
jeune, les mystères du ciel ! Ne trouvant pas ce que je cherchais, je
soulevai la paupière effarée plus haut, plus haut encore, jusqu’à ce que
j’aperçusse un trône, formé d’excréments humains et d’or, sur lequel
trônait, avec un orgueil idiot, le corps recouvert d’un linceul fait
avec des draps non lavés d’hôpital, celui qui s’intitule lui-même le
Créateur ! Il tenait à la main le tronc pourri d’un homme mort, et le
portait, alternativement, des yeux au nez et du nez à la bouche ; une
fois à la bouche, on devine ce qu’il en faisait. Ses pieds plongeaient
dans une vaste mare de sang en ébullition, à la surface duquel
s’élevaient tout à coup, comme des ténias à travers le contenu d’un pot
de chambre, deux ou trois têtes prudentes, et qui s’abaissaient
aussitôt, avec la rapidité de la flèche : un coup de pied, bien appliqué
sur l’os du nez, était la récompense connue de la révolte au règlement,
occasionnée par le besoin de respirer un autre milieu ; car, enfin, ces
hommes n’étaient pas des poissons ! Amphibies tout au plus, ils nageaient
entre deux eaux dans ce liquide immonde !... jusqu’à ce que, n’ayant plus
rien dans la main, le Créateur, avec les deux premières griffes du pied,
saisît un autre plongeur par le cou, comme dans une tenaille, et le
soulevât en l’air, en dehors de la vase rougeâtre, sauce exquise ! Pour
celui-là, il faisait comme pour l’autre. Il lui dévorait d’abord la
tête, les jambes et les bras, et en dernier lieu le tronc, jusqu’à ce
qu’il ne restât plus rien ; car, il croquait les os. Ainsi de suite,
durant les autres heures de son éternité. Quelquefois il s’écriait : « Je
vous ai créés ; donc j’ai le droit de faire de vous ce que je veux. Vous
ne m’avez rien fait, je ne dis pas le contraire. Je vous fais souffrir,
et c’est pour mon plaisir. » Et il reprenait son repas cruel, en remuant
sa mâchoire inférieure, laquelle remuait sa barbe pleine de cervelle.
Ô lecteur, ce dernier détail ne te fait-il pas venir l’eau à la bouche ?
N’en mange pas qui veut d’une pareille cervelle, si bonne, toute fraîche
et qui vient d’être pêchée il n’y a qu’un quart d’heure dans le lac aux
poissons. Les membres paralysés, et la gorge muette, je contemplai
quelque temps ce spectacle. Trois fois, je faillis tomber à la renverse,
comme un homme qui subit une émotion trop forte ; trois fois, je parvins
à me remettre sur les pieds. Pas une fibre de mon corps ne restait
immobile ; et je tremblais, comme tremble la lave intérieure d’un volcan.
À la fin, ma poitrine oppressée, ne pouvant chasser avec assez de
vitesse l’air qui donne la vie, les lèvres de ma bouche s’entr’ouvrirent,
et je poussai un cri... un cri si déchirant... que je l’entendis ! Les
entraves de mon oreille se délièrent d’une manière brusque, le tympan
craqua sous le choc de cette masse d’air sonore repoussée loin de moi
avec énergie, et il se passa un phénomène nouveau dans l’organe condamné
par la nature. Je venais d’entendre un son ! Un cinquième sens se révélait
en moi ! Mais, quel plaisir eussè-je pu trouver d’une pareille découverte ?
Désormais, le son humain n’arriva à mon oreille qu’avec le sentiment de
la douleur qu’engendre la pitié pour une grande injustice. Quand quelqu’un
me parlait, je me rappelais ce que j’avais vu, un jour, au-dessus des
sphères visibles, et la traduction de mes sentiments étouffés en un
hurlement impétueux, dont le timbre était identique à celui de mes
semblables ! Je ne pouvais pas lui répondre ; car, les supplices exercés
sur la faiblesse de l’homme, dans cette mer hideuse de pourpre, passaient
devant mon front en rugissant comme des éléphants écorchés, et rasaient
de leurs ailes de feu mes cheveux calcinés. Plus tard, quand je connus
davantage l’humanité, à ce sentiment de pitié se joignit une fureur
intense contre cette tigresse marâtre, dont les enfants endurcis ne savent
que maudire et faire le mal. Audace du mensonge ! ils disent que le mal
n’est chez eux qu’à l’état d’exception !... Maintenant, c’est fini depuis
longtemps ; depuis longtemps, je n’adresse la parole à personne. Ô vous,
qui que vous soyez, quand vous serez à côté de moi, que les cordes de
votre glotte ne laissent échapper aucune intonation ; que votre larynx
immobile n’aille pas s’efforcer de surpasser le rossignol ; et vous-même
n’essayez nullement de me faire connaître votre âme à l’aide du langage.
Gardez un silence religieux, que rien n’interrompe ; croisez humblement
vos mains sur la poitrine, et dirigez vos paupières sur le bas. Je vous
l’ai dit, depuis la vision qui me fit connaître la vérité suprême, assez
de cauchemars ont sucé avidement ma gorge, pendant les nuits et les jours,
pour avoir encore le courage de renouveler, même par la pensée, les
souffrances que j’éprouvai dans cette heure infernale, qui me poursuit
sans relâche de son souvenir. Oh ! quand vous entendez l’avalanche de
neige tomber du haut de la froide montagne ; la lionne se plaindre, au
désert aride, de la disparition de ses petits ; la tempête accomplir sa
destinée ; le condamné mugir, dans la prison, la veille de la guillotine ;
et le poulpe féroce raconter, aux vagues de la mer, ses victoires sur
les nageurs et les naufragés, dites-le, ces voix majestueuses ne
sont-elle pas plus belles que le ricanement de l’homme !
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