Lautréamont(1846-1870) D’autrеs pоèmеs :Lеs gémissеmеnts pоétiquеs dе се sièсlе... Ιl у еn а qui éсrivеnt pоur rесhеrсhеr lеs аpplаudissеmеnts humаins... J’étаblirаi dаns quеlquеs lignеs соmmеnt Μаldоrоr... Lесtеur, с’еst pеut-êtrе lа hаinе quе tu vеuх quе ј’invоquе... Ρlût аu сiеl quе lе lесtеur... Lеs mаgаsins dе lа ruе Viviеnnе... Αvаnt d’еntrеr еn mаtièrе, је trоuvе stupidе... оu еncоrе :Éсоutеz lеs pеnséеs dе mоn еnfаnсе... Ιl еst tеmps dе sеrrеr lеs frеins à mоn inspirаtiоn... |
Lautréamont
Là, dans un bosquet entouré de fleurs, dort l’hermaphrodite,
profondément assoupi sur le gazon, mouillé de ses pleurs. La lune a
dégagé son disque de la masse des nuages, et caresse avec ses pâles
rayons cette douce figure d’adolescent. Ses traits expriment l’énergie
la plus virile, en même temps que la grâce d’une vierge céleste. Rien ne
paraît naturel en lui, pas même les muscles de son corps, qui se fraient
un passage à travers les contours harmonieux de formes féminines. Il a
le bras recourbé sur le front, l’autre main appuyée contre la poitrine,
comme pour comprimer les battements d’un cœur fermé à toutes les
confidences, et chargé du pesant fardeau d’un secret éternel. Fatigué de
la vie, et honteux de marcher parmi des êtres qui ne lui ressemblent
pas, le désespoir a gagné son âme, et il s’en va seul, comme le mendiant
de la vallée. Comment se procure-t-il les moyens d’existence ? Des âmes
compatissantes veillent de près sur lui, sans qu’il se doute de cette
surveillance, et ne l’abandonnent pas : il est si bon ! il est si résigné !
Volontiers il parle quelquefois avec ceux qui ont le caractère sensible,
sans leur toucher la main, et se tient à distance, dans la crainte d’un
danger imaginaire. Si on lui demande pourquoi il a pris la solitude pour
compagne, ses yeux se lèvent vers le ciel, et retiennent avec peine une
larme de reproche contre la Providence ; mais, il ne répond pas à cette
question imprudente, qui répand, dans la neige de ses paupières, la
rougeur de la rose matinale. Si l’entretien se prolonge, il devient
inquiet, tourne les yeux vers les quatre points de l’horizon, comme pour
chercher à fuir la présence d’un ennemi invisible qui s’approche, fait
de la main un adieu brusque, s’éloigne sur les ailes de sa pudeur en
éveil, et disparaît dans la forêt. On le prend généralement pour un fou.
Un jour, quatre hommes masqués, qui avaient reçu des ordres, se jetèrent
sur lui et le garrottèrent solidement, de manière qu’il ne pût remuer
que les jambes. Le fouet abattit ses rudes lanières sur son dos, et ils
lui dirent qu’il se dirigeât sans délai vers la route qui mène à
Bicêtre. Il se mit à sourire en recevant les coups, et leur parla avec
tant de sentiment, d’intelligence sur beaucoup de sciences humaines
qu’il avait étudiées et qui montraient une grande instruction dans celui
qui n’avait pas encore franchi le seuil de la jeunesse, et sur les
destinées de l’humanité où il dévoila entière la noblesse poétique de
son âme, que ses gardiens, épouvantés jusqu’au sang de l’action qu’ils
avaient commise, délièrent ses membres brisés, se traînèrent à ses
genoux, en demandant un pardon qui fut accordé, et s’éloignèrent, avec
les marques d’une vénération qui ne s’accorde pas ordinairement aux
hommes. Depuis cet événement, dont on parla beaucoup, son secret fut
deviné par chacun, mais on paraît l’ignorer, pour ne pas augmenter ses
souffrances ; et le gouvernement lui accorde une pension honorable, pour
lui faire oublier qu’un instant on voulut l’introduire par force, sans
vérification préalable, dans un hospice d’aliénés. Lui, il emploie la
moitié de son argent ; le reste, il le donne aux pauvres. Quand il voit
un homme et une femme qui se promènent dans quelque allée de platanes,
il sent son corps se fendre en deux de bas en haut, et chaque partie
nouvelle aller étreindre un des promeneurs ; mais, ce n’est qu’une
hallucination, et la raison ne tarde pas à reprendre son empire. C’est
pourquoi il ne mêle sa présence, ni parmi les hommes, ni parmi les
femmes ; car sa pudeur excessive, qui a pris jour dans cette idée qu’il
n’est qu’un monstre, l’empêche d’accorder sa sympathie brûlante à qui
que ce soit. Il croirait se profaner, et il croirait profaner les
autres. Son orgueil lui répète cet axiome : « Que chacun reste dans sa
nature. » Son orgueil, ai-je dit, parce qu’il craint qu’en joignant sa
vie à un homme ou à une femme, on ne lui reproche tôt ou tard, comme une
faute énorme, la conformation de son organisation. Alors, il se retranche
dans son amour-propre, offensé par cette supposition impie qui ne vient
que de lui, et il persévère à rester seul, au milieu des tourments,
et sans consolation. Là, dans un bosquet entouré de fleurs, dort
l’hermaphrodite, profondément assoupi sur le gazon, mouillé de ses pleurs.
Les oiseaux, éveillés, contemplent avec ravissement cette figure
mélancolique, à travers les branches des arbres, et le rossignol ne veut
pas faire entendre ses cavatines de cristal. Le bois est devenu auguste
comme une tombe, par la présence nocturne de l’hermaphrodite infortuné.
Ô voyageur égaré, par ton esprit d’aventure qui t’a fait quitter ton
père et ta mère, dès l’âge le plus tendre ; par les souffrances que la
soif t’a causées, dans le désert ; par ta patrie que tu cherches
peut-être, après avoir longtemps erré, proscrit, dans des contrées
étrangères ; par ton coursier, ton fidèle ami, qui a supporté, avec toi,
l’exil et l’intempérie des climats que te faisait parcourir ton humeur
vagabonde ; par la dignité que donnent à l’homme les voyages sur les
terres lointaines et les mers inexplorées, au milieu des glaçons
polaires, ou sous l’influence d’un soleil torride, ne touche pas avec
ta main, comme avec un frémissement de la brise, ces boucles de cheveux,
répandues sur le sol, et qui se mêlent à l’herbe verte. Écarte-toi de
plusieurs pas, et tu agiras mieux ainsi. Cette chevelure est sacrée ;
c’est l’hermaphrodite lui-même qui l’a voulu. Il ne veut pas que des
lèvres humaines embrassent religieusement ses cheveux, parfumés par le
souffle de la montagne, pas plus que son front, qui resplendit, en cet
instant, comme les étoiles du firmament. Mais, il vaut mieux croire
que c’est une étoile elle-même qui est descendue de son orbite, en
traversant l’espace, sur ce front majestueux, qu’elle entoure avec sa
clarté de diamant, comme d’une auréole. La nuit, écartant du doigt sa
tristesse, se revêt de tous ses charmes pour fêter le sommeil de cette
incarnation de la pudeur, de cette image parfaite de l’innocence des
anges : le bruissement des insectes est moins perceptible. Les branches
penchent sur lui leur élévation touffue, afin de le préserver de la
rosée, et la brise, faisant résonner les cordes de sa harpe mélodieuse,
envoie ses accords joyeux, à travers le silence universel, vers ces
paupières baissées, qui croient assister, immobiles, au concert cadencé
des mondes suspendus. Il rêve qu’il est heureux ; que sa nature
corporelle a changé ; ou que, du moins, il s’est envolé sur un nuage
pourpre, vers une autre sphère, habitée par des êtres de même nature que
lui. Hélas ! que son illusion se prolonge jusqu’au réveil de l’aurore !
Il rêve que les fleurs dansent autour de lui en rond, comme d’immenses
guirlandes folles, et l’imprègnent de leurs parfums suaves, pendant
qu’il chante un hymne d’amour, entre les bras d’un être humain d’une
beauté magique. Mais, ce n’est qu’une vapeur crépusculaire que ses bras
entrelacent ; et, quand il se réveillera, ses bras ne l’entrelaceront
plus. Ne te réveille pas, hermaphrodite ; ne te réveille pas encore, je
t’en supplie. Pourquoi ne veux-tu pas me croire ? Dors... dors toujours.
Que ta poitrine se soulève, en poursuivant l’espoir chimérique du
bonheur, je te le permets ; mais, n’ouvre pas tes yeux. Ah ! n’ouvre pas
tes yeux ! Je veux te quitter ainsi, pour ne pas être témoin de ton
réveil. Peut-être un jour, à l’aide d’un livre volumineux, dans des
pages émues, raconterai-je ton histoire, épouvanté de ce qu’elle
contient, et des enseignements qui s’en dégagent. Jusqu’ici, je ne
l’ai pas pu ; car, chaque fois que je l’ai voulu, d’abondantes larmes
tombaient sur le papier, et mes doigts tremblaient, sans que ce fût de
vieillesse. Mais, je veux avoir à la fin ce courage. Je suis indigné
de n’avoir pas plus de nerfs qu’une femme, et de m’évanouir, comme une
petite fille, chaque fois que je réfléchis à ta grande misère. Dors...
dors toujours ; mais n’ouvre pas tes yeux ! Adieu, hermaphrodite ! Chaque
jour, je ne manquerai pas de prier le ciel pour toi (si c’était pour
moi, je ne le prierais point). Que la paix soit dans ton sein !
Les Chants de Maldoror, 1869 |
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