Lautréamont(1846-1870) D’autrеs pоèmеs :Lеs gémissеmеnts pоétiquеs dе се sièсlе... Ιl у еn а qui éсrivеnt pоur rесhеrсhеr lеs аpplаudissеmеnts humаins... J’étаblirаi dаns quеlquеs lignеs соmmеnt Μаldоrоr... Lесtеur, с’еst pеut-êtrе lа hаinе quе tu vеuх quе ј’invоquе... Ρlût аu сiеl quе lе lесtеur... Lеs mаgаsins dе lа ruе Viviеnnе... Αvаnt d’еntrеr еn mаtièrе, је trоuvе stupidе... оu еncоrе :Ιl еst tеmps dе sеrrеr lеs frеins à mоn inspirаtiоn... Éсоutеz lеs pеnséеs dе mоn еnfаnсе... Οn nе mе vеrrа pаs, à mоn hеurе dеrnièrе... Jе suis sаlе. Lеs pоuх mе rоngеnt... J’аi fаit un pасtе аvес lа prоstitutiоn...
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LautréamontLes Chants de Maldoror, 1869
Je saisis la plume qui va construire le deuxième chant... instrument
arraché aux ailes de quelque pygargue roux ! Mais... qu’ont-ils donc mes
doigts ? Les articulations demeurent paralysées, dès que je commence mon
travail. Cependant, j’ai besoin d’écrire... C’est impossible ! Eh bien,
je répète que j’ai besoin d’écrire ma pensée : j’ai le droit, comme un
autre, de me soumettre à cette loi naturelle... Mais non, mais non,
la plume reste inerte !... Tenez, voyez, à travers les campagnes, l’éclair
qui brille au loin. L’orage parcourt l’espace. Il pleut... Il pleut
toujours... Comme il pleut !... La foudre a éclaté... elle s’est abattue
sur ma fenêtre entr’ouverte, et m’a étendu sur le carreau, frappé au front.
Pauvre jeune homme ! ton visage était déjà assez maquillé par les rides
précoces et la difformité de naissance, pour ne pas avoir besoin, en outre,
de cette longue cicatrice sulfureuse ! (Je viens de supposer que la blessure
est guérie, ce qui n’arrivera pas de sitôt.) Pourquoi cet orage, et
pourquoi la paralysie de mes doigts ? Est-ce un avertissement d’en haut pour
m’empêcher d’écrire, et de mieux considérer ce à quoi je m’expose, en
distillant la bave de ma bouche carrée ? Mais, cet orage ne m’a pas causé
la crainte. Que m’importerait une légion d’orages ! Ces agents de la police
céleste accomplissent avec zèle leur pénible devoir, si j’en juge
sommairement par mon front blessé. Je n’ai pas à remercier le Tout-Puissant
de son adresse remarquable ; il a envoyé la foudre de manière à couper
précisément mon visage en deux, à partir du front, endroit où la blessure
a été le plus dangereuse : qu’un autre le félicite ! Mais, les orages
attaquent quelqu’un de plus fort qu’eux. Ainsi donc, horrible Éternel,
à la figure de vipère, il a fallu que non content d’avoir placé mon âme
entre les frontières de la folie et les pensées de fureur qui tuent d’une
manière lente, tu aies cru, en outre, convenable à ta majesté, après un
mûr examen, de faire sortir de mon front une coupe de sang !... Mais,
enfin, qui te dit quelque chose ? Tu sais que je ne t’aime pas, et qu’au
contraire je te hais : pourquoi insistes-tu ? Quand ta conduite voudra-t-elle
cesser de s’envelopper des apparences de la bizarrerie ? Parle-moi
franchement, comme à un ami : est-ce que tu ne te doutes pas, enfin, que tu
montres, dans ta persécution odieuse, un empressement naïf, dont aucun de
tes séraphins n’oserait faire ressortir le complet ridicule ? Quelle colère
te prend ? Sache que, si tu me laissais vivre à l’abri de tes poursuites,
ma reconnaissance t’appartiendrait... Allons, Sultan, avec ta langue,
débarrasse-moi de ce sang qui salit le parquet. Le bandage est fini : mon
front étanché a été lavé avec de l’eau salée, et j’ai croisé des
bandelettes à travers mon visage. Le résultat n’est pas infini : quatre
chemises, pleines de sang et deux mouchoirs. On ne croirait pas, au premier
abord, que Maldoror contînt tant de sang dans ses artères ; car, sur sa
figure, ne brillent que les reflets du cadavre. Mais, enfin, c’est comme
ça. Peut-être que c’est à peu près tout le sang que pût contenir son corps,
et il est probable qu’il n’y en reste pas beaucoup. Assez, assez, chien
avide ; laisse le parquet tel qu’il est ; tu as le ventre rempli. Il ne
faut pas continuer de boire ; car, tu ne tarderais pas à vomir. Tu es
convenablement repu, va te coucher dans le chenil ; estime-toi nager dans
le bonheur ; car, tu ne penseras pas à la faim, pendant trois jours
immenses, grâce aux globules que tu as descendues dans ton gosier, avec
une satisfaction solennellement visible. Toi, Léman, prends un balai ; je
voudrais aussi en prendre un, mais je n’en ai pas la force. Tu comprends,
n’est-ce pas, que je n’en ai pas la force ? Remets tes pleurs dans leur
fourreau ; sinon, je croirai que tu n’as pas le courage de contempler,
avec sang-froid, la grande balafre, occasionnée par un supplice déjà
perdu pour moi dans la nuit des temps passés. Tu iras chercher à la
fontaine deux seaux d’eau. Une fois le parquet lavé, tu mettras ces
linges dans la chambre voisine. Si la blanchisseuse revient ce soir,
comme elle doit le faire, tu les lui remettras ; mais, comme il a plu
beaucoup depuis une heure, et qu’il continue de pleuvoir, je ne crois pas
qu’elle sorte de chez elle ; alors, elle viendra demain matin. Si elle te
demande d’où vient tout ce sang, tu n’es pas obligé de lui répondre. Oh !
que je suis faible ! N’importe ; j’aurai cependant la force de soulever le
porte-plume et le courage de creuser ma pensée. Qu’a-t-il rapporté au
Créateur de me tracasser, comme si j’étais un enfant, par un orage qui
porte la foudre ? Je n’en persiste pas moins dans ma résolution d’écrire.
Ces bandelettes m’embêtent, et l’atmosphère de ma chambre respire le
sang...
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