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Méditations poétiques, 1820
Quoi ! le fils du néant a maudit l’existence !
Quoi ! tu peux m’accuser de mes propres bienfaits !
Tu peux fermer tes yeux à la magnificence
Des dons que je t’ai faits !
Tu n’étais pas encor, créature insensée,
Déjà de ton bonheur j’enfantais le dessein ;
Déjà, comme son fruit, l’éternelle pensée
Te portait dans son sein.
Oui, ton être futur vivait dans ma mémoire ;
Je préparais les temps selon ma volonté.
Enfin ce jour parut ; je dis : Nais pour ma gloire
Et ta félicité !
Tu naquis : ma tendresse, invisible et présente,
Ne livra pas mon œuvre aux chances du hasard ;
J’échauffai de tes sens la sève languissante,
Des feux de mon regard.
D’un lait mystérieux je remplis la mamelle ;
Tu t’enivras sans peine à ces sources d’amour.
J’affermis les ressorts, j’arrondis la prunelle
Où se peignit le jour.
Ton âme, quelque temps par les sens éclipsée,
Comme tes yeux au jour, s’ouvrit à la raison :
Tu pensas ; la parole acheva ta pensée,
Et j’y gravai mon nom.
En quel éclatant caractère
Ce grand nom s’offrit à tes yeux !
Tu vis ma bonté sur la terre,
Tu lus ma grandeur dans les cieux !
L’ordre était mon intelligence ;
La nature, ma providence ;
L’espace, mon immensité !
Et, de mon être ombre altérée,
Le temps te peignit ma durée,
Et le destin, ma volonté !
Tu m’adoras dans ma puissance,
Tu me bénis dans ton bonheur,
Et tu marchas en ma présence
Dans la simplicité du cœur ;
Mais aujourd’hui que l’infortune
A couvert d’une ombre importune
Ces vives clartés du réveil,
Ta voix m’interroge et me blâme,
Le nuage couvre ton âme,
Et tu ne crois plus au soleil.
« Non, tu n’es plus qu’un grand problème
Que le sort offre à la raison ;
Si ce monde était ton emblème,
Ce monde serait juste et bon. »
Arrête, orgueilleuse pensée ;
À la loi que je t’ai tracée
Tu prétends comparer ma loi ?
Connais leur différence auguste :
Tu n’as qu’un jour pour être juste,
J’ai l’éternité devant moi !
Quand les voiles de ma sagesse
À tes yeux seront abattus,
Ces maux, dont gémit ta faiblesse,
Seront transformés en vertus,
De ces obscurités cessantes
Tu verras sortir triomphantes
Ma justice et ta liberté ;
C’est la flamme qui purifie
Le creuset divin où la vie
Se change en immortalité !
Mais ton cœur endurci doute et murmure encore ;
Ce jour ne suffit pas à tes yeux révoltés,
Et dans la nuit des sens tu voudrais voir éclore
De l’éternelle aurore
Les célestes clartés !
Attends ; ce demi-jour, mêlé d’une ombre obscure,
Suffit pour te guider en ce terrestre lieu :
Regarde qui je suis, et marche sans murmure,
Comme fait la nature
Sur la foi de son Dieu.
La terre ne sait pas la loi qui la féconde ;
L’océan, refoulé sous mon bras tout-puissant,
Sait-il comment au gré du nocturne croissant
De sa prison profonde
La mer vomit son onde,
Et des bords qu’elle inonde
Recule en mugissant ?
Ce soleil éclatant, ombre de ma lumière,
Sait-il où le conduit le signe de ma main ?
S’est-il tracé soi-même un glorieux chemin ?
Au bout de sa carrière,
Quand j’éteins sa lumière,
Promet-il à la terre
Le soleil de demain ?
Cependant tout subsiste et marche en assurance.
Ma voix chaque matin réveille l’univers !
J’appelle le soleil du fond de ses déserts :
Franchissant la distance,
Il monte en ma présence,
Me répond, et s’élance
Sur le trône des airs !
Et toi, dont mon souffle est la vie ;
Toi, sur qui mes yeux sont ouverts,
Peux-tu craindre que je t’oublie,
Homme, roi de cet univers ?
Crois-tu que ma vertu sommeille ?
Non, mon regard immense veille
Sur tous les mondes à la fois !
La mer qui fuit à ma parole,
Ou la poussière qui s’envole,
Suivent et comprennent mes lois.
Marche au flambeau de l’espérance
Jusque dans l’ombre du trépas,
Assuré que ma providence
Ne tend point de piège à tes pas.
Chaque aurore la justifie,
L’univers entier s’y confie,
Et l’homme seul en a douté !
Mais ma vengeance paternelle
Confondra ce doute infidèle
Dans l’abîme de ma bonté.
Commentaire (s)
Déposé par Cochonfucius le 18 octobre 2016 à 11h29Pentacéphale
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Certains ont contesté, c’est vrai, son existence ;
Il conteste la leur, et voilà, c’est bien fait.
Or, lui s’épanouit dans sa magnificence,
Fier comme un receveur, beau comme un sous-préfet.
Sa sagesse est profonde et n’est pas insensée,
Il a de nobles buts et d’excellents desseins ;
Une fleur, qui ressemble à une humble pensée,
Tout au long de sa vie, le porte dans son sein.
Des chansons de jadis dansent dans sa mémoire ;
Il s’occupe toujours selon sa volonté,
Il vit modestement, ne cherchant point la gloire,
Mais seulement le goût de la félicité ! [Lien vers ce commentaire]
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