Tout aussitôt que je commence à prendre
Dans le mol lit le repos désiré,
Mon triste esprit hors de moi retiré
S’en va vers toi incontinent se rendre.
Lors m’est avis que dedans mon sein tendre
Je tiens le bien, où j’ai tant aspiré,
Et pour lequel j’ai si haut soupiré,
Que de sanglots ai souvent cuidé fendre.
Ô doux sommeil, ô nuit à moi heureuse !
Plaisant repos, plein de tranquillité,
Continuez toutes les nuits mon songe :
Et si jamais ma pauvre âme amoureuse
Ne doit avoir de bien en vérité,
Faites au moins qu’elle en ait en mensonge.
Ici vécut jadis la muse polyandre,
Elle qui toujours prit ce qu’elle a désiré :
Cette maison se dresse en un lieu retiré
Arborant de vieux murs peints d’une couleur tendre.
Qui pourrait aujourd’hui de l’absente s’éprendre ?
Qui pourrait pour ses yeux disparus soupirer ?
Un poète sans doute ainsi peut délirer,
C’est principalement ce qu’il sait entreprendre.
Je parle à des témoins de ces années heureuses,
Qui ne se lassent point de me les raconter,
Un parfum nostalgique à ces instants s’élève.
Muse, de qui es-tu maintenant l’amoureuse ?
Je sais bien qu’il en est selon ta volonté,
Libre dans l’existence ainsi que dans tes rêves.