La Fontaine

Fables choisies mises en vers [Livres VII-XI], 1678


Le Loup et le Chasseur


 
Fureur d’accumuler, monstre de qui les yeux
Regardent comme un point tous les bienfaits des Dieux,
Te combattrai-je en vain sans cesse en cet ouvrage ?
Quel temps demandes-tu pour suivre mes leçons ?
L’homme, sourd à ma voix comme à celle du sage,
Ne dira-t-il jamais : C’est assez, jouissons ?
Hâte-toi, mon ami ; tu n’as pas tant à vivre.
Je te rebats ce mot ; car il vaut tout un livre.
Jouis. Je le ferai. Mais quand donc ? Dès demain.
Eh mon ami, la mort te peut prendre en chemin.
Jouis dès aujourd’hui : redoute un sort semblable
À celui du Chasseur et du Loup de ma fable.
Le premier, de son arc, avait mis bas un Daim.
Un Faon de Biche passe, et le voilà soudain
Compagnon du défunt ; tous deux gisent sur l’herbe.
La proie était honnête ; un Daim avec un Faon,
Tout modeste Chasseur en eût été content :
Cependant un Sanglier, monstre énorme et superbe,
Tente encor notre Archer, friand de tels morceaux.
Autre habitant du Styx : la Parque et ses ciseaux
Avec peine y mordaient ; la Déesse infernale
Reprit à plusieurs fois l’heure au monstre fatale.
De la force du coup pourtant il s’abattit.
C’était assez de biens ; mais quoi, rien ne remplit
Les vastes appétits d’un faiseur de conquêtes.
Dans le temps que le Porc revient à soi, l’Archer
Voit le long d’un sillon une Perdrix marcher,
                Surcroît chétif aux autres têtes.
De son arc toutefois il bande les ressorts.
Le sanglier, rappelant les restes de sa vie,
Vient à lui, le découd, meurt vengé sur son corps ;
                Et la Perdrix le remercie.
Cette part du récit s’adresse au convoiteux :
L’avare aura pour lui le reste de l’exemple.
Un Loup vit, en passant, ce spectacle piteux.
Ô Fortune, dit-il, je te promets un temple.
Quatre corps étendus ! que de biens ! mais pourtant
Il faut les ménager, ces rencontres sont rares.
                (Ainsi s’excusent les avares.)
J’en aurai, dit le Loup, pour un mois, pour autant.
Un, deux, trois, quatre corps, ce sont quatre semaines,
                Si je sais compter, toutes pleines.
Commençons dans deux jours ; et mangeons cependant
La corde de cet arc ; il faut que l’on l’ait faite
De vrai boyau ; l’odeur me le témoigne assez.
                En disant ces mots, il se jette
Sur l’arc qui se détend, et fait de la sagette
Un nouveau mort : mon Loup a les boyaux percés.
Je reviens à mon texte. Il faut que l’on jouisse ;
Témoin ces deux gloutons punis d’un sort commun ;
                La convoitise perdit l’un ;
                L’autre périt par l’avarice.
 

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