Hugo

L’Année terrible, 1872


Les Forts


 
Ils sont les chiens de garde énormes de Paris.
Comme nous pouvons être à chaque instant surpris,
Comme une horde est là, comme l’embûche vile
Parfois rampe jusqu’à l’enceinte de la ville,
Ils sont dix-neuf épars sur les monts, qui, le soir,
Inquiets, menaçants, guettent l’espace noir,
Et, s’entravertissant dès que la nuit commence,
Tendent leur cou de bronze autour du mur immense.
Ils restent éveillés quand nous nous endormons,
Et font tousser la foudre en leurs rauques poumons.
Les collines parfois, brusquement étoilées,
Jettent dans la nuit sombre un éclair aux vallées ;
Le crépuscule lourd s’abat sur nous, masquant
Dans son silence un piège et dans sa paix un camp ;
Mais en vain l’ennemi serpente et nous enlace ;
Ils tiennent en respect toute une populace
De canons monstrueux, rôdant à l’horizon.
Paris bivouac, Paris tombeau, Paris prison,
Debout dans l’univers devenu solitude,
Fait sentinelle, et, pris enfin de lassitude,
S’assoupit ; tout se tait, hommes, femmes, enfants,
Les sanglots, les éclats de rire triomphants,
Les pas, les chars, le quai, le carrefour, la grève,
Les mille toits d’où sort le murmure du rêve,
L’espoir qui dit je crois, la faim qui dit je meurs ;
Tout fait silence ; ô foule ! indistinctes rumeurs !
Sommeil de tout un monde ! ô songes insondables !
On dort, on oublie... — Eux, ils sont là, formidables.
 
Tout à coup on se dresse en sursaut ; haletant,
Morne, on prête l’oreille, on se penche... — on entend
Comme le hurlement profond d’une montagne.
Toute la ville écoute et toute la campagne
Se réveille ; et voilà qu’au premier grondement
Répond un second cri, sourd, farouche, inclément,
Et dans l’obscurité d’autres fracas s’écroulent,
Et d’échos en échos cent voix terribles roulent.
Ce sont eux. C’est qu’au fond des espaces confus,
Ils ont vu se grouper de sinistres affûts,
C’est qu’ils ont des canons surpris la silhouette ;
C’est que, dans quelque bois d’oû s’enfuit la chouette,
Ils viennent d’entrevoir, là-bas, au bord d’un champ,
Le fourmillement noir des bataillons marchant ;
C’est que dans les halliers des yeux traîtres flamboient.
 
Comme c’est beau ces forts qui dans cette ombre aboient !
 

Commentaire (s)
Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Οrléаns : «Hivеr, vоus n’êtеs qu’un vilаin...»

Соuté : Lеs Соnsсrits

Hugо : Lа Légеndе dе lа Νоnnе

Drеlinсоurt : Sur l’Εnfеr

Τоulеt : «Се n’еst pаs drôlе dе mоurir...»

Αpоllinаirе : Lе Сhаt

Τоulеt : «Μоn âmе pаisiblе étаit pаrеillе аutrеfоis...»

Hugо : «Εllе étаit déсhаusséе, еllе étаit déсоifféе...»

Τоulеt : «Τоutе аllégrеssе а sоn défаut...»

Vаlérу : Сhаnsоn à pаrt

☆ ☆ ☆ ☆

Rimbаud : Lе Μаl

Gоudеаu : Lеs Fоus

Du Βеllау : «Εspérеz-vоus quе lа pоstérité...»

Évаnturеl : Sоuvеnir

Rоllinаt : Lе Сhаssеur еn sоutаnе

Dеrèmе : «Μоn еspérаnсе étаit tоmbéе...»

Ρоnсhоn : Rоndеl : «Αh ! lа prоmеnаdе ехquisе...»

Ρоnсhоn : Сhаnsоn : «Lе јоli vin dе mоn аmi...»

Μussеt : Соnsеils à unе Ρаrisiеnnе

Vаlérу : Сhаnsоn à pаrt

Cоmmеntaires récеnts

De аunrуz sur Rêvеriе (Lаrguiеr)

De Сосhоnfuсius sur «Εn un pеtit еsquif épеrdu, mаlhеurеuх...» (Αubigné)

De Сосhоnfuсius sur Un fеu distinсt... (Vаlérу)

De Сосhоnfuсius sur «Τоi qui trоublеs lа pаiх dеs nоnсhаlаntеs еаuх...» (Βеrnаrd)

De Сhristiаn sur Сrépusсulе dе dimаnсhе d’été (Lаfоrguе)

De Сurаrе- sur L’Ιndifférеnt (Sаmаin)

De Τhundеrbird sur Αgnus Dеi (Vеrlаinе)

De Сurаrе- sur À сеllеs qui plеurеnt (Dеsbоrdеs-Vаlmоrе)

De Сurаrе- sur Lа Ρаssаntе (Νеlligаn)

De Сhristiаn sur «Lе сhеmin qui mènе аuх étоilеs...» (Αpоllinаirе)

De Ιо Kаnааn sur Jоуаu mémоriаl (Sеgаlеn)

De Lilith sur «Се fut un Vеndrеdi quе ј’аpеrçus lеs Diеuх...» (Νuуsеmеnt)

De Сurаrе_ sur Lе Dоnјоn (Rоllinаt)

De Сhristiаn sur Lе Μusiсiеn dе Sаint-Μеrrу (Αpоllinаirе)

De Ιо Kаnааn sur «Αh trаîtrе Αmоur, dоnnе-mоi pаiх оu trêvе...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur Lе Dоrmеur du vаl (Rimbаud)

De Αlаin sur Lа Сhаpеllе аbаndоnnéе (Fоrt)

De Βеrgаud Α sur Lеs Gеnêts (Fаbié)

De Jаdis sur Lе Rоi dе Τhulé (Νеrvаl)

De Jаdis sur «Τоut n’еst plеin iсi-bаs quе dе vаinе аppаrеnсе...» (Vаlléе dеs Βаrrеаuх)

De Jеаn Luс ΡRΟFFΙΤ sur Ρrièrе dе соnfidеnсе (Ρéguу)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе