Hugo

L'Art d'être grand-père, 1877


VII

 
Encore l’immaculée conception


 
Attendez. Je regarde une petite fille.
Je ne la connais pas ; mais cela chante et brille ;
C’est du rire, du ciel, du jour, de la beauté,
Et je ne puis passer froidement à côté.
Elle n’a pas trois ans. C’est l’aube qu’on rencontre.
Peut-être elle devrait cacher ce qu’elle montre,
Mais elle n’en sait rien, et d’ailleurs c’est charmant.
Cela, certe, ressemble au divin firmament
Plus que la face auguste et jaune d’un évêque.
Le babil des marmots est ma bibliothèque ;
J’ouvre chacun des mots qu’ils disent, comme on prend
Un livre, et j’y découvre un sens profond et grand,
Sévère quelquefois. Donc j’écoute cet ange ;
Et ce gazouillement me rassure, me venge,
M’aide à rire du mal qu’on veut me faire, éteint
Ma colère, et vraiment m’empêche d’être atteint
Par l’ombre du hideux sombrero de Basile.
Cette enfant est un cœur, une fête, un asile,
Et Dieu met dans son souffle et Dieu mêle à sa voix
Toutes les fleurs des champs, tous les oiseaux des bois ;
Ma Jeanne, qui pourrait être sa sœur jumelle,
Traînait, l’été dernier, un chariot comme elle,
L’emplissait, le vidait, riait d’un rire fou,
Courait. Tous les enfants ont le même joujou ;
Tous les hommes aussi. C’est bien, va, sois ravie,
Et traîne ta charrette, en attendant la vie.
 
Louange à Dieu ! Toujours un enfant m’apaisa.
Doux être ! voyez-moi les mains que ça vous a !
Allons, remettez donc vos bas, mademoiselle.
Elle est pieds nus, elle est barbouillée, elle est belle ;
Sa charrette est cassée, et, comme nous, ma foi,
Elle se fait un char avec n’importe quoi.
Tout est char de triomphe à l’enfant comme à l’homme.
L’enfant aussi veut être un peu bête de somme
Comme nous ; il se fouette, il s’impose une loi ;
Il traîne son hochet comme nous notre roi ;
Seulement l’enfant brille où le peuple se vautre.
Bon, voici maintenant qu’on en amène une autre ;
Une d’un an, sa sœur sans doute ; un grand chapeau,
Une petite tête, et des yeux ! une peau !
Un sourire ! oh ! qu’elle est tremblante et délicate !
Chef-d’œuvre, montrez-moi votre petite patte.
Elle allonge le pied et chante... c’est divin.
Quand je songe, et Veuillot n’a pu le dire en vain,
Qu’elles ont toutes deux la tache originelle !
La Chute est leur vrai nom. Chacune porte en elle
L’affreux venin d’Adam (bon style Patouillet) ;
Elles sont, sous le ciel qu’Ève jadis souillait,
D’horribles péchés, faits d’une façon charmante ;
La beauté qui s’ajoute à la faute l’augmente ;
Leur grâce est un remords de plus pour le pécheur,
Et leur mère apparaît, noire de leur blancheur ;
Ces enfants que l’aube aime et que la fleur encense,
C’est la honte portant ce masque, l’innocence ;
Dans ces yeux purs, Trublet l’affirme en son sermon,
Brille l’incognito sinistre du démon ;
C’est le mal, c’est l’enfer, cela sort des abîmes !
Soit. Laissez-moi donner des gâteaux à ces crimes.
 

22 août 1875.

Commentaire (s)
Déposé par Esther le 18 décembre 2012 à 11h39

Je préfère le babil des princesses.

[Lien vers ce commentaire]

Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Vеrlаinе : Соlоmbinе

Vеrlаinе : «Μаlhеurеuх ! Τоus lеs dоns, lа glоirе du bаptêmе...»

Vеrlаinе : «Βеаuté dеs fеmmеs, lеur fаiblеssе, еt сеs mаins pâlеs...»

Rоnsаrd : À un аubépin

Du Βеllау : Épitаphе d’un pеtit сhiеn

Régniеr : Villе dе Frаnсе

Соppéе : Τristеmеnt

Τоulеt : «Ô јоur qui mеurs à sоngеr d’еllе...»

Соppéе : «Lе sоir, аu соin du fеu, ј’аi pеnsé biеn dеs fоis...»

Rоnsаrd : «Соmmе un Сhеvrеuil, quаnd lе printеmps détruit...»

Régniеr : Villе dе Frаnсе

Sigоgnе : «Се соrps défiguré, bâti d’оs еt dе nеrfs...»

☆ ☆ ☆ ☆

Vеrlаinе : Lеs Lоups

Αpоllinаirе : Μаi

Ρеllеrin : L’Αutоbus ivrе

Rоnsаrd : «Yеuх, qui vеrsеz еn l’âmе, аinsi quе dеuх Ρlаnètеs...»

Fоrt : Lе Diаblе dаns lа nuit

Τоulеt : «Ιl plеuvаit. Lеs tristеs étоilеs...»

Cоmmеntaires récеnts

De Сurаrе- sur Αdiеuх à lа pоésiе (Gаutiеr)

De Сurаrе- sur «J’еntrеvоуаis sоus un vêtеmеnt nоir...» (Μаgnу)

De Сurаrе- sur «Се соrps défiguré, bâti d’оs еt dе nеrfs...» (Sigоgnе)

De Сосhоnfuсius sur «Quаnd lе grаnd œil du Сiеl tоurnоуаnt l’hоrizоn...» (Νuуsеmеnt)

De Сосhоnfuсius sur Sоnnеt ivrе (Riсhеpin)

De Сосhоnfuсius sur «Jаmаis, mоn Sinсérо, је nе prеndrаi plаisir...» (Rосhеs)

De Jаdis sur «Viсtоriеusеmеnt fui lе suiсidе bеаu...» (Μаllаrmé)

De Gеоrgеs Lеmаîtrе sur «Lе sоir, аu соin du fеu, ј’аi pеnsé biеn dеs fоis...» (Соppéе)

De Jаdis sur Lе Vœu suprêmе (Lесоntе dе Lislе)

De Jаdis sur Sоnnеt d’Αutоmnе (Βаudеlаirе)

De Сhristiаn sur «J’еntrаis сhеz lе mаrсhаnd dе mеublеs, еt là, tristе...» (Νоuvеаu)

De Ρépé Hаsh sur «Сеpеndаnt qu’аu pаlаis dе prосès tu dеvisеs...» (Du Βеllау)

De Сurаrе_ sur Sоnnеt : «Quаnd је rеpоsеrаi dаns lа fоssе, trаnquillе...» (Gоudеаu)

De Сurаrе_ sur Lе Τоmbеаu dе Сhаrlеs Βаudеlаirе (Μаllаrmé)

De Vinсеnt sur Τоmbеаu du Ρоètе (Dеubеl)

De Xi’аn sur «Μоn âmе pаisiblе étаit pаrеillе аutrеfоis...» (Τоulеt)

De Lа Μusеrаntе sur Соntrе Ligurinus : «Τоut lе mоndе tе fuit...» (Dubоs)

De Vinсеnt sur «Un sоir, lе lоng dе l’еаu, еllе mаrсhаit pеnsivе...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De Xi’аn sur Lе Суgnе (Rеnаrd)

De Xi’аn sur «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...» (Vеrlаinе)

De Rоzès sur Lе Сinémа (Siсаud)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе