|
Les Feuilles d’automne, 1831
Toi, vertu, pleure si je meurs !
André Chénier
Amis, un dernier mot ! — et je ferme à jamais
Ce livre, à ma pensée étranger désormais.
Je n’écouterai pas ce qu’en dira la foule.
Car, qu’importe à la source où son onde s’écoule ?
Et que m’importe, à moi, sur l’avenir penché,
Où va ce vent d’automne au souffle desséché
Qui passe, en emportant sur son aile inquiète
Et les feuilles de l’arbre et les vers du poëte ?
Oui, je suis jeune encore, et quoique sur mon front,
Où tant de passions et d’œuvres germeront,
Une ride de plus chaque jour soit tracée,
Comme un sillon qu’y fait le soc de ma pensée,
Dans le cours incertain du temps qui m’est donné,
L’été n’a pas encor trente fois rayonné.
Je suis fils de ce siècle ! Une erreur, chaque année,
S’en va de mon esprit, d’elle-même étonnée,
Et, détrompé de tout, mon culte n’est resté
Qu’à vous, sainte patrie et sainte liberté !
Je hais l’oppression d’une haine profonde.
Aussi, lorsque j’entends, dans quelque coin du monde,
Sous un ciel inclément, sous un roi meurtrier,
Un peuple qu’on égorge appeler et crier ;
Quand, par les rois chrétiens aux bourreaux turcs livrée,
La Grèce, notre mère, agonise éventrée ;
Quand l’Irlande saignante expire sur sa croix ;
Quand Teutonie aux fers se débat sous dix rois ;
Quand Lisbonne, jadis belle et toujours en fête,
Pend au gibet, les pieds de Miguel sur sa tête ;
Lorsqu’Albani gouverne au pays de Caton ;
Que Naples mange et dort ; lorsqu’avec son bâton,
Sceptre honteux et lourd que la peur divinise,
L’Autriche casse l’aile au lion de Venise ;
Quand Modène étranglé râle sous l’archiduc ;
Quand Dresde lutte et pleure au lit d’un roi caduc ;
Quand Madrid se rendort d’un sommeil léthargique ;
Quand Vienne tient Milan ; quand le lion Belgique,
Courbé comme le bœuf qui creuse un vil sillon,
N’a plus même de dents pour mordre son bâillon ;
Quand un Cosaque affreux, que la rage transporte,
Viole Varsovie échevelée et morte,
Et, souillant son linceul, chaste et sacré lambeau,
Se vautre sur la vierge étendue au tombeau ;
Alors, oh ! je maudis, dans leur cour, dans leur antre,
Ces rois dont les chevaux ont du sang jusqu’au ventre !
Je sens que le poëte est leur juge ! je sens
Que la muse indignée, avec ses poings puissants,
Peut, comme au pilori, les lier sur leur trône
Et leur faire un carcan de leur lâche couronne,
Et renvoyer ces rois, qu’on aurait pu bénir,
Marqués au front d’un vers que lira l’avenir !
Oh ! la muse se doit aux peuples sans défense !
J’oublie alors l’amour, la famille, l’enfance,
Et les molles chansons, et le loisir serein,
Et j’ajoute à ma lyre une corde d’airain !
Novembre 1831.
Commentaire (s)
Déposé par Jadis le 21 juillet 2024 à 17h10
Un dernier mot, dit-il. Tu parles ! Plût au Ciel
Que ce pesant bavard s’en tînt à l’essentiel !
Mais non, c’est reparti, et le bougre s’obstine
À renchérir, pour mieux rallonger la tartine !
Le voilà qui s’épand sur Lisbonne et Milan,
Qui invoque l’Irlande et son sort désolant !
Il peint la Grèce en pleurs, et le destin tragique
De Dresde, de Modène, et du lion Belgique !
Je craignais, il est vrai, qu’il n’abordât le cas
Douloureux du Zambèze, ou du Tanganyika :
Non, sauvés. Mais un mot ! Un mot, pas quatre pages !
Nous savons que partout triomphe l’étripage ;
Épargne-nous, de grâce, Andorre et Saint-Marin,
Ou même Alexandrie et tes alexandrins. [Lien vers ce commentaire]
Votre commentaire :
|
Mon florilège
(Tоuriste)
(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)
Compte lecteur
Se connecter
Créer un compte
Agora
Évаluations récеntes☆ ☆ ☆ ☆ ☆Βаudеlаirе : Lе Gоût du Νéаnt
Jасоb : Lа Sаltimbаnquе еn wаgоn dе 3е сlаssе
Villаrd : «Quаnd lа lаmpе Саrсеl sur lа tаblе s’аllumе...»
Sсаrrоn : «À l’оmbrе d’un rосhеr, sur lе bоrd d’un ruissеаu...»
Сlаudеl : Βаllаdе
Fоurеst : Lеs Ρоissоns mélоmаnеs
Lеvеу : Jаpоn — Νаgаsаki
Сеndrаrs : Jоurnаl
Jасоb : Villоnеllе
Βаnvillе : Lа Βеllе Vérоniquе ☆ ☆ ☆ ☆Βаudеlаirе : Lе Gоût du Νéаnt
Vеrlаinе : «J’аi dit à l’еsprit vаin, à l’оstеntаtiоn...»
Jасоb : Fаblе sаns mоrаlité
Sсhwоb : Lе Viеuх dit :
Rаmuz : Lеs Quаtrе-Hеurеs
Τаstu : «Quе dе sеs blоnds аnnеаuх tоn bеаu frоnt sе dégаgе...»
Τhаlу : L’Îlе lоintаinе
Éсоuсhаrd-Lеbrun : «Μаîtrеssе, Αmis, fаisаiеnt mоn biеn suprêmе...»
Rеnаrd : Lе Суgnе
Νеlligаn : Lе Viоlоn brisé
Cоmmеntaires récеnts
De Сосhоnfuсius sur «Lе rоу s’еn еst аllé...» (Sсаrrоn) De Jаdis sur «Lе pеtit еmplоуé dе lа pоstе rеstаntе...» (Villаrd) De Сосhоnfuсius sur «Μоn âmе а sоn sесrеt, mа viе а sоn mуstèrе...» (Αrvеrs) De Jаdis sur Lе Gоût du Νéаnt (Βаudеlаirе) De Сосhоnfuсius sur «Lоrsquе lа brunе nuit сhаrgе sа rоbе nоirе...» (Gоulаrt) De Jаdis sur Sur lа mоrt dе sоn fils (Μаlhеrbе) De Xi’аn sur «Μоn âmе pаisiblе étаit pаrеillе аutrеfоis...» (Τоulеt) De Lа Μusеrаntе sur Соntrе Ligurinus : «Τоut lе mоndе tе fuit...» (Dubоs) De Vinсеnt sur «Un sоir, lе lоng dе l’еаu, еllе mаrсhаit pеnsivе...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе) De Xi’аn sur Lе Суgnе (Rеnаrd) De Сurаrе- sur «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...» (Vеrlаinе) De Ρоéliсiеr sur «Αmоurs јumеаuх, d’unе flаmmе јumеllе...» (Ρаssеrаt) De Βеn sur «Μаrgоt, еn vоus pеignаnt, је vоus pinсе sаns rirе...» (Sigоgnе) De Lеbrun sur «Jе rêvе, tаnt Ρаris m’еst pаrfоis un еnfеr...» (Соppéе) De Rоzès sur Lе Сinémа (Siсаud) De GΟUUΑUX sur «J’étаis à tоi pеut-êtrе аvаnt dе t’аvоir vu...» (Dеsbоrdеs-Vаlmоrе) De Rоzès sur Répétitiоn (Vаuсаirе) De Xi’аn sur Sоnnеt : «Νоn, quаnd biеn mêmе unе аmèrе sоuffrаnсе...» (Μussеt) De Rоzès sur Εsсlаvаgе (Τhаlу) De Сurаrе- sur Lе Lаit dеs сhаts (Guérin) De Ιо Kаnааn sur Сrоquis (Сrоs)
Flux RSS...
Ce site
Présеntаtion
Acсuеil
À prоpos
Cоntact
Signaler une errеur
Un pеtit mоt ?
Sоutien
Fаirе un dоn
Librairiе pоétique en lignе
|