Ce soir, mon Dieu, je viens pleurer, je viens prier
Et rompre sur ta croix les reins d’un ouvrier
Dont le labeur stérile a négligé ta gloire.
La nuit du monde autour de ton église est noire ;
Je viens puiser de l’huile à tes feux éternels,
Loin de la joie humaine et des hommes charnels.
Mon Dieu, je viens jeter à tes pieds cette vie,
Dont chaque jour un clou haineux te crucifie.
Je suis le plus méchant des mauvais serviteurs.
Ô Jésus, qui prêchais la sagesse aux docteurs,
J’ai détourné le sens divin des paraboles ;
J’ai, d’un grain vil, semé le champ de tes paroles.
Malheur à moi, car dans les vers que j’ai chantés
La prière se mêle aux cris des voluptés.
J’ai baisé tes pieds nus comme une chair de femme
Et posé sur ton cœur ouvert un cœur infâme.
L’iniquité fut ma maîtresse. Et me voilà.
Tes yeux que le Péché de l’univers scella
Me brûlent de leurs pleurs de sang. Quoique Tu l’aies
Senti mettre ses mains cruelles dans tes plaies,
Ô Seigneur, prends enfin en pitié ton enfant.
Son cœur comme un vitrail qu’on étoile se fend.
Sois-lui clément, permets le retour du prodigue ;
Rends l’eau du ciel à la citerne, et que ta figue
Encor pèse aux rameaux du figuier desséché.
Ah ! ne le laisse pas mourir dans son péché,
Cet errant qui s’enlace à ta croix et qui pleure,
Las d’avoir tant cherché l’amour qui seul demeure.