Fernand Gregh

(1873-1960)

D’autrеs pоèmеs :

Ιl plеut

Τristеssе

 

 

Fernand Gregh

Les Clartés humaines


Un soir


 
Nous sommes là, ce soir, paisibles sous la lampe.
Mon père lit, sa main pâle contre sa tempe ;
Mon frère est accoudé, les yeux ailleurs, auprès
De ma mère qui brode avec des doigts distraits
Où luit le reflet lent du foyer sur ses bagues ;
Parfois le chien, perdu dans ses beaux songes vagues,
Étire de paresse et d’aise son flanc creux ;
Et je rêve, parmi le grand silence, heureux.
Nous sommes là, ce soir d’hiver, humble famille,
Écoutant à l’horloge indécise qui brille
Dans l’ombre, palpiter les instants fugitifs,
Groupés devant le feu, comme des primitifs.
Nous sommes là. Comment ? du fond de quel mystère
Nous trouvons-nous, ce soir, assemblés sur la terre?
Quel hasard, quels milliers de hasards nous ont joints,
À cette heure, en ce lieu du monde, aux mêmes points
De l’innombrable temps et de l’immense espace,
Dans l’éternel torrent des atomes qui passe ?...
Le soir est doux, ce soir, à tomber à genoux.
Dois-je en remercier un Dieu bon, qui sur nous
Veille avec un amour paternellement tendre,
Qui peut de quelque part nous voir et nous entendre,
Et qui nous a conduits lentement, pas à pas,
Et comme par la main ici ?... Je ne sais pas.
Ou bien est-ce un destin aveugle, sans tendresse,
Indifférent, méchant peut-être, qui nous presse,
Tandis que l’hiver souffle au dehors dans le noir,
Sous le doux cercle étroit de la lampe, ce soir,
Frileusement blottis les uns contre les autres,
Avec ces gestes et ces traits qui sont les nôtres,
Petits êtres d’un peu de chair, créés un jour
Par d’insensibles Lois, sans dessein, sans amour,
Qui nous roulent au gré de leur tumulte énorme,
Fragiles corps pétris dans la matière informe,
Et voués, après maint désir et maint effort,
À s’y restituer lorsque viendra la mort,
Bientôt hélas ! bientôt peut-être, tous les quatre ?...
Je ne sais pas. Je sens indéfiniment battre,
Comme un sang chaud que précipite un vaste émoi,
Je sens battre et passer dans les autres, en moi,
Une force de vie ardente et continue ;
Je me sens dans le cœur d’une Chose inconnue...
Je suis heureux. J’ignore où je serai demain.
Je suis heureux. Je suis comme un brin d’herbe humain
Qui frémit dans le fond des bois, loin de la route,
Et qui, serré parmi d’autres brins d’herbe, écoute
Le vent mystérieux couler sur lui sans fin :
Et c’est très doux, et très profond, et très divin.
— Qui que tu sois, ô toi que le monde recèle,
Force étrange qui meus la vie universelle,
Dieu de jadis, Dieu juste et tendre infiniment,
Ou Nature cruelle, et distraite un moment,
Rien ne peut faire, ô Force invisible du monde,
Que tu ne me sois bonne au moins cette seconde,
Et pour ce seul instant, Dieu, Nature, Infinis,
Bons ou mauvais, je vous rends grâce et vous bénis !
 

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Photo d'après : Hans Stieglitz