André Gill

La Muse à Bibi, 1880


Nocturne


 
Bon sens d’bon Dieu ! fait-i’ un vent !
J’fais pas quat’ pas l’un l’aut’e d’vant.
 
J’arriv’rai jamai’ à Montrouge.
Qué sal’ vent ! C’est pas c’ que j’ai bu :
J’ai rien bu ; ça m’est défendu ;
J’ peux boir’ qu’avec Alphonse l’ Rouge.
 
Zinguer tout seul, c’est pas mon blo’
Qui ça ? Joseph el’ machinisse,
Un homme d’ théât’, un artisse,
Boir’ tout seul ? – Oh ! la la. – Tableau !
 
Tiens ! Piges-tu la lun’ qui s’ ballade ?
Qué qu’a boit donc, c’te bourriqu’-là
Pour avoir la gueul’ blanch’ comme ça ?
Y a pas d’ bon sens ; vrai, qué panade !
 
Si j’y payais un lit’ ! – Tableau !...
Un peu plus longue, un peu moins ca’me,
On dirait la gueule à ma femme ;
C’est tout craché... sauf el’ bandeau
 
Qu’a s’ coll’ chaqu’ fois su’ l’ coin d’ la hure
Après qu’ nous nous somm’s expliqués.
C’est pas qu’ j’aim’ y taper dans l’ nez ;
J’haï ça ; c’est cont’ ma nature.
 
Mais pourquoi qu’a m’ fait des ch’veux gris ?
Faudrait qu’ j’y fout’ l’argent d’ mes s’maines.
J’ai beau y coller des châtai’nes,
A r’pique au tas tous les sam’dis.
 
Qu’a pleur’, qu’a rigol’, c’est tout comme ;
Sûr ! j’y foutrai pas un radis.
« T’as qu’à turbiner, comm’ j’y dis,
« J’travaill’ ben, moi qui suis un homme ! »
 
« J’ trouv’ pas d’ouvrag’ » qu’all’ me répond.
Et puis tous les ans c’est un gosse ;
Qué pondeuse ! En v’là d’un négoce,
C’est épatant ! A pond ! a pond !
 
J’en ai mon sac, moi, d’ mon épouse ;
Mince d’ crampon ; j’y trouv’ des ch’veux,
C’est rien de l’ dire. C’ que j’ me fais vieux !
Par là-d’sus madame est jalouse !
 
              Il chante :
 
« Je n’ai gardé dans mon malheur
« Que la moitié d’une hirondelle... »
En v’là n’encor’ d’un’ ritournelle :
Delphin’ jalous’ ! – Tais-toi, mon cœur !...
 
Trois heur’s qui sonn’nt ! Faut que j’ rapplique
S’rait pas trop tôt que j’ pionce un brin ;
C’ que j’ vas m’ fout’ un coup d’ traversin !
Bonsoir. À d’main la politique.
 
Où donc que j’ suis ? Par où que j’ vas ?
Tableau du coup qu’ Joseph s’égare !...
V’là l’ Pont-Neuf, j’ parie un cigare ;
C’est que l’ Pont-Neuf, j’arriv’rai pas !
 
Chauffons l’ train ! hue la grand’ vitesse !...
.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 
Tiens ! quoi donc que j’ dégott’ dans l’noir,
Qu’est à g’noux, là-bas su’ l’ trottoir ?
Eh ! ben, là-bas, eh ! la gonzesse,
 
On grimp’ pas su’ les parapets !
Attends ! attends ! j’y vas... Cré garce !
Pigé, j’ te tiens ! Dit’s donc, c’est farce
Tout d’ même ; en v’là des moulinets !
 
Vous comprenez la rigolade,
Vous, la p’tit’ mèr’ ; vrai, qué potin !
C’est donc marioll’, c’est donc rupin
De s’ plaquer dans la limonade ?
 
Pourquoi ? Peut-êt’ pour un salaud ;
Pour un prop’ à rien, pour un’ pant’e ?
Malheur !... Tiens, vous prenez du vent’e.
Ah ! bon, chaleur ! J’ comprends l’ tableau !
 
On s’a fait arrondir el’ globe,
On a sa p’tit’ butte, à c’ que j’vois...
Eh ! ben, ça prouv’ qu’on n’est pas d’ bois ;
A m’ va; c’te môm’-là ; tiens ! j’ te gobe.
 
Faut y donner l’ jour, à c’ gamin ;
Maint’nant qu’y est, faut pas l’ défaire ;
J’ l’adop’ d’abord ; j’ y sers de père ;
Vrai ! j’ l’adop’ jusqu’à d’main matin.
 
Allons, ho ! fais-moi voir ta pomme ;
Rapplique un peu sous l’ bec ed’ gaz.
J’ te gob’ ; faut profiter de l’occas’.
Ya pas d’erreur, va ; j’ suis un homme,
 
Un chouett’, un zig, un rigolo.
Fait donc voir ça ; bon ! v’là qu’a pleure...
Tu f’rais pas tant l’étroite à c’t’heure
Si j’aurais laissé t’ fout’ dans l’eau.
 
.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 
Allons ! bon, c’est ma femm’ ! – Tableau !
 

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