Nicolas Gilbert


Mon apologie


 

              PSAPHON
 
C’est ce monstre !
 
 
              GILBERT
 
                                  Qu’entends-je !
 
 
              PSAPHON
 
                                                                  Oui, son œil le décèle ;
C’est lui-même : sans doute il médite un libelle.
 
 
              GILBERT
 
C’est un mauvais auteur ; hâtons-nous de sortir.
 
 
              PSAPHON
 
Jeune homme ! écoutez moi ; je veux vous convertir.
 
 
              GILBERT
 
S’il faut vous écouter, j’aime encor mieux vous lire.
Vous me calomniez, et blâmez la satire ?
Vous êtes philosophe.
 
 
              PSAPHON
 
                                              Oui, j’en fais vanité,
Et mes écrits moraux prouvent ma probité.
Fameux par ses talents que la Russie honore,
Psaphon, par ses vertus, est plus célèbre encore ;
Mais vous dont l’insolence, en des vers imposteurs,
De cet âge innocent osa noircir les mœurs,
Et qui des vrais talents déchirant la couronne,
Offensez des auteurs qui n’offensent personne ;
De la religion soldat déshonoré,
Vous qui croyez en Dieu dans un siècle éclairé,
Gilbert, de votre cœur savez-vous ce qu’on pense ?
Hypocrite, jaloux, cuirassé d’impudence,
Vous ne l’ignorez pas, votre méchanceté
Donna seule à vos vers quelque célébrité,
Et l’oubli cacherait votre muse hardie,
Si vous n’aviez médit de l’encyclopédie.
Encor si démasquant les prêtres, les dévots,
Vous diffamiez leur Dieu par d’utiles bons mots ;
Peut-être on vous pourrait pardonner la satire :
Lorsqu’on médit de Dieu, sans crime on peut médire.
Mais toujours critiquer en vers pieux et froids,
Sans daigner seulement endoctriner les rois,
Sans qu’une fois au moins votre muse en extase
Du mot de tolérance attendrisse une phrase ;
Blasphémer la vertu des sages de Paris ;
De la chute des mœurs accuser leurs écrits ;
Tant de fiel corrompt-il un cœur si jeune encore !
Infortuné censeur, qu’un peu d’esprit décore,
Que vous a donc produit votre goût si tranchant ?
Vous payez cher l’honneur de passer pour méchant.
A-t-on vu votre muse, à la cour présentée,
Pour décrier les rois, du roi même rentée ?
Peut-on citer un duc qui soit de vos amis ?
Parmi vos protecteurs comptez-vous un commis ?
Vend-t-on votre portrait ? Quel corps académique
Vous a pensionné d’un prix périodique ?
Des quarante immortels journaliste adoptif,
Êtes vous du fauteuil héritier présomptif ?
Aux cris religieux d’un parterre idolâtre,
En face de vous-même, au milieu du théâtre,
Jamais en effigie assis sur un autel,
Vous a-t-on couronné d’un laurier solennel ?
Quelle bourgeoise enfin, quelle actrice discrète
Plaignant la nudité de votre humble retraite,
De ses dons clandestins meubla votre Apollon,
Et vint avec respect visiter votre nom ?
Tout le monde vous fuit ; votre ami dans la rue
N’osant vous reconnaître, à peine vous salue.
Jamais à vous chanter un poète empressé,
De petits vers flatteurs ne vous a caressé,
Et jamais, comme nous, en bonne compagnie,
On ne voit chez les grands souper votre génie.
Dans nos doctes cafés par hasard entrez-vous ?
L’un vous montre du doigt, l’autre fort en courroux ;
Le voilà, dit l’auteur, et l’auteur lui réplique :
Gardez-vous de cet homme ; il mord ; c’est un critique.
Mais de tant de mépris méchamment consolé,
Vous sifflez l’univers dont vous êtes sifflé :
Croyez-moi, laissez-nous vivre et penser tranquilles ;
Sur d’utiles sujets rimez des vers utiles ;
Chantez les douze mois, prêchez sur les saisons ;
Égayez la morale en opéras bouffons ;
Élevez désormais vos talents jusqu’aux drames,
Et sur l’agriculture attendrissez nos dames.
Votre jeune Apollon qui n’a point réussi,
Dans la satire encor ne peut être endurci ;
Un jour vous pleurerez d’avoir trop osé rire :
Cessez de critiquer...
 
 
              GILBERT
 
                                            Eh ! Cessez donc d’écrire.
Tant qu’une légion de pédants novateurs
Imprimera l’ennui, pour le vendre aux lecteurs,
Et par in-octavo publiera l’athéisme ;
Fanatiques criant contre le fanatisme ;
Dussent tous les commis, à vos muses si chers,
De leur protection déshériter mes vers ;
Quand même des catins la colère unanime,
Sans pitié m’ôterait l’honneur de leur estime,
Et qu’enfin mon courage aurait plus de censeurs,
Que les sages du temps n’ont de sots défenseurs ;
Appelez-moi jaloux, froid rimeur, hypocrite ;
Donnez-moi tous les noms qu’un sophiste mérite ;
Je veux, de vos pareils ennemi sans retour,
Fouetter d’un vers sanglant ces grands hommes d’un jour.
Philosophe, excusez ma candeur insolente ;
Je crois, plus je vous lis, la satire innocente.
Quoiqu’on blâme le vice, on peut avoir des mœurs,
Et l’on n’est point méchant, pour berner des auteurs.
Auriez-vous seuls le droit de critiquer sans crime ?
Vous vantez l’écrivain dont l’audace anonyme
Interrogeant les rois, sur leur trône insultés,
Leur dit obscurément de lâches vérités ;
Et vous osez noircir celui dont la franchise
Fait aux pédants du siècle une guerre permise ;
Qui d’un style d’airain flétrit ces corrupteurs
Et signe hardiment ses vers accusateurs ?
Eh ! Quel autre intérêt peut dicter ses censures,
Qu’un généreux désir de voir les mœurs plus pures
Refleurir sur nos bords, de vertus dépeuplés,
Et nos froids écrivains, au bon goût rappelés,
Orner d’un style heureux une saine morale,
De leurs partis rivaux étouffer le scandale,
Et l’un de l’autre amis, noblement s’occuper
De mériter la gloire et non de l’usurper ?
Parlez ; au bien public s’immolant par malice,
Vengerait-il le goût, proscrirait-il le vice
Pour l’étrange plaisir de perdre son repos ;
D’être gratifié de la haine des sots,
Doté sur vos journaux d’une rente d’injures,
Ou clandestinement diffamé par brochures.
Non, s’il fait dans ses vers parler la vérité ;
C’est qu’au fond de son cœur sa franche probité
Ne fait point retenir la haine vertueuse
Que porte au vice heureux l’équité courageuse
Et cette impatience et ce loyal mépris
Que tout mauvais auteur inspire aux bons esprits.
À la satire enfin quel poète fidèle,
Vengeur de la vertu, n’en fut pas le modèle ?
Perse qui vécut chaste en mérita le nom.
Là reposent Condé, Colbert et Lamoignon
Et toute cette cour de héros ou de sages
Que Boileau, pour amis, obtint par ses ouvrages :
Interrogez leur cendre ; et du fond des tombeaux,
Leur cendre véridique honorant Dépreaux,
Justifiera son art que vous osez proscrire,
Et ses mœurs, de son siècle éternelle satire.
Disciple, jeune encor, de ces maîtres fameux,
Sans gloire, et cependant calomnié comme eux,
Je pourrais au mensonge opposer pour défense
L’estime de Crillon, ma vie et le silence ;
Mais je veux vous confondre, et voici mes forfaits.
Ma muse, je l’avoue, amante des hauts faits,
Pour rappeler mon siècle au culte de la gloire,
De sa honte effrontée osa tracer l’histoire.
Ô douleur, ai-je dit, ô siècle malheureux !
D’une morale impie ô règne désastreux !
Le crime est sans pudeur ; l’équité, sans courage ;
Et c’est de la vertu qu’on rougit dans notre âge.
Visitons nos cités : hélas ! Que voyons-nous,
Qui de l’homme de bien n’allume le courroux !
L’athéisme, en déserts convertissant nos temples ;
Des forfaits dont l’histoire ignorait les exemples ;
De célèbres procès où vaincus et vainqueurs
Prouvent également la honte de leurs mœurs ;
Tous les rangs confondus et disputant de vices ;
Le silence des lois, du scandale complices.
Peindrai-je ces Waux-Hals, dans Paris protégés,
Ces marchés de débauche, en spectacle érigés,
Où des beautés du jour la nation galante,
Des sottises des grands à l’envi rayonnante,
Promenant ses appas, par la vogue enchéris,
Vient, en corps, afficher des crimes à tout prix ;
Où parmi nos sultans la mère court répandre
Sa fille vierge encor, qu’elle instruit à se vendre ;
Jeune espoir des plaisirs d’un riche suborneur,
Qui cultive à grands frais son futur déshonneur.
Mais partout affligée et partout méconnue,
La pudeur ne sait plus où reposer sa vue ;
Et l’opprobre et le vice et leur prospérité
Blessent de toutes parts sa chaste pauvreté :
La fille d’un valet, qu’entraîna dans le crime
Le spectacle public des respects qu’il imprime,
Par un grand dérobée aux soupirs des laquais,
Longtemps obscurs fermiers de ses obscurs attraits,
Possède ces hôtels dont la pompe arrogante
Reproche à la vertu sa retraite indigente :
Bientôt de sa beauté, fameuse dans Paris,
Vous verrez la fortune échappée au mépris,
Au sein de Paris même, encor plein de sa honte,
Épouser les aïeux d’un marquis ou d’un comte,
Armorier son char de glaives, de drapeaux
Et se masquer d’un nom porté par des héros ;
Et n’imaginez pas que sa richesse immense
Ait de son fol amant dévoré l’opulence ;
Qu’il soit, pour expier sa prodigalité,
Réduit à devenir dévot par pauvreté.
L’État volé paya ses amours printanières ;
L’État, jusqu’à sa mort, paiera ses adultères.
Tous les jours dans Paris, en habit du matin,
Monsieur promène à pied son ennui libertin.
Sous ce modeste habit déguisant sa naissance,
Penthièvre quelquefois visite l’indigence,
Et de trésors pieux dépouillant son palais,
Porte à la veuve en pleurs de pudiques bienfaits.
Mais ce voluptueux, à ses vices fidèle,
Cherche pour chaque jour une amante nouvelle.
La fille d’un bourgeois a frappé sa grandeur ;
Il jette le mouchoir à sa jeune pudeur :
Volés, et que cet or, de mes feux interprète,
Coure avec ces bijoux marchander sa défaite ;
Qu’on la séduise. Il dit : ses eunuques discrets,
Philosophes abbés, philosophes valets,
Intriguent, sèment l’or, trompent les yeux d’un père ;
Elle cède ; on l’enlève : en vain gémit sa mère ;
Échue à l’opéra par un rapt solennel,
Sa honte la dérobe au pouvoir paternel.
Cependant une vierge, aussi sage que belle,
Un jour à ce sultan se montra plus rebelle.
Tout l’art des corrupteurs, auprès d’elle assidus,
Avait, pour le servir, fait des crimes perdus.
Pour son plaisir d’un soir, que tout Paris périsse !
Voilà que dans la nuit, de ses fureurs complice,
Tandis que la beauté, victime de son choix,
Goûte un chaste sommeil sous la garde des lois,
Il arme d’un flambeau ses mains incendiaires ;
Il court, il livre au feu les toits héréditaires
Qui la voyaient braver son amour oppresseur,
Et l’emporte, mourante, en son char ravisseur :
Obscur, on l’eut flétri d’une mort légitime ;
Il est puissant ; les lois ont ignoré son crime.
Mais de quels attentats, nés d’infâmes amours,
N’avons-nous pas souillé l’histoire de nos jours ?
Quel siècle doit rougir de plus de parricides ?
Plus d’empoisonnements, de fameux homicides
Ont-ils jamais lassé le glaive des bourreaux ?
Dans toutes nos cités j’entends les tribunaux
Sans cesse retentir de rapts et d’adultères ;
Je ne vois plus qu’époux rendus célibataires ;
Le suicide enfin, raisonnant ses fureurs,
Atteste par le sang le désordre des mœurs.
Tels furent mes discours ; mais lorsque mon courage
A de ces vérités importuné notre âge ;
Je n’étais que l’écho des hommes vertueux ;
Si j’ai blâmé nos mœurs, j’en ai parlé comme eux ;
Et démenti par vous, leur voix me justifie.
Mais plus d’un grand se plaint que divulguant sa vie,
L’audace de mon vers, des lecteurs retenu,
A flétri ses amours d’un portrait reconnu :
De quel droit se plaint-il ? Ce tableau trop fidèle,
L’ai-je déshonoré du nom de son modèle ?
Quand des traits différents, recueillis au hasard,
Pour corriger les mœurs, je compose avec art
Un portrait fabuleux et pourtant véritable ;
Si du public devin la malice équitable
S’écrie : ah ! C’est un tel, ce marquis diffamé ;
Qu’il s’en accuse seul ; ses vices l’ont nommé.
Suis-je donc si méchant, si coupable ?
 
 
              PSAPHON
 
                                                                        Oui, vous l’êtes,
Non par ce que vos vers, du public interprètes,
Noircissent quelques grands que nous n’estimons pas :
Immolez au mépris ces nobles scélérats.
Moi-même, ami des grands, parfois je les déprime ;
Vous nommez les auteurs, et c’est là votre crime.
 
 
              GILBERT
 
Ah ! Si d’un doux encens je les eusse fêtés ;
Vous me pardonneriez de les avoir cités.
Quoi donc ! Un écrivain veut que son nom partage
Le tribut de louange offert à son ouvrage
Et m’impute à forfait, s’il blesse la raison,
De la venger, d’un vers égayé de son nom ?
Comptable de l’ennui dont sa muse m’assomme,
Pourquoi s’est-il nommé, s’il ne veut qu’on le nomme ?
Je prétends soulever les lecteurs détrompés,
Contre un auteur bouffi de succès usurpés ;
Sous une périphrase étouffant ma franchise,
Au lieu de D’Alembert, faut-il donc que je dise ?
C’est ce joli pédant, géomètre orateur,
De l’encyclopédie Ange conservateur,
Dans l’histoire, chargé d’inhumer ses confrères ;
Grand homme, car il fait leurs extraits mortuaires.
Si j’évoque jamais du fond de son journal
Des sophistes du temps l’adulateur banal ;
Lorsque son nom suffit, pour exciter le rire,
Dois-je, au lieu de La Harpe, obscurément écrire :
C’est ce petit rimeur, de tant de prix enflé,
Qui sifflé pour ses vers, pour sa prose sifflé,
Tout meurtri des faux pas de sa muse tragique,
Tomba de chute en chute au trône académique.
Ces détours sont d’un lâche et malin détracteur :
Je ne veux point offrir d’énigmes au lecteur.
Sitôt que l’auteur signe un écrit qu’il proclame,
Son nom doit partager et l’éloge et le blâme.
C’est un garant public du plaisir qu’il me vend :
S’il fut dans mes bons mots cité pour mon argent,
Mon crime fut celui de l’orgueil qui l’enivre ;
Lui seul a dû rougir d’avouer un sot livre.
Mais qui sont ces auteurs dont les noms offensés
Se virent par ma plume au sifflet dénoncés ?
 
 
              PSAPHON
 
Qui sont-ils ! Des savants, renommés par leurs grâces ;
Des poètes loués dans toutes les préfaces ;
Des hommages du nord dans Paris assiégés ;
Craints peut-être à la cour et pourtant protégés ;
Que la Sorbonne vante et même excommunie,
Et dont les pensions attestent le génie ;
Qui recherchés des grands, des belles désirés,
Quoiqu’ils soient lus enfin, sont encore admirés.
 
 
              GILBERT
 
Et ce sont ces honneurs qui portent ma colère
À revêtir leurs noms d’un opprobre exemplaire.
Un critique jaloux de plaire aux bons esprits
Toujours du bien public occupe ses écrits :
Eh ! Quelle utilité peut suivre la satire
Lâchement dégradée et perdue à médire
D’un troupeau d’écrivains, au mépris condamnés,
Morts avant que de naître, ou qui ne sont pas nés ?
Dois-je exhumer saint Ange et mettre au jour Murville ?
Dois-je ordonner le deuil de Gudin, de Fréville ?
Des cendres de Gaillard dois-je troubler la paix ?
Leurs écrits publiés ne parurent jamais :
Quel mal ont-ils produit ? D’une affreuse morale
Leur plume a-t-elle fait prospérer le scandale ?
Prêché par eux, le vice eût perdu ses appas :
Corrompent-ils le goût des lecteurs qu’ils n’ont pas ?
Mais ceux qu’au moins décore un masque de génie,
Qui d’ailleurs par l’intrigue, avec art réunie
À l’obscène licence, au blasphème orgueilleux,
Soutiennent leur crédit sur des succès honteux ;
Dont le nom parvenu sollicite à les lire,
Et donne à leur morale un dangereux empire,
Voilà les écrivains que le goût et les mœurs
Ordonnent d’étouffer sous les sifflets vengeurs.
 
 
              PSAPHON
 
Eh ! Que pourraient vos cris contre leur vaste gloire !
Soixante ans de succès défendent leur mémoire.
On se rit, croyez moi, d’un jeune audacieux
Qui du Pinde français pense avilir les dieux.
 
 
              GILBERT
 
On juge, croyez-moi, les vers et non point l’âge.
Si je suis jeune enfin, j’en ai plus de courage :
Qu’ils tremblent ces faux dieux dans leur temple insolent ;
Je l’ai juré, je veux vieillir en les sifflant.
D’ennuyer nos neveux vainement ils se flattent :
Si soixante ans de gloire en leur faveur combattent ;
Je suis, contre leur gloire, armé de leurs écrits ;
Je ne m’aveugle point ; d’un sot orgueil épris,
Mon crédule Apollon sur son faible génie,
N’a point fondé l’espoir de leur ignominie ;
Mais sur l’autorité de ces morts immortels,
Des peuples différents flambeaux universels ;
Grands hommes éprouvés, dont les vivants ouvrages
Sont autant de censeurs des livres de nos sages ;
Qui parlant par mes vers, du goût humbles soutiens,
Couvrent de leurs talents l’impuissance des miens ;
Aux regards du public que ma voix désabuse
De leur antiquité semblent vieillir ma muse,
Et devant mes écrits, de leur nom appuyés,
Font taire soixante ans de succès mendiés.
Peut-être ma jeunesse, objet de vos injures,
Donne encor plus de poids à mes justes censures :
On connaît ces vieillards, sur le Pinde honorés,
Politiques adroits, charlatans illustrés,
Ceux-ci, pour assurer leur gloire viagère,
Dévouant au faux goût leur Apollon vulgaire,
De la philosophie arborent les drapeaux :
Ceux-là, pour ménager leur illustre repos,
Flattant tous les partis de caresses égales,
Ont juré de mentir aux deux ligues rivales,
Et tous par intérêt taisant la vérité,
Vendent le bien public à leur célébrité.
Le jeune homme, ignoré des partis qu’il ignore,
De leurs préventions n’est point esclave encore.
Rempli des morts fameux, ses premiers précepteurs,
C’est par leurs yeux qu’il voit, qu’il juge les auteurs ;
Son goût est aussi vrai, que sa franchise est pure ;
Comme il sort de ses mains, il sent mieux la nature ;
Son libre jugement est désintéressé
Et son vers dit toujours tout ce qu’il a pensé.
De votre honte enfin, vos cris viennent m’instruire.
Pourquoi vous plaignez-vous, si je n’ai pu vous nuire ?
 
 
              PSAPHON
 
C’est toi seul que je plains, intraitable rimeur ;
Ta mère te conçut dans un accès d’humeur ;
Depuis cherchant à nuire et nuisant à toi-même,
Tu devins satirique et méchant par système.
 
 
              GILBERT
 
Ne me prêchez donc plus.
 
 
              PSAPHON
 
                                                  Hélas ! L’humanité
Mon frère, à vous prêcher excite ma bonté :
Voyez dans l’avenir quels regrets vous dévorent ;
Vous n’aurez point d’amis.
 
 
              GILBERT
 
                                                      Les ennemis honorent.
 
 
              PSAPHON
 
Point de prôneurs.
 
 
              GILBERT
 
                                      J’aurai mes écrits pour prôneurs.
 
              PSAPHON
 
 
Quels seront vos appuis ?
 
 
              GILBERT
 
                                                  Tous les amis des mœurs,
Tous ceux qui du faux goût ont rejeté l’empire,
Un roi qu’on peut louer, même dans la satire.
 
 
              PSAPHON
 
Qu’importe ! Aux pensions nous serons seuls admis ;
Ayez pour vous le roi, nous aurons les commis.
 
 
              GILBERT
 
Sous un roi qui voit tout ils suivent la justice.
Mais soit : n’écrivez plus, et qu’on vous enrichisse :
Vous aimez la fortune, et moi, la vérité :
Trop heureuse à mes yeux la douce pauvreté
D’un poète anobli de mœurs et de courage,
Qui peut dire : jamais de mon avare hommage
Je n’ai flatté le vice, en mes vers combattu ;
J’ai perdu ma fortune à venger la vertu.
Si je vois mes travaux payés d’un peu d’estime,
Ce peu de gloire au moins est noble et légitime ;
Tous mes écrits, enfants d’une chaste candeur,
N’ont jamais fait rougir le front de la pudeur ;
Ils plaisent sans blasphème et vivent sans cabales ;
Mes modestes succès ne sont point des scandales ;
Ma muse est vierge encore, et mon nom respecté,
Sans tache, ira peut-être à la postérité.
 

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