Jean Froissart


Chanson royale sotte amoureuse

Couronnée à Lille


Amours, par qui les lourdes et les lourds
Sont bien rataints de lourdement aimer,
M’ont pourveü depuis un terme court
De dame aimer où il n’a qu’amender,
Car son corps est aussi doux qu’uns chierens,
Heüreux suis qu’elle a perdu les dents,
Car autrement ne m’eüst demeuré
Drapiel entier ; tout euïst déchiré.
Un usage a tel qu’à moi happe et tire,
Et quand par li sont mes draps débeffés,
Elle se sance après de moi maudire.
 
Je le trouvai l’autrier en une cour
Sus un fumier, prête pour remuer,
Et je lui dis : « Ma dame, il fait là gourt ;
Or vous veuillez un petit reposer
Et nous parrons d’amour tout à bon sens.
Et celle dont li état est plus gens
Que d’un pourcel ort et embegaré,
M’a en soudain tellement regardé
Que je vosisse adont être en l’empire,
Car contre moi a un fourquié levé,
Et puis me dit : « Or çà, que veux-tu dire ? »
 
« Dame », dis-je, « Amours en mon cœur sourd,
Car je me sens en mon corps haleter
Et je m’en dois aller en un behourt ;
Pour votre amour m’y voudrai éprouver,
Mais dites-moi, que crierai sus les rangs ?
Car je serai, je crois, de ceux dedans. »
Elle dit : « Fais crier : À l’étonné,
Et si le prix conquiers, j’ai volonté,
M’amours auras, qui est aussi entire
Que mes drapeaux, qui sont tout ranoué.
Or soyes preux, il te doit bien suffire. »
 
— « Dame », dis-je, « vous serez sus un hourt
Là me verrez les horions donner,
Mais si je truis le coquin et le lourd
Lequel on dit qu’il veut mes œufs humer,
Je lui don’rai tel coup entre les gens
Qu’il s’en ira en sa maison dolent. »
Lors dit ma dame : « Et qu’as-tu empensé ?
S’a trestous ceux qui ont à moi parlé
Tu veux avoir le débat ne l’estire,
Il te faudra, saches pour vérité,
Plus qu’un martyr endurer de martyre. »
 
Adont vis là le coquin qui accourt ;
À ses nus bras va ma dame acoller.
Lors m’avisai que, s’on ne le secourt,
Je lui voudrai trop bien le dos fautrer,
Car je me tiens de lui trop mal content.
Des nouveaux aulx, du pain et des harengs,
Matons et beurre, œufs et bacon salé
À en l’escours de ma dame apporté.
Quant cela vis, je n’eus talent de rire,
Ançois lui dit : « Ma dame, or ai prouvé
Que ce fou-ci notre amour fort déchire. »
 
Princes, Amours m’ont lors si échauffé
Et parfaite sotie, Dieu leur mire,
Que j’ai ma dame et le coquin rué
En un ruiot, et là les laissai gire.
 



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