Ponce-Denis Écouchard-Lebrun


Sur l’enthousiasme

Ode


Aigle qui ravis les Pindares
Jusqu’au trône enflammé des dieux,
Enthousiasme, tu m’égares
À travers l’abîme des cieux.
Ce vil globe à mes yeux s’abaisse ;
Mes yeux s’épurent, et je laisse
Cette fange, empire des rois :
Déjà, sous mon regard immense,
Les astres roulent en silence,
L’Olympe tressaille à ma voix.
 
Ô muse, dans l’ombre infernale
Ton fils plongea ses pas vivants :
Moi, sur les ailes de Dédale
Je franchis la route des vents.
« Il est beau, mais il est funeste
De tenter la voûte céleste. »
Arrête, importune raison !
Je vole, je devance Icare,
Dussè-je à quelque mer barbare
Laisser mes ailes et mon nom.
 
Que la colombe d’Amathonte
S’épouvante au feu des éclairs ;
Le noble oiseau qui les affronte
Prouve seul qu’il est roi des airs.
Je brûle du feu qui l’anime :
Jamais un front pusillanime
N’a ceint des lauriers immortels.
L’audace enfante les trophées.
Qu’importe la mort aux Orphées,
Si leurs tombeaux sont des autels ?
 
Silence, altières pyramides !
Silence, vains efforts de l’art !
Les œuvres de ses mains timides
N’ont rien d’un généreux hasard.
Ô nature ! ta main sublime
Dans les airs a jeté la cime
De ces Etnas majestueux :
L’art pâlit d’en tracer l’image ;
L’œil étonné te rend hommage
Par un effroi respectueux.
 
C’est de là qu’exhalant son âme
Non loin des gouffres de l’enfer,
Encelade vomit la flamme
Contre les feux de Jupiter.
De ses lèvres étincelantes,
L’Incendie aux ailes brûlantes
Fond dans les cieux épouvantés ;
Ses étincelles vagabondes
Couvrent l’air, la terre et les ondes
De leurs foudroyantes clartés.
 
Vaste Homère ! de ton génie
Ainsi les foudres allumés,
Avec des torrents d’harmonie,
Roulent dans tes vers enflammés.
Des feux de ta bouillante audace
Jaillissent la force et la grâce
De tes divins enfantements,
Comme des mers le dieu suprême
Vit éclore ta beauté même
Du choc de ses flots écumants.
 
À mes accords, l’aigle charmée
Ralentit son vol orageux,
Et de sa foudre désarmée
S’assoupissent les triples feux.
Tes chants, divine poésie !
Parfument encor l’ambroisie
Que verse aux dieux la jeune Hébé ;
Ton charme atteint le sombre empire
Et devant ta puissante lyre
Le triple monstre s’est courbé.
 
Qu’il aille aux gouffres du Tartare
De Typhon subir le destin,
Le cœur jaloux, le cœur barbare,
Qui dédaigne cet art divin,
Ce fils des nymphes de mémoire
Qui de la honte et de la gloire
Trace un immortel souvenir,
Et de palmes chargeant sa tête,
Se fait une illustre conquête
De tous les siècles à venir !
 
Ô génie ! ô vainqueur des âges,
Toi qui sors brillant du tombeau,
Sous de mystérieux nuages,
Souvent tu caches ton berceau.
C’est dans la solitude et l’ombre
Que ta gloire muette et sombre
Prépare ses jours éclatants :
L’œil profane qui vit ta source
Ne se doutait pas que ta course
Dût franchir la borne des temps.
 
Tel on voit, dans l’empire aride
Des fils basanés de Memnon,
Le Nil, de son berceau liquide
S’échapper sans gloire et sans nom.
Du haut des rocs ses flots jaillissent,
Et quelque temps s’ensevelissent
Parmi des gouffres ignorés ;
Mais tout à coup à la lumière
Il renaît pour Memphis entière ;
Et ses flots en sont adorés...
 

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