Étienne Durand


Stances


Laissez couler, mes yeux, laissez couler vos pleurs,
Donnez nouvelles eaux à leur source lassée.
Mon cœur, ouvrez la porte aux plus vives douleurs :
Ma sentence de mort vient d’être prononcée.
 
Cette belle qui tient mon esprit attaché
D’un lien qui me fait adorer mon servage,
Ose dire qu’aimer est commettre un péché,
Et qu’en la désirant j’ai commis un outrage.
 
Hélas ! si c’est pécher qu’aimer parfaitement,
Je suis d’un grand péché coupable en ma constance :
Mais je tiens à faveur d’en avoir châtiment,
Et crois que c’est péché d’en avoir repentance.
 
Je n’ai pu voir son œil sans en être enflammé,
Il m’a semblé trop doux pour y craindre un supplice :
Mais en me punissant pour l’avoir trop aimé,
La cause de mon mal l’accuse d’injustice.
 
Lors que cette beauté me rendit son sujet,
Ma raison prévut bien sa rigueur inconnue :
Mais je ne peux quitter un si plaisant objet,
Ni plaire à ma raison pour déplaire à ma vue.
 
Sans penser qu’elle dût avoir tant de rigueur,
Je perdis sans regret ma liberté pour elle :
Mais bien qu’elle ait changé, je n’aime encor mon cœur
Que pour lui voir aimer son humeur infidèle.
 
Sa cruauté se cache en de si doux appas,
Que mon âme s’y voit de raison dépourvue ;
Aussi pour en avoir il faut ne l’aimer pas ,
Et pour ne l’aimer pas il faut être sans vue.
 
Mon désir par lui-même est toujours assailli,
Et comme utile il prend le sujet délectable :
Mais si pour trop aimer mon désir a failli,
Je trouve ma créance encore plus coupable.
 
Ma créance a voulu que mon esprit suspens
Ne craignît point de banc sous un si doux Neptune :
Mais mon cœur qui pâtit sent bien à ses dépens
Qu’un bel œil étant bon c’est un coup de fortune.
 
Beauté dont les attraits sont si délicieux,
Et les effets si pleins de douleur et d’offense,
Ne vous suffit-il pas de tromper par vos yeux.
Sans nous tromper encor avec nôtre créance.
 
Vos yeux en leurs regards promettent que le temps
Doit de mille faiseurs bienheurer nos servages :
Mais ils ne sont enfin que chaleurs de printemps
Qu’on voit en moins de rien se tourner en orages.
 
Quel sujet avez-vous de vouloir chaque jour
D’un discours courroucé vous rendre si contraire ?
Est-ce pour nous montrer que blessant par amour
Vous savez encor mieux offenser par colère ?
 
Je ne le sais que trop, mauvaise, c’est assez,
Regardez par vos yeux les maux qu’ils ont su faire,
Ou bien accordez-moi la mort, si vous pensez
Que la mort de mon feu doive être le salaire.
 
Augmentez mes ardeurs, consommez peu à peu
Celui qui ne doit plus autre remède attendre :
Possible refusant du secours à mon feu
Que vos yeux verseront des larmes sur ma cendre.
 
Ou bien ne pouvant plaire, et ne pouvant mourir,
Au moins permettez-moi qu’en souffrant je soupire.
Mes brasiers sont trop grands pour les pouvoir couvrir,
Et malgré mon respect ma douleur les veut dire.
 

Méditations, 1611

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