Louis Duchosal

Le Livre de Thulé, 1891


La Mort de Don Quichotte


 
Les doigts lents de l’épreuve ont effeuillé les roses
Et dispersé l’espoir promis aux jours futurs,
Ô mon âme, le ciel est sourd, les temps sont durs,
Fais que ton rêve monte, au-dessus, loin des choses.
 
Les clairons de la gloire ont fini de sonner ;
Le dernier feu s’éteint sur la lande embrumée...
Cherche, pour y bâtir ton palais de fumée,
Une étoile inconnue, un astre abandonné.
 
Les vents ont renversé la bannière et la tente ;
Don Quichotte a fermé ses beaux yeux de héros,
Et son âme, échappant aux ruses des bourreaux,
S’ouvre maintenant comme une rose éclatante.
 
L’oiseau bleu, descendu sur le drap du cercueil,
Mêlait sa chanson triste aux cantiques funèbres,
Et dans l’air gris, par des prés noirs, vers les ténèbres,
Les Muses ont mené l’irréparable deuil.
 
Calliope au bras fort et pur portait l’épée
Et l’armure d’airain couvrait son corps nerveux,
Et son front clair disait des projets et des vœux
D’aventure héroïque et d’ardente épopée.
 
Érato dont la robe est d’or, le pied vermeil,
Offrait sa gorge fraîche aux dents âpres du Rêve,
Et l’enfant déchirait les seins gonflés de sève,
Comme un Bacchus nimbé des pampres du sommeil.
 
Polymnie aux yeux fins, en robe surannée,
Pressait contre son cœur heureux le lys d’argent,
Symbole harmonieux du culte intelligent
Que le noble hidalgo vouait à Dulcinée. —
 
Et le morne cortège allait vers l’Occident :
Des glas psalmodiaient dans les cloches lointaines ;
Des sanglots se mêlaient au bruit doux des fontaines,
Un chœur de mort chantait sur un rythme strident.
 
Le chœur disait la mort des heures éphémères
Et la fin du voyage épique de Jason
Vers l’Île où resplendit l’éternelle toison,
Et la fuite éperdue et sombre des chimères.
 
Le chœur disait le mal profond, l’esprit rendu,
Le doute moissonnant le blé blanc des pensées,
Les flambeaux consumés, les coupes renversées
Et le vin merveilleux dans l’herbe répandu.
 
Et le cortège allait vers la nuit. — Ô mon âme,
Don Quichotte a vécu, le poème est fini,
Au banquet de l’oubli, voici qu’on te réclame.
Disparais dans le deuil du désir infini ;
 
Les cœurs sont clos, le ciel est sourd, les temps sont durs,
Ô mon âme, fuyons les hommes et les choses ;
Les doigts lents de l’épreuve ont effeuillé les roses
Et dispersé l’espoir promis aux jours futurs.
 

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