Marceline Desbordes-Valmore

Les Pleurs, 1833


Ma fille


   
              ’T is very strange, my little dove,
              That all I ever loved, or love,
              In wondrous visions still I trace
              While gazing on thy guildess face.
Robert Burns


Ondine ! enfant joyeux qui bondis sur la terre,
Mobile comme l’eau qui t’a donné son nom,
Es-tu d’un séraphin le miroir solitaire ?
Sous ta grâce mortelle orne-t-il ma maison ?
 
Quand je t’y vois glisser dansante et gracieuse,
Je sens flotter mon âme errante autour de toi :
Je me regarde vivre, ombre silencieuse ;
Mes jours purs, sous tes traits, repassent devant moi !
 
Car toujours ramenés vers nos jeunes annales,
Nous retrempons nos yeux dans leurs fraîches couleurs ;
Midi n’a plus le goût des heures matinales
Où l’on a respiré tant de sauvages fleurs !
Le champ, le plus beau champ que renfermât la terre,
Furent les blés bordant la maison de mon père,
Où je dansais, volage, en poursuivant du cœur
Un rêve qui criait: « Bonheur ! bonheur ! bonheur ! »
 
C’est toi ! mes yeux blessés par le temps et les larmes,
Redevenus miroirs, se rallument d’amour !
N’es-tu pas tout ce monde infini, plein de charmes,
Que j’encerclais d’espoir, en essayant le jour ?
 
Viens donc, ma vie enfant ! et si tu la prolonges,
Ondine ! aux mêmes flots ne l’abandonne pas.
Que les ruisseaux, les bois, les fleurs où tu te plonges,
Gardent leur fraîche amorce ait penchant de tes pas ;
Viens ! mon âme sur toi pleure et se désaltère.
Ma fille, ils m’ont fait mal !... Mets tes mains sur mes yeux,
Montre-moi l’espérance et cache-moi la terre ;
Ange ! retiens mon vol, ou suis-moi dans les cieux.
 
Mais tu n’entendras pas mes plaintes interdites.
Dit-on au passereau de haïr, d’avoir peur ?
Tes oreilles encor sont tendres et petites,
Enfant ! je ne veux pas méchantiser ton cœur.
 
Garde-le plein d’écho de ma voix maternelle :
Dieu qui t’écoute encore ainsi m’écoutera.
Ô ma blanche colombe ! entrouvre-moi ton aile ;
Mon cœur a fait le tien ; il s’y renfermera ;
Car ce serait affreux et pitié de t’apprendre,
Quand tu baises mes pleurs, ce qui les fait couler ;
Va les porter à Dieu, sans chercher à comprendre
Ce qu’une larme pèse et coûte à révéler !
Tout pleure ! et l’innocent que le torrent entraîne,
Et ceux qui, pour prier, n’ont que leurs repentirs,
Peut-être en ce moment les soupirs d’une reine,
Sur la route du ciel, rencontrent mes soupirs.
 
Mais que l’oiseau des nuits t’effleure en sa tristesse :
Il passe, mon Ondine, il passe avec vitesse :
Sur tes traits veloutés j’aime à boire tes pleurs ;
C’est l’ondée en avril qui roule sur les fleurs.
 
Que tes cheveux sont doux ! étends-les sur mes larmes,
Comme un voile doré sur un noir souvenir.
Embrassons-nous !... Sais-tu qu’il reste bien des charmes
À ce monde pour moi plein de ton avenir ?
Et le monde est en nous : demeure avec toi-même ;
L’oiseau pour ses concerts goûte un sauvage lieu;
L’innocence a partout un confident qui l’aime.
Oh ! ne livre ta voix qu’à cet écho : c’est Dieu !
 

Commentaire (s)
Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Jасоb : Lе Dépаrt

Βеrtrаnd : Μоn Βisаïеul

Ρоnсhоn : Lе Gigоt

Lа Fоntаinе : Lе Сhаrtiеr еmbоurbé

Jасоb : Silеnсе dаns lа nаturе

Βоilеаu : Sаtirе VΙΙΙ : «Dе tоus lеs аnimаuх qui s’élèvеnt dаns l’аir...»

Sigоgnе : «Се соrps défiguré, bâti d’оs еt dе nеrfs...»

Du Βеllау : «Соmtе, qui nе fis оnс соmptе dе lа grаndеur...»

Βаudеlаirе : Αu Lесtеur

Сhrеtiеn dе Τrоуеs : «Се fut аu tеmps qu’аrbrеs flеurissеnt...»

Τоulеt : «Dаns lе lit vаstе еt dévаsté...»

Riсtus : Jаsаntе dе lа Viеillе

☆ ☆ ☆ ☆

Lаfоrguе : Соmplаintе d’un аutrе dimаnсhе

Vеrlаinе : Lе Dеrniеr Dizаin

Νоël : Visiоn

Siеfеrt : Vivеrе mеmеntо

Dеshоulièrеs : Sоnnеt burlеsquе sur lа Ρhèdrе dе Rасinе

Τоulеt : «Τоi qui lаissеs pеndrе, rеptilе supеrbе...»

Siсаud : Lа Grоttе dеs Léprеuх

Соppéе : «Сhаmpêtrеs еt lоintаins quаrtiеrs, је vоus préfèrе...»

Cоmmеntaires récеnts

De Сurаrе= sur Οisеаuх dе pаssаgе (Riсhеpin)

De Сurаrе- sur «Ιl n’еst riеn dе si bеаu соmmе Саlistе еst bеllе...» (Μаlhеrbе)

De Сосhоnfuсius sur Lа Соlоmbе pоignаrdéе (Lеfèvrе-Dеumiеr)

De Сосhоnfuсius sur Lе Саuсhеmаr d’un аsсètе (Rоllinаt)

De Сосhоnfuсius sur «Μаrs, vеrgоgnеuх d’аvоir dоnné tаnt d’hеur...» (Du Βеllау)

De Xi’аn sur Lе Gigоt (Ρоnсhоn)

De Jаdis sur «Lе Sоlеil l’аutrе јоur sе mit еntrе nоus dеuх...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur «Qu’еst-се dе vоtrе viе ? unе bоutеillе mоllе...» (Сhаssignеt)

De Dаmе dе flаmmе sur À sоn lесtеur : «Lе vоilà сеt аutеur qui sаit pinсеr еt rirе...» (Dubоs)

De Yеаts sur Ρаul-Jеаn Τоulеt

De Ιо Kаnааn sur «Μаîtrеssе, quаnd је pеnsе аuх trаvеrsеs d’Αmоur...» (Rоnsаrd)

De Rоzès sur Μédесins (Siсаud)

De Dаmе dе flаmmе sur «Hélаs ! vоiсi lе јоur quе mоn mаîtrе оn еntеrrе...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur «J’аdоrе lа bаnliеuе аvес sеs сhаmps еn friсhе...» (Соppéе)

De Rоzès sur Lе Сhеmin dе sаblе (Siсаud)

De Sеzоr sur «Jе vоudrаis biеn êtrе vеnt quеlquеfоis...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De KUΝG Lоuisе sur Villе dе Frаnсе (Régniеr)

De Сurаrе- sur «Épоuvаntаblе Νuit, qui tеs сhеvеuх nоirсis...» (Dеspоrtеs)

De Xi’аn sur Jеhаn Riсtus

De Villеrеу јеаn -pаul sur Détrеssе (Dеubеl)

De ΒооmеrаngΒS sur «Βiеnhеurеuх sоit lе јоur, еt lе mоis, еt l’аnnéе...» (Μаgnу)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе