Marceline Desbordes-Valmore

Les Pleurs, 1833


L’Éphémère


   
Je suis trop délicat, trop faible et trop petit,
Pour porter vos fruits mûrs et porter vos corbeilles,
Dépouiller les tilleuls du trésor des abeilles,
Courber de vos moissons la féconde épaisseur ;
Mais je vous enverrai l’Automne : c’est ma sœur.
M. H. DE LATOUCHE.


Frêle création de la fuyante aurore,
Ouvre-toi comme un prisme au soleil qui le dore ;
Va dire ta naissance au liseron d’un jour ;
Va, tu n’as que le temps de deviner l’amour!
 
Et c’est mieux, c’est bien mieux que de le trop connaître ;
Mieux de ne pas survivre au jour qui le vit naître.
Happe sa douce amorce, et que ton aile, enfant,
Joue avec ce flambeau ; rien ne te le défend.
Né dans le feu, ton vol en cercles s’y déploier
Et sème des anneaux de lumière et de joie.
Le fil de tes hasards est court, mais il est d’or !
Nul regret ne pendra lugubre sur ton sort ;
Nul adieu ne viendra gémir dans l’harmonie
De ton jour de musique et d’ivresse infinie ;
Ce que tu vas aimer durera tes instants ;
Tu ne verras le deuil ni les rides du temps.
Les feuillets de ton sort sont des feuilles de rose
Fiévreuse de soleil et d’encens, quel destin !
Atome délecté dans le miel qui l’arrose,
Sonne ta bien-venue au banquet du matin.
 
Je t’envie ! et Dieu t’aime, innocent éphémère ;
Tu nais sans déchirer le beau flanc de ta mère ;
Ce penser triste et doux ne te fait point de pleurs :
Il ne t’impose pas comme un remords de vivre.
Tu n’as point à traîner ton cœur lourd comme un livre.
Heureux rien ! ta carrière est au bout de ces fleurs.
Bois ta vie à leur âme, et que ta prompte haleine
Goûte à tous les parfums dont s’abreuve la plaine.
Hâte-toi : si le ciel commence à se couvrir,
Une goutte de pluie inondera tes ailes :
Avant d’avoir vécu, tu ne veux pas mourir,
Toi ! Les fleurs vont au soir : ne tombe qu’après elles.
 
Bonjour ! bonheur ! adieu ! Trois mots pour ton soleil.
Et pour nous, que de nuits jusqu’au dernier sommeil !
Le long vivre n’apprend que des fables railleuses.
Tristement recueillis sous nos ailes frileuses,
Nous épions l’espoir, qui n’ourdit qu’un regret :
Et l’espoir n’ouvre pas sa belle chrysalide ;
Et c’est un fruit coulé sous son écorce vide ;
Et le vrai, c’est la mort ! — et j’attends son secret.
 
Oh ! ce sera la vie : oh ! ce sera vous-même,
Rêve, à qui ma prière a tant dit : Je vous aime.
Ce sera, pleur par pleur, et tourment par tourment,
Des ames en douleurs le chaste enfantement !
 

Commentaire (s)
Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Jаmmеs : Ρrièrе pоur аimеr lа dоulеur

Fоurеst : Εn pаssаnt sur lе quаi...

Βаnvillе : Lаpins

Сrоs : Sоnnеt : «Jе sаis fаirе dеs vеrs pеrpétuеls. Lеs hоmmеs...»

Jаmmеs : Si tu pоuvаis

Vеrlаinе : Éсrit еn 1875

Rоllinаt : Lа Vасhе blаnсhе

Соrbièrе : Ρаrаdе

Βаudеlаirе : Fеmmеs dаmnéеs — Dеlphinе еt Hippоlуtе

Vеrlаinе : «Gаspаrd Hаusеr сhаntе...»

☆ ☆ ☆ ☆

Ginеstе : Vеrs ехtrаits d’un pоëmе d’аmоur

Lаfоrguе : Νосturnе

Lаttаignаnt : Αdiеuх аu Μоndе

Vеrlаinе : Sоnnеt pоur lа Kеrmеssе du 20 јuin 1895 (Саеn)

Vеrlаinе : Épilоguе

Τаilhаdе : Quаrtiеr lаtin

Vеrlаinе : Dédiсасе

Rеnаrd : Νоuvеllе lunе

Viаu : Élégiе : «Сlоris, lоrsquе је sоngе, еn tе vоуаnt si bеllе...»

Vеrlаinе : À Gustаvе Lеrоugе

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur «L’étоilе dе Vénus si brillаntе еt si bеllе...» (Μаllеvillе)

De Jаdis sur Саusеriе (Βаudеlаirе)

De Сосhоnfuсius sur Lа Vасhе blаnсhе (Rоllinаt)

De Сосhоnfuсius sur «Соurtisаns, qui trаînеz vоs јоurs déshоnоrés...» (Vаlléе dеs Βаrrеаuх)

De Βеаudеlаirе sur Βаudеlаirе

De Lе Gаrdiеn sur Virgilе (Βrizеuх)

De Jаdis sur Сrépusсulе (Соppéе)

De Jаdis sur Αu lесtеur (Μussеt)

De Rigаult sur Lеs Hirоndеllеs (Εsquirоs)

De Rigаult sur Αgénоr Αltаrосhе

De Jоël Gауrаud sur Αvе, dеа ; Μоriturus tе sаlutаt (Hugо)

De Huguеs Dеlоrmе sur Sоnnеt d’Αrt Vеrt (Gоudеzki)

De Un pоilu sur «Μоn âmе а sоn sесrеt, mа viе а sоn mуstèrе...» (Αrvеrs)

De Lе соmiquе sur Μаdrigаl tristе (Βаudеlаirе)

De Сhаntесlеr sur «Sur mеs vingt аns, pur d’оffеnsе еt dе viсе...» (Rоnsаrd)

De Gеоrgеs sur À lа mémоirе dе Zulmа (Соrbièrе)

De Guillеmеttе. sur «Lе bеаu Ρrintеmps n’а pоint tаnt dе fеuillаgеs vеrts...» (Lа Сеppèdе)

De Guillаumе sur Αbаndоnnéе (Lоrrаin)

De Lа Μusérаntе sur Hоmmаgе : «Lе silеnсе déјà funèbrе d’unе mоirе...» (Μаllаrmé)

De Сurаrе- sur Αdiеuх à lа pоésiе (Gаutiеr)

De Сurаrе- sur «J’еntrеvоуаis sоus un vêtеmеnt nоir...» (Μаgnу)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе