Jacques Delille

Les Trois Règnes


Le Terre


 

Les différentes espèces de terre découvertes et analysées par les savants. Expérience de Lavoisier sur l’eau composée de deux principes distincts. La différents changements et combinaisons des éléments de la terre. Les analyses de la chimie ; leurs produits et leurs résultats. Couleurs du diamant, de la porcelaine. Jeux brillants de la lumière produits par le verre et les cristaux. Éclat donné au vermillon, aux vases, aux tapis, aux étoffes qui parent la beauté et décorent les appartements. Spectacle de la terre, de ses richesses, de ses beautés. Les changements et les révolutions qu’a éprouvés le globe. Causes assignées par les savants aux différents changements de la terre. Quelques races perdues ; les débris du vieux monde retrouvés par les naturalistes modernes. Les mœurs et les arts de l’Europe portés dans un autre hémisphère. Phénomènes et combinaisons diverses dans les entrailles de la terre. Formation des pyrites et autres substances souterraines. L’aimant et ses effets. Spectacle merveilleux des grottes et des antres souterrains. Les jeux de la nature dans leur intérieur. Les volcans, leurs irruptions et leurs ravages.


Enfin j’arrive à toi, terre à jamais féconde !
Jadis de tes rochers j’aurais fait jaillir l’onde ;
J’aurais semé de fleurs le bord de tes ruisseaux,
Déployé tes gazons, tressé tes arbrisseaux,
De l’or de tes moissons revêtu les campagnes,
Suspendu les chevreaux aux buissons des montagnes,
De leurs fruits savoureux enrichi les vergers,
Et chaque antre eut redit les chansons des bergers :
D’autres temps, d’autres soins ; sur les pas des Lucrèces
Je chante ton essence et non pas tes richesses.
 
Cinq terres, si j’en crois tous nos Plines nouveaux,
Se trouvent sous nos pas : l’une, fille des eaux,
Et des marbres divers origine féconde,
Naquit des vieux débris des habitants de l’onde.
Madrépores, coraux, coquilles et poissons,
L’un sur l’autre entassés, composèrent ces monts
Dont sur le monde entier se prolonge la chaîne.
L’œil croit la retrouver dans la nature humaine,
Et des fils membraneux qui composent les os,
Son suc, de couche en couche, incruste les réseaux,
S’insinue en secret dans les cristaux de plâtre,
S’effeuille avec le spath, s’épure dans l’albâtre ;
Tout acide l’altère, et sous la main des arts,
Son limon détrempé cimente nos remparts.
Enfin, son goût trahit le feu qu’elle recèle,
Et de son sel mordant l’âcreté la décèle.
 
La baryte pesante, écoutant d’autres lois,
Aux acides s’unit des nœuds les plus étroits ;
De l’acide du soufre assigne la mesure ;
Des extraits colorants de sa verte teinture
Empreint la violette, et ressemble à ces chaux
Que dans l’ardent creuset déposent les métaux.
 
La fine magnésie est lente à se dissoudre.
D’une molle farine elle imite la poudre,
Des plus ardents fourneaux peut endurer les feux.
Sa douceur plaît au tact, et sa blancheur aux yeux ;
Son grain, léger de poids, cède au mordant acide :
Des acides pourtant mille fois plus avide,
La chaux les lui ravit, et plus d’un corps admet
Ses principes amis et son pouvoir secret.
L’amiante aux longs fils, l’ardoise feuilletée,
La verte serpentine, en naissant tachetée,
Les micas en sont pleins, et, pareille à ses sœurs,
Rien ne peut séparer ses principes vainqueurs.
 
L’argile, de l’alun cette source féconde,
S’endurcissant au feu, se pétrissant dans l’onde,
Toujours douce au toucher, mais non pas au palais,
D’acides altérée, et séchée en feuillets,
Ainsi que dans la glaise, abonde dans les schistes,
Se montre complaisante à la voix des artistes.
Elle entre dans le moule, elle obéit au tour :
Ici d’un simple vase elle prend le contour,
Là prête au statuaire une pâte docile ;
Le ciseau de Scopas fit adorer l’argile,
En coupe elle sortait des mains d’Alcimédon,
Et Voltaire en naquit, à la voix de Houdon.
 
Enfin vient la silice, au tact moins agréable,
Aux acides divers constamment intraitable :
En vain notre art contre elle arme les sels mordants ;
Son rebelle tissu brave tous les fondants.
Mêlée au spath, au quartz, aux plus brillantes pierres,
La silice offre aux yeux la plus pure des terres ;
Dans leurs rapports secrets ses principes cachés,
Plus semblables entre eux, entre eux plus rapprochés,
Ne se séparent plus ; indissoluble à l’onde,
Et, si des alcalis le sel ne nous seconde,
Inaltérable au feu ; grâce à ce sel puissant,
On lui doit des cristaux l’éclat éblouissant,
Ces miroirs que fondit la flamme dévorante,
Dans les palais des grands muraille transparente,
Et nos brillants flacons, et le vase grossier
Où cuit le mets du pauvre en son humble foyer.
Les vents et les ruisseaux l’instruisirent à moudre
Tous ces grains farineux que son poids met en poudre ;
À travers un gros tube elle conduit nos yeux ;
Notre planète enfin, fille antique des feux,
De silice, dit-on, a vu former la terre,
Et son globe poudreux fut un globe de verre.
 
Tels sont les corps parés du grand nom d’élément.
Des corps analysés retirés constamment,
Parmi tous les objets qu’enferme la nature,
Leur essence à nos yeux sans doute est la plus pure ;
Mais dans le monde entier rien n’est simple que Dieu.
Avant qu’on pénétrât les principes du feu,
Il semblait de l’esprit rapprocher la matière :
Et cependant notre art disséqua la lumière ;
Et, le prisme à la main, l’audacieux Newton
Des diverses couleurs distingua chaque ton.
N’ai-je pas dit comment ce lumineux fluide,
Transparent comme l’air, et comme lui liquide,
Des autres éléments subtil usurpateur,
Des masses qu’il pénètre accroît la pesanteur ?
Qui pourra nous montrer quels minces corpuscules
De la terre en secret forment les molécules ?
Halles, de l’air captif dilatant les ressorts,
En fluide subtil le fait sortir des corps.
 
Mais un nouveau prodige étonne encor le monde.
Longtemps en élément nous érigeâmes l’onde ;
Lavoisier, tu parais, et par toi l’univers
Apprend que l’eau contient deux principes divers.
L’oxygène, propice aux facultés vitales,
L’hydrogène inflammable, en deux parts inégales,
De leur vieille union par le feu dégagés,
En deux gaz différents ; sont déjà partagés ;
Ils partent : délivrés de leur antique chaîne,
L’un et l’autre se porte, où son penchant l’entraîne ;
Puis tous deux à ta voix, ô prodige nouveau !
Séparés en vapeurs, se rassemblent en eau :
Du liquide élément double métamorphose !
Ton art le détruisit, ton art le recompose.
Tantôt les corps divers, dans leurs combinaisons,
Confondent leur nature et démentent leurs noms.
Ici l’onde avec l’air combine sa substance ;
Là dans un corps solide en secret se condense ;
Le feu consume l’air, l’air se transforme en eau :
L’eau, dissoute en vapeur, devient un air nouveau,
Qui peut-être à son tour, redevenu plus rare,
Rentre en minces vapeurs dans l’onde qu’il répare ;
Et dans ce jeu constant, auquel préside un dieu,
L’eau redevient à l’air ce que l’air est au feu.
L’air et l’eau condensés forment les coquillages ;
L’onde et l’air infiltrés font l’arbre et les feuillages ;
Et la feuille et le bois, que tous deux ont produits,
Par leur décrépitude en terre sont réduits.
 
En d’autres éléments chaque élément s’engage :
L’air libre est captivé, l’air libre se dégage ;
Les mers, des monts ailiers ont été les berceaux,
Les monts de leur barrière environnent les eaux ;
Le soufre monte en gaz, le gaz devient solide ;
L’eau se change en rocher, le rocher en fluide.
Tout donne, et tout reçoit ; les feuillages flétris
Alimentent le sol dont ils furent nourris ;
Le pré, qui donne au bœuf sa riante verdure,
D’une grasse litière attend la fange impure,
Et des sels du fumier se forment en secret
Le parfum de la rose et le teint de l’œillet.
 
Ainsi ce dieu puissant dont la marche féconde
Vieillit incessamment et rajeunit le monde,
Qui fait croître des bois où germaient des moissons,
Qui fait bondir le cerf où nageaient des poissons,
Et change, dans le cours de ces métamorphoses,
Les causes en effets, et les effets en causes ;
Sans cesse ramenant ces échanges divers,
Le Temps, un cercle en main, plane sur l’univers.
 
[...]

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