Tristan Corbière

Les Amours jaunes, 1873


Le Fils de Lamartine et de Graziella


 

« C’est ainsi que j’expiai par ces larmes écrites la dureté et l’ingratitude de mon cœur de dix-huit ans. Je ne puis jamais relire ces vers sans adorer cette fraîche image que rouleront éternellement pour moi les vagues transparentes et plaintives du golfe de Naples... et sans me haïr moi-même ; mais les âmes pardonnent là-haut. La sienne m’a pardonné. Pardonnez-moi aussi, vous !!! J’ai pleuré. »
Lamartine. — Graziella — 1fr. 25c. le vol.


 
À l’île de Procide, où la mer de Sorrente
Scande un flot hexamètre à la fleur d’oranger,
Un Naturel se fait une petite rente
        En Graziellant l’Étranger...
 
L’Étrangère surtout, confite en Lamartine,
Qui paye pour fluer, vers à vers, sur les lieux...
— Du Cygne-de-Saint-Point l’Homme a si bien la mine,
Qu’on croirait qu’il va rendre un vers... harmonieux.
 
C’est un peintre inspiré qui lui trouva sa balle,
Sa balle de profil : — Oh mais ! dit-il, voilà !
Je te baptise, au nom de la couleur locale :
— Le Fils de Lamartine et de Graziella ! —
 
Vrai portrait du portrait du Rafaël fort triste, [1]...
Fort triste, pressentant qu’il serait décollé
De sa toile, pour vivre en la peau du Harpiste
Ainsi que de son fils, rafaël raffalé.
 
— Raphaël-Lamartine et fils ! — Ô Fornarine-
Graziella ! Vos noms font de petits profits ;
L’écho dit pour deux sous : Le Fils de Lamartine !
Si Lamartine eût pu jamais avoir un fils !
 
— Et toi, Graziella... Toi, Lesbienne Vierge !
Nom d’amour, que, sopran’ il a tant déchanté !...
Nom de joie !... et qu’il a pleuré — Jaune cierge —
Tu n’étais vierge que de sa virginité !
 
— Dis : moins éoliens étaient, ô Grazielle,
Tes Mâles d’Ischia ?... que ce pieux Jocelyn
Qui tenait, à côté, la lyre et la chandelle...
Et, de loin, t’enterrait en chants de sacristain...
 
Ces souvenirs sont loin... — Dors, va ! Dors sous les pierres
        Que voit, n’importe où, l’étranger,
Où fait paître ton Fils des familles entières
— Citron prématuré de ta Fleur d’Oranger —
 
Dors — l’Oranger fleurit encor... encor se fane ;
Et la rosée et le soleil ont eu ses fleurs...
Le Poète-apothicaire en a fait sa tisane :
        Remède à vers ! remède à pleurs !
 
— Dors — L’Oranger fleurit encor... et la mémoire
Des jeunes d’autrefois dont l’ombre est encor là.
Qui ne t’ont pas pêchée au fond d’une écritoire...
Et n’en pêchaient que mieux ! — dis, ô picciola !
 
— Mère de l’Antéchrist de Lamartine-Père,
Aurore qui mourus sous un coup d’éteignoir,
Ton Orphelin, posthume et de père et de mère,
Allait — quand tu naquis — déjà comme un vieux Soir.
 
Graziella ! — Conception trois fois immaculée...
D’un platonique amour, Messie et Souvenir,
Ce Fils avait vingt ans quand, Mère inoculée,
Tu mourus à seize ans !... C’est bien tôt pour nourrir !
 
— Pour toi : c’est ta seule œuvre mâle, ô Lamartine,
Saint-Joseph de la Muse, avec elle couché,
Et l’aidant à vêler... par la grâce divine :
Ton fils avant la lettre est conçu sans péché !...
 
— Lui se souvient très peu de ces scènes passées...
Mais il laisse le vent et le flot murmurer,
Et l’Étranger, plongeant dans ses tristes pensées...
        En tirer un franc — pour pleurer !
 
Et, tout bas, il vous dit, de murmure en murmures :
Que sa fille ressemble à l’Autre... et qu’elle est là,
Qu’on peut pleurer, à l’heure, avec des rimes pures,
Et... — pour cent sous, Signor — nommer Graziella !
 

             
Isola di Capri. — Gennaio.


_________
[1] : Lamartine avoue quelque part qu’un seul portrait lui
ressemblait alors : Celui de Raphaël peint par lui-même.

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