François Coppée


Désir de gloire


 
J’ai vu des hardes surannées
Dans la boutique d’un fripier ;
Telle sera, dans peu d’années,
Ma pauvre gloire de papier.
 
On me lit. Soit. J’en ai des preuves
On réimprime encor mes vers.
J’apprends, par les paquets d’épreuves,
Que mes lauriers sont toujours verts.
 
Mais, hélas ! tout passe et tout lasse.
Les meilleurs et les plus fameux
À d’autres ont cédé la place,
Et l’on m’oubliera tout comme eux.
 
Tout bruit est vain et se dissipe,
Et, fût-on, comme Béranger,
Reproduit en tête de pipe,
La Mode est femme et veut changer.
 
Songe au passé, deviens modeste,
Ô poète ! et de tant d’efforts,
De tant d’œuvres, vois ce qui reste :
Des ruines ! des arbres morts !
 
Parfois, pourtant, la branche sèche
A l’air de reverdir un peu ;
Sur le mur ouvert d’une brèche
Grimpe un liseron rose et bleu ;
 
Et quelques vers, une élégie,
Un sonnet, sauvés de l’oubli,
Dans l’herbier de l’Anthologie
Conservent leur charme pâli.
 
Oh ! si, par bonheur, doit survivre
Un humble poème de moi,
Qu’il soit donc choisi dans ce livre,
Que j’ai, mignonne, écrit pour toi !
 
Vétéran n’ayant plus mon grade,
Poète oublié, triste et vieux,
Je serai mort, ma camarade,
Et tu m’auras fermé les yeux ;
 
Tu te rappelleras, ma chère,
Mes jours de la fin, si peu gais,
Et ma gloire si mensongère,
Quand tu passeras sur les quais
 
Et verras mes recueils intimes,
Jadis célébrés si souvent,
Qui, dans la boîte à dix centimes,
Seront feuilletés par le vent.
 
Mais qu’une enfant du voisinage
Qui te confiera ses amours,
— Car pour ces choses, malgré l’âge,
Tu seras clémente toujours, —
 
Ranimant en toi, pauvre vieille,
Le feu sous la cendre endormi,
Murmure, un jour, à ton oreille,
Un poème de ton ami,
 
Les seuls vers de lui qu’on connaisse,
Les seuls dont la tendre langueur
Émeuve encore la jeunesse
Et trouve un écho dans son cœur ;
 
Alors, joyeuse et rassurée,
Tu me trouveras bien heureux
Que ma chanson soit murmurée
Par les lèvres des amoureux !
 
Ces vers dont on garde mémoire
Seront deux fois récompensés,
S’ils défendent un peu ma gloire,
Eux qui m’ont valu tes baisers.
 
Des larmes mouillant tes lunettes,
Tu te souviendras qu’autrefois,
Accompagné par les fauvettes,
Je te les disais dans les bois.
 
Caressant, de ta main légère,
Mon front posé sur tes genoux,
Combien tu me savais sincère !
Combien mes chants te semblaient doux !
 
Oh ! qu’à son tour, la Renommée
Continue à les juger tels,
Et que, pour t’avoir tant aimée,
Je laisse des vers immortels !
 

Arrière-saison, 1887

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