François Coppée

Les Récits et les Élégies, 1878


Dans un train de banlieue


 

Ils viennent d’acheter une campagne aux environs de Paris.
Paul de Kock.


Le train stoppa ; c’était la station de Sèvres.
 
Assis dans mon wagon, la cigarette aux lèvres,
En jetant un regard dehors, je remarquai.
Près de la porte en bois ouverte sur le quai,
Un groupe de trois sœurs vraiment presque pareilles
Mêmes cheveux au vent derrière les oreilles,
Mêmes chapeaux à fleurs, mêmes robes d’été,
Même air de bonne humeur et de naïveté.
Les yeux brillants de joie, elles riaient, entre elles
Et faisaient de très-loin signe avec leurs ombrelles
À leur père, un brave homme aux gros favoris gris,
Qui rapportait un tas de paquets de Paris
Et descendait du train, tout couvert de poussière.
Il donna son ticket au vieux garde-barrière
Et se laissa par ses fillettes embrasser.
Après avoir eu soin de le débarrasser,
Toutes trois à la fois lui firent des demandes ;
Et lui, donnant déjà le bras aux deux plus grandes,
Semblait se dire, heureux : « C’est à moi, tout cela ! »
 
Sur un coup de sifflet, notre train s’ébranla.
Et, rêveur, je songeais, en poursuivant ma route :
— Bonne et simple famille ! Ils habitent sans doute
Un des chalets qu’on voit sur ce coteau boisé.
Le père est, à coup sûr, un commerçant aisé.
Ils demeurent ici la moitié de l’année
Et pensent qu’il est temps de pourvoir leur aînée.
Ce serait le bonheur pourtant, si l’on voulait !
Le dimanche, en été, l’on irait au chalet
Par le chemin de fer, en fumant un cigare ;
Tout le monde viendrait vous attendre à la gare ;
On serait accueilli par leurs rires amis
Et pour le déjeuner le couvert serait mis
Dans l’intime jardin, sur la fraîche pelouse.
Pour mettre un vieux chapeau de paille et quelque blouse ,
On passerait d’abord dans le petit salon ;
Puis, tandis que la bonne apporte le melon
Et que le père prend le panier à bouteilles,
On courrait, du côté du fruitier et des treilles,
Emportant à deux mains des assiettes à fleurs,
Avec sa fiancée et les petites sœurs
Qui vous lancent parfois une phrase maligne,
Cueillir de beaux fruits mûrs et des feuilles de vigne...
Et ce serait facile à faire, tout cela !
Peut-être eût-il suffi de quitter le train là ?
— Mais non. En concevant cette bourgeoise idylle,
J’en ai pris le meilleur ; le reste est inutile.
Aurais-je dû descendre à cette station ?
Non. Le désir vaut mieux que la possession,
Et je suis aujourd’hui bien fou, quand je regrette
Ce rêve qui s’éteint avec ma cigarette.
 

Commentaire (s)
Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Νоаillеs : Οffrаndе

Sсаrrоn : Épitаphе

Fоurеst : Sоuvеnir оu аutrе rеpаs dе fаmillе

Μаrоt : Αnnе, pаr јеu, mе јеtа dе lа nеigе

Vеrlаinе : «Βоn сhеvаliеr mаsqué qui сhеvаuсhе еn silеnсе...»

Vеrlаinе : Соlоmbinе

Vеrlаinе : «Μаlhеurеuх ! Τоus lеs dоns, lа glоirе du bаptêmе...»

Vеrlаinе : «Βеаuté dеs fеmmеs, lеur fаiblеssе, еt сеs mаins pâlеs...»

Rоnsаrd : À un аubépin

Du Βеllау : Épitаphе d’un pеtit сhiеn

☆ ☆ ☆ ☆

Rimbаud : «L’еnfаnt qui rаmаssа lеs bаllеs...»

Ρrivаt d’Αnglеmоnt : «Соmbiеn durеrоnt nоs аmоurs ?...»

Vеrlаinе : Lеs Lоups

Αpоllinаirе : Μаi

Ρеllеrin : L’Αutоbus ivrе

Rоnsаrd : «Yеuх, qui vеrsеz еn l’âmе, аinsi quе dеuх Ρlаnètеs...»

Fоrt : Lе Diаblе dаns lа nuit

Τоulеt : «Ιl plеuvаit. Lеs tristеs étоilеs...»

Cоmmеntaires récеnts

De Lа Μusérаntе sur Hоmmаgе : «Lе silеnсе déјà funèbrе d’unе mоirе...» (Μаllаrmé)

De Сосhоnfuсius sur Lеs Étоilеs blеuеs (Rоllinаt)

De Сurаrе- sur Αdiеuх à lа pоésiе (Gаutiеr)

De Сurаrе- sur «J’еntrеvоуаis sоus un vêtеmеnt nоir...» (Μаgnу)

De Сurаrе- sur «Се соrps défiguré, bâti d’оs еt dе nеrfs...» (Sigоgnе)

De Сосhоnfuсius sur «Quаnd lе grаnd œil du Сiеl tоurnоуаnt l’hоrizоn...» (Νuуsеmеnt)

De Сосhоnfuсius sur Sоnnеt ivrе (Riсhеpin)

De Jаdis sur «Viсtоriеusеmеnt fui lе suiсidе bеаu...» (Μаllаrmé)

De Gеоrgеs Lеmаîtrе sur «Lе sоir, аu соin du fеu, ј’аi pеnsé biеn dеs fоis...» (Соppéе)

De Jаdis sur Lе Vœu suprêmе (Lесоntе dе Lislе)

De Jаdis sur Sоnnеt d’Αutоmnе (Βаudеlаirе)

De Сhristiаn sur «J’еntrаis сhеz lе mаrсhаnd dе mеublеs, еt là, tristе...» (Νоuvеаu)

De Ρépé Hаsh sur «Сеpеndаnt qu’аu pаlаis dе prосès tu dеvisеs...» (Du Βеllау)

De Сurаrе_ sur Sоnnеt : «Quаnd је rеpоsеrаi dаns lа fоssе, trаnquillе...» (Gоudеаu)

De Сurаrе_ sur Lе Τоmbеаu dе Сhаrlеs Βаudеlаirе (Μаllаrmé)

De Vinсеnt sur Τоmbеаu du Ρоètе (Dеubеl)

De Xi’аn sur «Μоn âmе pаisiblе étаit pаrеillе аutrеfоis...» (Τоulеt)

De Сhristiаn sur Соntrе Ligurinus : «Τоut lе mоndе tе fuit...» (Dubоs)

De Vinсеnt sur «Un sоir, lе lоng dе l’еаu, еllе mаrсhаit pеnsivе...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De Xi’аn sur Lе Суgnе (Rеnаrd)

De Rоzès sur Lе Сinémа (Siсаud)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе