Paul Claudel

Corona benignitatis Anni Dei, 1915


Notre-Dame auxiliatrice

L’enfant chétif qui sait qu’on n’est pas fier de lui et qu’on ne l’aime pas beaucoup,

Quand d’aventure sur lui se pose un regard plus doux,

Devient tout rouge et se met bravement à sourire, afin de ne pas pleurer.

Ainsi dans ce monde mauvais les orphelins et les déshérités,

Ceux qui n’ont pas d’argent, ceux qui n’ont pas de connaissance et pas d’esprit,

Comme ils se passent de tout, se passent également d’amis.

Les pauvres s’ouvrent peu, mais il n’est pas impossible de gagner leur cœur.

Il suffit de faire attention à eux et de les traiter avec un peu d’honneur.

Prends donc ce regard, ô pauvre, prends ma main, mais ne t’y fie pas.

Bientôt je serai avec ceux de mon espèce et ne penserai guères à toi.

Il n’y a pas d’ami sûr pour un pauvre, s’il ne trouve un plus pauvre que lui.

C’est pourquoi viens, ma sœur accablée, et regarde Marie.

Pauvre femme dont le mari boit et dont les enfants ne sont pas forts,

Quand on n’a pas d’argent pour le terme et que l’on désire d’être mort,

Ah ! lorsque tout vous manque et qu’on est tout de même trop malheureux,

Viens à l’église, tais-toi, et regarde la Mère de Dieu !

Quelle que soit l’injustice contre nous et quelle que soit la misère,

Lorsque les enfants souffrent il est encore plus malheureux d’être la Mère.

Regarde Celle qui est là, sans plainte comme sans espérance,

Comme un pauvre qui trouve un plus pauvre et tous deux se regardent en silence.


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