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Paul ClaudelConnaissance de l'Est, 1907
Au flanc vertical où il est ménagé du roc noir, je n’ai pas mis un jour seul à le découvrir, et ce n’est que par cette finissante après-midi que je me sais engagé dans le sentier certain. De la hauteur vertigineuse où je chemine, la vaste rizière apparaît dessinée comme une carte, et le bord que je suis est si strict que mon pied droit, quand je le lève, a l’air, comme sur un tapis, de se poser sur la jaune étendue des champs semés de villages. Silence. Par un antique escalier recouvert d’un lichen chenu, je descends dans l’ombre arrière des lauriers, et, le sentier à ce tournant soudain barré par un mur, j’arrive devant une porte fermée. J’écoute. Rien ne parle, ni voix, ni tambour. C’est en vain que rudement je secoue à deux mains la poignée de bois et heurte. Durant que pas un oiseau ne crie, j’opère l’escalade. Ce lieu, après tout, est habité, et tandis qu’assis sur la balustrade où sèchent les linges domestiques j’enfonce la dent et les doigts dans l’écorce épaisse d’une pamplemousse dérobée aux offrandes, le vieux moine à l’intérieur me prépare une tasse de thé. Ni l’inscription au-dessus de la porte, ni les idoles dilapidées qu’au fond de cette humble caverne honore la fumée d’un mince encens ne me paraissent constituer la religion du lieu, ni ce fruit acide où je mords. Mais là, sur cette basse estrade qu’entoure une mousseline, ce paillasson circulaire où le Bhiku viendra tout à l’heure s’accroupir pour méditer ou dormir est tout. Ne comparerai-je pas ce vaste paysage qui s’ouvre devant moi jusqu’à la double enceinte des monts et des nuages à une fleur dont ce siège est le cœur mystique ? N’est-il pas le point géométrique où le lieu, se composant dans son harmonie, prend, pour ainsi dire, existence et comme conscience de lui-même, et dont l’occupant unit dans la contemplation de son esprit une ligne et l’autre ? Le soleil se couche. Je gravis les marches de velours blanc que jonchent les pommes de pin ouvertes, telles que des roses.
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