Paul Claudel![]()
Tout arbre chez nous se tient debout comme un homme, mais immobile ; enfonçant ses racines dans la terre, il demeure les bras étendus. Ici, le sacré banyan ne s’exhausse point unique : des fils en pendent par où il retourne chercher le sein de la terre, semblable à un temple qui s’engendre lui-même. Mais c’est du cocotier seulement que je veux parler. Il n’a point de branches ; au sommet de sa tige, il érige une touffe de palmes. La palme est l’insigne du triomphe, elle qui, aérienne, amplification de la cime, s’élançant, s’élargissant dans la lumière où elle joue, succombe au poids de sa liberté. Par le jour chaud et le long midi, le cocotier ouvre, écarte ses palmes dans une extase heureuse, et au point où elles se séparent et divergent, comme des crânes d’enfants s’appliquent les têtes grosses et vertes des cocos. C’est ainsi que le cocotier fait le geste de montrer son cœur. Car les palmes inférieures, tandis qu’il s’ouvre jusqu’au fond, se tiennent affaissées et pendantes, et celles du milieu s’écartent de chaque côté tant qu’elles peuvent, et celles du haut, relevées, comme quelqu’un qui ne sait que faire de ses mains ou comme un homme qui montre qu’il s’est rendu, font lentement un signe. La hampe n’est point faite d’un bois inflexible, mais annelée, et, comme une herbe, souple et longue, elle est docile au rêve de la terre, soit qu’elle se porte vers le soleil, soit que, sur les fleuves rapides et terreux ou au-dessus de la mer et du ciel, elle incline sa touffe énorme. La nuit, revenant le long de la plage battue avec une écume formidable par la masse tonitruante de ce léonin Océan Indien que la mousson du sud-ouest pousse en avant, comme je suivais cette rive jonchée de palmes pareilles à des squelettes de barques et d’animaux, je voyais à ma gauche, marchant par cette forêt vide sous un opaque plafond, comme d’énormes araignées grimper obliquement contre le ciel crépusculaire. Vénus, telle qu’une lune toute trempée de plus purs rayons, faisait un grand reflet sur les eaux. Et un cocotier, se penchant sur la mer et l’étoile, comme un être accablé d’amour, faisait le geste d’approcher son cœur du feu céleste. Je me souviendrai de cette nuit, alors que, m’en allant, je me retournai. Je voyais pendre de grandes chevelures, et, à travers le haut péristyle de la forêt, le ciel où l’orage posant ses pieds sur la mer s’élevait comme une montagne, et au ras de la terre la couleur pâle de l’Océan. Je me souviendrai de toi, Ceylan ! de tes feuillages et de tes fruits, et de tes gens aux yeux doux qui s’en vont nus par tes chemins couleur de chair de mangue, et de ces longues fleurs roses que l’homme qui me traînait mit enfin sur mes genoux quand, les larmes aux yeux, accablé d’un mal, je roulais sous ton ciel pluvieux, mâchant une feuille de cinnamome.
© Connaissance de l'Est, 1907 |
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